Affaire Johnny Depp : comment les détracteurs d'Amber Heard l'ont fait passer de victime à "manipulatrice"
L'actrice américaine est vivement attaquée depuis qu'elle a accusé son mari de violences conjugales et a entamé une procédure de divorce.
"Menteuse", "manipulatrice", "démon"… Amber Heard est accusée de tous les maux depuis une dizaine de jours. L'actrice américaine a entamé une procédure de divorce avec son mari, Johnny Depp, qu'elle accuse de violences conjugales. Bien que la justice ne se soit pour l'instant pas prononcée sur ces faits, la jeune femme est violemment critiquée par de nombreux internautes et par des proches de l'acteur. Mais comment Amber Heard est-elle passée du statut de victime à celui de "manipulatrice" en à peine une semaine ?
A vrai dire, l'actrice de 30 ans est dans le collimateur des fans de Johnny Depp depuis quelques années déjà. Les premières attaques ont fusé en 2012, lorsque la star a annoncé sa séparation avec sa compagne depuis quatorze ans, Vanessa Paradis. Le couple, dont l'histoire avait des allures de conte de fées, était très apprécié de l'opinion publique, rappelle RTL.
Son péché originel : avoir "brisé" le couple Depp-Paradis
Quelques semaines après son divorce, Johnny Depp a officialisé sa relation avec Amber Heard, plus jeune que lui de vingt-deux ans. L'actrice a aussitôt été qualifiée de "briseuse de couple", comme Angelina Jolie l'avait été lors de la rupture entre Brad Pitt et Jennifer Aniston. "Tout le monde s’est attaché au premier amour et il faut le temps d’en faire le deuil, explique Pascal Anger, psychanalyste, à 20 Minutes. On est toujours dans l’idée qu’il faut préserver le couple idéal."
La lune de miel a toutefois été de courte durée. Amber Heard a entamé une procédure de divorce avec Johnny Depp, lundi 23 mai, après quinze mois de mariage, rapporte le Huffington Post. Elle a en outre obtenu une ordonnance restrictive contre l'acteur, qui n'a plus le droit de l'approcher à moins de 100 mètres jusqu'au 17 juin.
En cause, une dernière dispute qui se serait produite samedi 21 mai. Johnny Depp, ivre, aurait "agressé physiquement et verbalement" Amber Heard. Il lui aurait notamment jeté un téléphone portable au visage, selon le témoignage que la jeune femme a livré devant le juge, vendredi 27 mai.
Plusieurs proches de l'actrice ont confirmé cette version des faits, appuyée par un dossier de 40 pages et des photos de sa joue tuméfiée. Des bleus étaient d'ailleurs toujours visibles sous son œil lorsqu'elle a quitté le tribunal de Los Angeles, sous les objectifs des paparazzis.
Front commun des proches de Johnny Depp
La star de Pirates des Caraïbes n'a pas personnellement répondu à ces accusations. "Compte tenu de la brièveté de ce mariage et de la perte récente et tragique de sa mère, Johnny ne répondra pas aux fausses histoires et aux ragots, a toutefois déclaré son porte-parole. Espérons que la dissolution de ce court mariage sera prononcée rapidement."
Des proches de l'acteur l'ont également soutenu dans la presse. "Pendant toutes les années au cours desquelles j’ai connu Johnny, il n’a jamais été physiquement violent avec moi et cela ne ressemble en rien à l’homme avec lequel j’ai vécu pendant quatorze merveilleuses années", a témoigné Vanessa Paradis dans une lettre publiée sur le site people TMZ (en anglais).
La fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis, Lily-Rose Depp, a, de son côté, déclaré sur Instagram que "[son] père est la plus douce et la plus aimante des personnes qu['elle] connaisse".
Accusée de simuler par appât du gain
D'autres proches de Johnny Depp se sont montrés bien plus virulents envers Amber Heard. "C'est une bien meilleure actrice que ce que je pensais", a lancé le réalisateur britannique Terry Gilliam sur Facebook (en anglais). Dans une tribune publiée sur The Wrap (en anglais), l'humoriste Doug Stanhope est allé jusqu'à comparer la jeune femme à un "démon". "Johnny Depp a été utilisé, manipulé et piégé pour passer pour un connard, assure-t-il. Et il l’a vue venir, mais ne savait pas comment faire ou ne pouvait rien faire pour l’arrêter."
Les avocats de Johnny Depp accusent en effet Amber Heard de "tenter par tous les moyens d’obtenir une compensation financière prématurée en prétextant de mauvais traitements". Un argument très vite repris sur les réseaux sociaux, note Slate. Certains internautes affirment ainsi que la jeune femme s'est maquillée pour reproduire de faux bleus, dans l'unique but d'obtenir une partie de la fortune de son mari, évaluée à 360 millions d'euros.
>Les gens: Mais pq les victimes de VC ne témoignent pas ???
— Marie-A (@mariefchtt) 28 mai 2016
> #AmberHeard : "Mon mari m'a frappé."
>Les gens : pic.twitter.com/NxHtsQlBIo
Jugée sur sa bisexualité et sa prétendue "hystérie"
Certains médias ont eux aussi pris la défense de l'acteur, à grand renfort d'arguments douteux, relève Libération. Le Daily Mail (en anglais) a tenté de faire le lien entre la bisexualité de l'actrice et la fin de son mariage avec Johnny Depp, "qui est devenu fou de peur [qu'elle] ne le trompe" avec des femmes.
D'autres médias ont opté pour les attaques sexistes. "Amber Heard a une attitude qui relève plus ou moins de l’hystérie depuis le début des festivités juridiques, estime ainsi Le Figaro Madame, mardi 30 mai. Vendredi 27 mai, après avoir rendu son dossier accusateur, les paparazzis du site people TMZ la surprennent dans une crise de larmes dans sa voiture avec chauffeur. Le lendemain, elle parade dans les rues de L.A., pouffant bruyamment de rire avec une amie et son staff d’avocats."
Critiquée parce qu'elle s'attaque à une idole
S'il est normal de respecter la présomption d'innocence de Johnny Depp, il l'est tout autant de ne pas discréditer a priori Amber Heard. Pourquoi une partie des internautes et des médias refuse-t-elle alors de croire à ses accusations ? Parce que la jeune femme a fait l'erreur de s'attaquer à une idole du cinéma américain, avance RTL.
Malgré un passé sulfureux, marqué par des excès d'alcool et de drogue, Johnny Depp est très apprécié du grand public. L'acteur a multiplié les succès au box-office, grâce à ses personnages décalés et attachants, depuis Edward aux mains d'argent jusqu'à Pirates des Caraïbes.
"Notre société estime dans ces cas-là que les hommes de pouvoir avec une renommée telle que celle de Johnny Depp, ne peuvent [battre leur conjointe] ou bien que l’on ne va pas démolir l’icône pour des 'broutilles', note la psychiatre Muriel Salmona, interrogée par Metronews. Personne ne veut savoir."
Un déni généralisé des violences conjugales
Amber Heard fait face au même déni que celui subi par de nombreuses victimes de violences conjugales. On lui reproche de ne pas avoir immédiatement porté plainte lorsque la police est intervenue à son domicile pour interrompre sa dispute avec Johnny Depp, le 21 mai. "Amber a voulu protéger sa vie privée et la carrière de [son mari]", répondent ses avocats, cités par le Huffington Post (en anglais).
Autre argument avancé par ses détracteurs : pourquoi l'actrice est-elle restée avec Johnny Depp si elle a effectivement subi des violences depuis le début de leur relation, en 2012 ? "Plus les femmes sont victimes de violences, moins elles parlent. On constate des troubles psycho-traumatiques, qu'elles sont anesthésiées émotionnellement et physiquement, analyse Muriel Salmona pour Metronews. Elles sont déconnectées de leurs émotions. C’est un processus de survie."
Amber Heard a fini par déposer une main courante, mardi 31 mai, pour répondre aux "attaques incessantes et aux purs mensonges lancés contre elle par l'opinion depuis les événements tragiques du 21 mai". Les réactions et le traitement médiatique liés à cette affaire sont toutefois inquiétants. "Ce genre de couverture médiatique, qui transforme la présomption d'innocence en une présomption de culpabilité de l'accusatrice, peut rendre plus difficile la décision de témoigner en cas de violences domestiques", rappelle ainsi Slate.
Selon un rapport publié par l'OMS en 2013, un tiers des femmes sont victimes de violences conjugales dans le monde. En France, l'Insee estime que plus de 200 000 femmes de 18 à 75 ans ont subi des abus de la part de leur conjoint entre 2010 et 2015, précise Le Monde. Seules 16% d'entre elles ont porté plainte.
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