Midnight Oil à Lyon : ardentes retrouvailles avec les fans sous le ciel des Nuits de Fourvière
C’était un concert très attendu par les fans lyonnais depuis 26 ans, date du dernier concert de Midnight Oil dans la ville. Peter Garrett et sa bande ont enflammé le théâtre antique de Fourvière avec un show d’une belle énergie et d’une intense générosité.
La dernière fois que Midnight Oil a joué à Lyon c’était en 1993 au Transbordeur. A l’époque les admirateurs du premier rang avaient forcément un tout autre look mais en discutant un peu, on a la nette impression de tous les retrouver ici ce soir. Chaleureusement agglutinés devant la scène d’un théâtre antique archi complet, ils témoignent de la même impatience, 26 ans après.
Dans la foule, seulement un ou deux visages beaucoup plus jeunes se détachent."Je suis venu avec mon fils de 15 ans et deux autres enfants" nous explique un papa disquaire , "Midnight Oil, c’est l’un de mes premiers concerts et je voulais qu’ils vivent ça !". Vincent lui aussi a connu sa première expérience live avec The Oils : "Depuis, ils ont pris 25 ans… Je ne sais pas ce que ça va donner. Peter Garrett sur scène, c’était quand même quelque chose !". Arnaud de son côté se rappelle d’un concert à Bercy en 1990 : "Je me demande s’il va nous transmettre la même énergie, avec la même fougue et la même hargne". "Il a toujours dégagé beaucoup d’aura, je pense qu’il est encore très magnétique" se rassure Anne-Catherine.
Le point "The G"
21h30 Le public va devoir encore patienter un peu. C’est par l’extrême jeunesse de The G, en première partie, que passera dans un premier temps "la fougue et la hargne". Âgés de 18 et 15 ans, les deux frères corses avaient déjà bluffé le public de Midnight Oil en ouvrant le rideau des concerts des Australiens lors de la tournée de la reformation en 2017, notamment à l'Olympia. Vestes à fleurs, cheveux roses et peroxydés, gestes nerveux et son saturé bien affirmé, ils pourraient avoir l’âge des petits enfants des Oils. Leur tonitruant power duo guitare + batterie, dans la lignée de White Stripes, embarque très rapidement le public de quadras bien mûrs qui aura forcément une petite pensée pour les Nirvana ou Rage Against The Machine de leur époque.
22h 30 C’est dans la pénombre que retentit l’intro si familière de The Dead Heart, un des titres forts de l’album Diesel and Dust qui va marquer toute une génération. Les longs bras de Peter Garrett accompagnent les premières notes de sa gestuelle si particulière de pantin désarticulé aux allures de robot. "We dont serve your Country / Dont serve your King… ". Frissons et tonnerre d’applaudissements sur les vielles pierres du théâtre antique. Les fans retrouvent enfin cette voix puissante et singulière mais aussi ses messages si importants qui les ont séduits à l’époque. "Pour Peter Garrett, musique, politique et écologie sont indissociables. Je me suis tout de suite reconnu la dedans : la défense de l’environnement, des Aborigènes…l’anti militarisme. Pour moi, la musique doit avoir un message" nous confie Vincent.
Rattraper le temps, de toute urgence
Avec un magnifique sourire, le grand Peter semble s’excuser du temps perdu : "ça faisait trop longtemps ! mais ce soir est un très bon soir, pour tous ! " dit-il dans un lumineux sourire avant d’entonner Stars of Warburton tiré de Blue Sky Mining, l’autre grand album à succès du groupe. Les titres s’enchaînent très vite, on ressent comme une urgence : "ça fout les poils… " nous confie notre voisin, des lumières dans les yeux, "c'est un véritable voyage dans le temps".
Peter Garrett qui embarque tout le monde sur les chœurs de My Country est en grande forme et il n’est pas le seul. Perché et souriant sur une estrade au milieu de la scène, le batteur Rob Hirst ne dissimule pas son plaisir de jeu dans une énergie communicative. C’est lui qui va prendre la parole, en français, dans un temps fort du concert pour expliquer la signification du long texte qui tapisse le fond de scène jaune et rouge, aux couleurs du drapeau aborigène : "C’est la déclaration de cœur des Aborigènes, écrite pour qu’ils gagnent leur voix dans le gouvernement. Rien pour le moment, malheureusement."
La danse des mots
Peter Garrett reprend le leadership, parfois de manière très théâtrale, il danse beaucoup, mime son pianiste dans une séquence à la Buster Keaton, et fait littéralement chavirer Fourvière avec l’indispensable Power And The Passion puis l’explosion de tubes Blue Sky Mine et Beds are Burning, "a very special song for us" qui a conforté la renommée mondiale du groupe. Difficile à ce moment-là de rester insensible à l’émotion qui se dégage du public et du phénoménal Rob Hitst, hilare, qui frappe sa batterie de plus en plus fort tandis que tous semblent l’accompagner sur Forgotten Years dont il a écrit les paroles.
Rapide debrief avec Arnaud en attendant les rappels : "C’est dingue, ils n’ont rien perdu ! Peter n’a pas pris une ride, il a toujours le même charisme, la même énergie ! C’était un incroyable bon de trente ans dans le temps, Top !". Anne-Catherine n’en revient pas de retrouver le leader de 66 ans "toujours aussi impressionnant dans sa façon d’occuper la scène en longues enjambées, dos droit et raide comme la justice ! ". Elle regrette toutefois que ces textes, sur l’urgence climatique, les abus sociaux ou le déni des droits des peuples premiers restent encore cruellement d’actualité 25 ans après.
J’ai aussi vu Midnight Oil en concert et bordel quel énergie c’était énorme vraiment ! pic.twitter.com/vGghZ2hyCq
— Mat Strummer (@MatStrummer) 1 juillet 2019
Le plein de vitalité et d'énergie
Conclusion renforcée durant les rappels Redneck Wonderland, Dreamword et King of the Mountain avec l’inévitable lancer de coussins verts depuis les gradins de Fourvière joliment rebaptisé "cushion dance" par Peter Garrett. Le concert se termine avec le très stonien One Country repris comme dans une messe.
Même après une heure et demie de concert, le chanteur garde une voix incroyable, probablement préservée par sa longue pause politique (député puis ministre à deux reprises) qui a conduit à la séparation du groupe durant 15 ans. Une paille finalement dans une carrière débutée en 1972 avec The Farm pour trois d’entre eux (Garrett, Moginie et Hirst). Beaucoup espèrent que le "à bientôt !" lancé par Peter avant de disparaître ne prendra pas une éternité une seconde fois.
On retrouve une dernière fois Vincent, enthousiaste et lui aussi bluffé par un concert "extraordinaire, plein de vitalité et d’énergie" mais il manquait River Runs Red, leur meilleure chanson selon lui, "qui parle tellement bien du problème de la pollution". S’ils refont le coup de ne pas revenir avant très longtemps, il aura toujours ses disques pour se consoler : "Quand j’ai un coup de moins bien, j’écoute Midnight Oil et ça repart !".
Après une première date au Grand Rex à Paris le 27 juin dernier, Midnight Oil va terminer sa mini tournée française le 11 juillet au Festival Guitare en Scène à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie).
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