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"Angels in America" à la Comédie-Française : Desplechin projette les années sida sur scène entre drame et rire

Arnaud Desplechin adapte pour la Comédie-Française la pièce de Tony Kushner, "Angels in America" (prix Pulitzer en 1993), récit de la dégringolade du rêve américain au temps du sida.  

Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Christophe Montenez et Jérémy Lopez in "Angels in America" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Cinq ans après le réussi Père de Strindberg, le cinéaste Arnaud Desplechin est de retour à la Comédie-Française avec une pièce de Tony Kushner sur les années sida aux Etats-Unis.

Roy Cohn, l'odieux symbole pour les gays américains

Roy Cohn est le personnage clé d’Angels in America. Célèbre avocat, anticommuniste hystérique, cet ancien bras droit de McCarthy a œuvré pour qu’Ethel Rosenberg (accusée d’espionnage au profit de l’URSS) soit envoyée à la chaise électrique. Il devint aussi dans les années 80 un odieux symbole pour les gays américains car, homosexuel honteux, il a prétendu qu’il souffrait d’un cancer du foie alors qu’il était en train de mourir du sida.

Michel Vuillermoz incarne Roy Cohn dans "Angels in America" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Autour de cette figure d’une ambigüité insupportable, gravitent des personnages plus humains, affolés par le cataclysme de cette maladie qui les laisse démunis, dans l’indifférence.

Un enchevêtrement de destins

Il y a Joe, brillant avocat mormon qui refuse de reconnaître ses pulsions, et dont la femme, Harper, se console au Valium. Il y a Prior, atteint du sida et abandonné par Louis, son amant terrifié par la maladie. On croisera aussi un rabbin, un travesti infirmier, une mère mormone, le fantôme d’Ethel Rosenberg, des anges… Ces personnages ne vont cesser de se croiser et leurs destins s’enchevêtrer dans une succession de scènes courtes et percutantes, dont on ne perd jamais le fil. 

"Angels in America" de Tony Kushner, mis en scène par Arnaud Desplechin (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Dans de très beaux et élégants décors, Arnaud Desplechin a resserré l’intrigue en 2H30 (au lieu de 6 !), lui donnant clarté et fluidité, aidé par la traduction de Pierre Laville qui rend toute la cocasserie des dialogues. Car sur un sujet si grave, on rit.

L'Amérique désaxée

La corruption de la justice, la condition des homosexuels et des Noirs, le sida, l’écologie, la religion juive et celle des mormons, la trahison amoureuse, la désertion de Dieu… N’allez pas croire que Tony Kushner charge la barque, il réussit à dresser avec tous ces sujets brûlants un portrait remarquable de l’Amérique désaxée et au-delà, des dérèglements du monde.

Michel Vuillermoz dans "Angels in America" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Une troupe forte

Autour de Michel Vuillermoz, formidable Roy Coy, la grande Dominique Blanc, méconnaisable, se démultiplie dans six rôles masculins et féminins. Clément Hervieu Léger, lui, allie fragilité et force en Prior, le malade devenu prophète malgré lui. Citons aussi Christophe Montenez, Jennifer Decker, Jérémy Lopez, Florence Viala et Gaël Kamilindi.

Clément Hervieu-Léger et Jennifer Decker dans "Angels in America" (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

C’était il y a trente ans, la pièce dit un temps qui apparaît presque surnaturel aujourd’hui, mais dont se dégage une énergie foudroyante. Une époque où, il ne faut pas l’oublier, les trithérapies étant balbutiantes, les malades tombaient comme des mouches et Tony Kusher (la pièce date de 1991) en était le témoin.

"Angels in America" de Tony Kushner
Mise en scène de Arnaud Desplechin 
Comédie-Française
Du 18 janvier au 27 mars 2020
Place Colette, Paris 1er
01 44 58 15 15

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