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AlUla et Madâin Sâlih, la petite soeur de Pétra, des perles d'Arabie à découvrir à l'Institut du monde arabe

Pièces archéologiques, photos, films, l'Institut du monde arabe présente une exposition sur la région d'AlUla, au nord de l'Arabie Saoudite, où se trouvent de fabuleux tombeaux nabatéens méconnus (exposition prolongée jusqu'au 8 mars 2020)

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Qasr Al Farid, Madâin Sâlih, AlUla (© Hubert Raguet)

Dans une lumière extraordinaire, une butte rocheuse ocre se tient au milieu du désert, une façade de tombeau sculptée dans son flanc. Il s'agit bien d'un site nabatéen mais on n'est pas à Petra en Jordanie. On est en Arabie Saoudite, à Madâin Sâlih (ou Hegra), dans la vallée d'AlUla (nord-ouest) : la "petite sœur" de Petra, comme l'appelle Laïla Nehmé, archéologue qui codirige une mission archéologique sur place. Elle est commissaire de l'exposition que propose l'Institut du monde arabe sur la région d'AlUla, avec son collègue saoudien Abdulrahman AlSuhaibani.

Ces vestiges étaient inexplorés jusqu'à ce que des équipes de scientifiques entament des fouilles il y a une vingtaine d'années : l'exposition nous présente la région aujourd'hui et à travers les âges.

Bas-relief décoré d’un lion, sanctuaire de Dadan (al-Khuraybah), AlUla. Ve – 1er siècle avant JC (Riyâd, musée du département d’Archéologie, Université du roi Saud.)

Une oasis au fond d'une vallée

Dans les deux premières salles on est plongé dans les merveilles naturelles du lieu, une vallée encaissée entre des falaises de grès et entourée de montagne où des coulées de basalte ont figé des reliefs accidentés. Des images fixes et animées de Yann Arthus-Bertrand nous montrent le contraste entre la pierre rose, jaune, et le vert du fond du wadi. Entre la sécheresse du paysage minéral et la fraîcheur de l'oasis. Car si le paysage est désertique, l'eau ruisselle le long des parois et est recueillie dans une nappe qui depuis toujours permet de cultiver les dattes, les agrumes, d'élever des chameaux. Des graines antiques retrouvées par les archéologues dans des sédiments attestent de la culture de coton.

Les traces de l'époque préhistorique sont assez peu nombreux mais on peut voir des photos aériennes de cairns funéraires, de tombes à traîne, inscrits dans le paysage.

Tombeaux nabatéens, AlUla  (© Yann Arthus-Bertrand, Hope Production)

Madâin Sâlih, la ville des Nabatéens

La deuxième partie, chronologique, raconte les civilisations qui se sont développées dans la vallée, grâce aux découvertes archéologiques de ces dernières années. On est accueilli par deux brûle-encens monumentaux décorés de frises animalières du royaume de Dadan, au premier millénaire avant J-C. Des photos montrent les tombeaux creusés à cette époque à flanc de falaise, avec de petites ouvertures carrées en hauteur, surmontées de lions stylisés. D'impressionnantes statues de grès rose de 2,5 m de haut représentent les rois Lihyanites qui leur ont succédé. Ces deux royaumes se sont développés à partir du 8e siècle avant J-C. au carrefour des routes caravanières.

Une cinquantaine d'années avant notre ère, ce sont les Nabatéens qui s'installent. Cette civilisation est bien connue pour son fabuleux site jordanien de Pétra, visité tous les ans par des centaines de milliers de touristes. Les Nabatéens font alors de Hégra (ou Madâin Sâlih) sa frontière sud. Le site, classé au patrimoine mondial de l'Unesco en 2008, présente le même type de tombeaux monumentaux que Pétra, une centaine, où les défunts étaient placés dans des niches taillées dans la paroi.

Linteau avec inscription dadanite, Sanctuaire de Dadan (Al-Khuraybah), lUla, Arabie saoudite, Ve-Ier siècle av. J.-C. (Riyâd, Commission saoudienne pour le Tourisme et le Patrimoine national)

Ecritures

"Dans ces tombeaux, les conditions de conservation sont extraordinaires car en raison du climat tout y a été préservé, y compris la peau, les cheveux les os, le cuir, les végétaux. Dans certains, on marchait littéralement sur les linceuls", raconte Laïla Nehmé. Des fragments de linceul et des vestiges funéraires ainsi qu'un squelette sont exposés dans des vitrines. Une animation explique le creusement des tombeaux, une autre reconstitue les rites funéraires.

Les Romains sont passés par là comme l'attestent des inscriptions retrouvées sur des pierres. Une section est d'ailleurs consacrée aux écritures, araméenne, dadanite, nabatéenne, dont les traces sont nombreuses. C'est de cette dernière qu'est née l'écriture arabe, en passant par une phase transitoire, nabatéo-arabe, raconte Laïla Nehmé.

Antonin Jaussen (1871-1962), le père Raphaël Savignac réalisant l’estampage d’une inscription gravée sur un tombeau nabatéen, Hégra. 1907  (Jérusalem, école biblique et archéologique française)

Un chemin de fer dans le désert

Un film nous montre la vieille ville d'AlUla et ses quelque 900 maisons en brique crue, abandonnée en 1980 par ses habitants. AlUla lieu important sur les routes commerciales avant l'islam puis sur la route du pèlerinage.

Un autre axe de transport est évoqué, la fascinante et éphémère ligne ferroviaire du Hijaz qui reliait Damas à Médine (1766 km, 96 stations), construite au début du 20e siècle par les Ottomans. La gare de Madâin Sâlih, inaugurée en 1907, était une des principales de la ligne, raconte l'historien Philippe Pétriat, dans le catalogue de l'exposition (AlUla, merveille d'Arabie, coédition Gallimard / Institut du monde arabe). A une vitesse de 25 à 30 km/h, les pèlerins pouvaient rejoindre Médine à Damas en deux et demi à trois jours, à travers le désert.

Dès 1909 elle fut attaquée par les bédouins, puis sabotée par les troupes de la révolte arabe soutenues par les Britanniques, et abandonnée en 1919. Elle est évoquée à travers des photos de la gare rénovée, quelques objets et un rail.

Une région qui s'ouvre au tourisme

Une opération publicitaire saoudienne ? On peut se poser la question alors que la manifestation est organisée au moment où le royaume communique sur sa volonté d'ouverture au tourisme étranger. Riyadh a commencé fin septembre à délivrer des visas de tourisme et compte sur cette région, paradis des archéologues, pour attirer les étrangers.

L'idée de l'exposition est née il y a cinq ans, nous dit-on, quand Jack Lang, le président de l'Institut du monde arabe, s'est rendu sur place et a été émerveillé par le site grandiose, sorte de musée à ciel ouvert. Toujours est-il qu'elle est organisée avec le soutien de la Commission royale pour AlUla, créée par les autorités saoudiennes en 2017

Vous n'irez peut-être pas (tout de suite) en voyage dans le nord de l'Arabie. Raison de plus pour en découvrir les merveilles grâce à cette exposition.


AlUla, merveille d'Arabie, l'oasis aux 7000 ans d'histoire
Institut du monde arabe
1, rue des Fossés Saint-Bernard place Mohammed V, 75005 Paris
Tous les jours sauf le lundi : du mardi au vendredi 10h-18h, samedi, dimanche et jours fériés 10h-19h
Tarifs : 12 € / 10 € / 6 €
Prévue du 9 octobre 2019 au 19 janvier 2020, l'exposition est prolongée jusqu'au 8 mars 2020

AlUla, merveille d'Arabie (Gallimard / Institut du monde arabe)
Le catalogue rassemble une vingtaine de texte de chercheurs, archéologues, historiens, anthropologues, et de nombreuses photos (144 pages, 30 euros)

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