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Festival des Inrocks : focus sur la caravane itinérante
Le festival des Inrockuptibles ne s’adresse pas qu’aux happy fews parisiens. 20 ans déjà que le festival emmène sa caravane de groupes aux quatre coins de France. C’est même sa spécificité majeure par rapport aux autres festivals. Comment s’organise cette véritable "colonie de vacances" itinérante, occasion pour les artistes de se renifler et plus si affinités ? Jean-Daniel Beauvallet raconte.
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Temps de lecture : 9min
Comment est né le volet régional du festival des Inrocks ?
Jean-Daniel Beauvallet, rédacteur en chef musique des Inrockuptibles et co-programmateur du festival : "Au départ, il y a eu un constat : les groupes que nous voulions défendre dans le festival des Inrocks ne jouaient pas en province ou bien ils jouaient dans de mauvaises conditions, comme nous le faisaient savoir nos lecteurs. C'était il y a 20 ans. Nous avons alors décidé d’aller à la rencontre de notre public. Parce qu’il ne faut pas oublier que notre lectorat est un tiers à Paris, un tiers dans les grandes villes, et un tiers dans le reste de la France. Ce n’est pas du tout le journal parisien qu’on décrit régulièrement, il y a une grosse affection et une forte implantation en province. Logiquement, nous avons commencé par visiter les places fortes des Inrocks, c'est-à-dire Lille, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon.
Comment vous y êtes vous pris ?
En régions les salles ont été immédiatement demandeuses. Malheureusement, c’est très très dur de gérer un calendrier de quatre groupes sur deux jours et de les faire coincider car ils ont tous des tournées, des enregistrements, des télés, de la promo etc. Donc on arrive à les avoir en plateau tournant sur 3-4 jours, difficilement plus, sinon on pourrait faire dix dates du festival des Inrocks en province. Les plateaux régionaux ne sont pas les mêmes qu’à Paris : on y remarque beaucoup moins de têtes d’affiche…
Cette année, ce sont principalement des plateaux découverte, qui reflètent bien ce qu’on a envie de défendre dans les Inrocks. Le public et les salles sont très demandeurs de ces plateaux prospectifs. Et puis c’est très compliqué d’avoir Suede ou Foals sur les quatre dates pour des questions de calendrier car les deux groupes sont actuellement en tournée. A Tourcoing, Caen et Nantes, il y a quand même Valérie June, qui est une tête de gondole. Il ne faut pas oublier que certaines années on a fait tourner Oasis ou Muse quand ils n’étaient pas encore connus. Et puis on ne veut pas que ce soit à la carte, que telle ville ait tel groupe et telle autre ville d’autres groupes. On tient à ce que ce soit de vrais plateaux tournants, qu’une vraie camaraderie se noue entre les groupes.
En province, le public vient-il les yeux fermés ? Contrairement à Paris où l’offre est importante et où il faut faire des choix ?
Oui, ils peuvent tiquer parce que ce sont des inconnus mais rapidement ils se souviennent que c’est là qu’ils ont vu jouer des groupes qu’ils ne connaissaient pas du tout et qu’ils se réjouissent d’avoir vus, où qu’ils se mordent les doigts de ne pas avoir vus. Le festival des Inrocks a révélé des groupes comme les Libertines, Franz Ferdinand , Placebo, Muse, Coldplay, PJ Harvey ou Agnès Obel, la liste est longue. Donc les gens ont tendance à nous faire un peu confiance.
Cette année la caravane passe dans six villes, certaines haltes sont-elles nouvelles ?
Nancy est une nouveauté, Tourcoing aussi, car nous allions traditionnellement à Lille. Nous revenons à Bordeaux où nous n’étions pas allés depuis longtemps. Nous sommes également de retour à Caen parce que c’est une ville où il se passe beaucoup de choses. Ce qui me désole, c’est qu’on n’aille pas dans les villes où les salles et le public sont en demande comme Strasbourg, Tours, Clermont-Ferrand. Ni Marseille cette année, c’est rageant. Souvent pour des questions de logistique. Certains artistes fonctionnent-ils mieux en région qu’à Paris ?
Oui, les têtes d’affiche changent et les réactions du public sont différentes. Le public de province est très méfiant vis-à-vis de tout ce qui est «hype» et vu comme parisianiste. Et puis le public de Toulouse n’est pas le même que celui de Lille. Déjà il y a beaucoup de Belges qui viennent à Lille et cette année à Tourcoing, parce que Bruxelles est une ville où le festival des Inrocks pourrait largement faire étape, mais on n’y arrive pas. Pourtant c’est ça notre vocation. On me demande toujours si je voudrais faire de plus grandes salles mais non, l’idée ce serait de s’étendre dans toute la France mais aussi d’avoir une soirée ou deux à Londres, une soirée ou deux à Bruxelles, une ou deux à Lausanne et d’être beaucoup plus présent sur les régions.
En même temps, il y a peu de groupes locaux dans vos plateaux régionaux
Certaines villes le font. Nancy par exemple : Capture qui jouera pour le festival est un groupe nancéen Inrocks Lab. L’idée ce serait d’associer dès l’an prochain l’Inrocks Lab avec les villes de province, en faisant en sorte que pour chaque plateau il y ait un groupe local de l’Inrocks Lab. Parce qu’on se rend compte quand on fait les sélections à micro ouvert que la qualité est dingue et qu’on a largement de quoi fournir un groupe local digne d’intérêt à chaque étape.
Pourquoi Nantes est-elle la ville la plus gâtée avec trois soirs cette année ?
C’était sans doute des questions de disponibilités de groupes. Et puis le Stereolux de Nantes est traditionnellement la salle qui réussit le mieux le festival des Inrocks. C’est un public gâté, comme celui de Tourcoing ou de Toulouse. L’infrastructure est démente et le public vient de loin, de Rennes notamment. Le Stereolux c’est plus qu’une salle, c’est un complexe, un couteau suisse. Moi qui bourlingue pas mal dans les salles, c’est le plus bel outil que j’ai vu en France parce que ça peut accompagner les groupes du studio de répétitions jusqu’à la petite salle, jusqu’à la salle du Forum, tout est là pour accompagner les groupes du début à la fin. La ville dans laquelle vous avez le plus de plaisir à aller ?
L’un des gros atouts du festival c’est que les groupes sont hyper bien reçus dans les salles, aussi bien à Paris qu’en province. Ils gardent tous un souvenir émerveillé de Toulouse parce que le patron du Bikini, Hervé Sansonetto, leur fait la bouffe lui-même, il leur fait des magrets de canard au barbecue, il les traite comme ses enfants, ça finit en orgie gallo-romaine à chaque fois. Le Bikini est resté fermé pendant longtemps à cause de l’explosion d’AZF et en rouvrant 5-6 ans plus tard, il a réussi à réanimer son esprit. Le lieu est différent, la ville est différente, mais l’esprit est resté le même. C’est là où on se dit que ça tient sur des gens, qui sont de vrais passionnés. L’équipe du Grand Mix de Tourcoing, du Stereolux à Nantes ou du Bikini à Toulouse ce sont des gens en or ! Des gens qui croient vraiment a la musique et qui ont une mission régionale, locale, qui veulent juste que leur ville vive grâce à leur salle.
Avez-vous des exemples de groupes qui sont tombés amoureux de la ville ?
Mais plein ! Pulp par exemple, il y a deux ans, quand ils se sont reformés dans le plus grand secret, ils ont demandé à faire les répétitions au Bikini à Toulouse. Quant à Foals, ils en parlent régulièrement dans leurs interviews, Toulouse est leur ville préférée de France. Evidemment, ils sont reçus comme des pachas. Et en plus c’est la date finale de la tournée. Ils se regardent en chien de faïence quand ils déboulent à Lille ou Tourcoing en début de tournée, et puis ils sympathisent au fil des concerts, finissent même pas jouer les uns avec les autres et dans les lits les uns des autres…
Certains se sont-ils mis à jouer ensemble ? Des couples se sont ils formés ?
En tout cas ca crée une camaraderie, c’est la colonie de vacances pendant 5-6 jours pendant lequel ça peut se barrer en vrille. La caravane est constituée de tour bus qui se suivent mais à la fin disons que les tour bus sont un peu mélangés… Suivant qui a la meilleure console de jeu, etc… Et à Toulouse ils se lâchent parce qu’ils savent que c’est la fin. Tout peut arriver à Toulouse !
Le Festival des Inrockuptibles 2013, qui se tient à Paris du 5 au 12 novembre, fait étape à Caen (7 nov), Tourcoing (7-8 nov), Nantes (8-9 et 10 nov), Bordeaux (9 nov), Nancy (9 nov) et Toulouse (11-12 nov). Consultez le détail de la programmation.
Jean-Daniel Beauvallet, rédacteur en chef musique des Inrockuptibles et co-programmateur du festival : "Au départ, il y a eu un constat : les groupes que nous voulions défendre dans le festival des Inrocks ne jouaient pas en province ou bien ils jouaient dans de mauvaises conditions, comme nous le faisaient savoir nos lecteurs. C'était il y a 20 ans. Nous avons alors décidé d’aller à la rencontre de notre public. Parce qu’il ne faut pas oublier que notre lectorat est un tiers à Paris, un tiers dans les grandes villes, et un tiers dans le reste de la France. Ce n’est pas du tout le journal parisien qu’on décrit régulièrement, il y a une grosse affection et une forte implantation en province. Logiquement, nous avons commencé par visiter les places fortes des Inrocks, c'est-à-dire Lille, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon.
Comment vous y êtes vous pris ?
En régions les salles ont été immédiatement demandeuses. Malheureusement, c’est très très dur de gérer un calendrier de quatre groupes sur deux jours et de les faire coincider car ils ont tous des tournées, des enregistrements, des télés, de la promo etc. Donc on arrive à les avoir en plateau tournant sur 3-4 jours, difficilement plus, sinon on pourrait faire dix dates du festival des Inrocks en province. Les plateaux régionaux ne sont pas les mêmes qu’à Paris : on y remarque beaucoup moins de têtes d’affiche…
Cette année, ce sont principalement des plateaux découverte, qui reflètent bien ce qu’on a envie de défendre dans les Inrocks. Le public et les salles sont très demandeurs de ces plateaux prospectifs. Et puis c’est très compliqué d’avoir Suede ou Foals sur les quatre dates pour des questions de calendrier car les deux groupes sont actuellement en tournée. A Tourcoing, Caen et Nantes, il y a quand même Valérie June, qui est une tête de gondole. Il ne faut pas oublier que certaines années on a fait tourner Oasis ou Muse quand ils n’étaient pas encore connus. Et puis on ne veut pas que ce soit à la carte, que telle ville ait tel groupe et telle autre ville d’autres groupes. On tient à ce que ce soit de vrais plateaux tournants, qu’une vraie camaraderie se noue entre les groupes.
En province, le public vient-il les yeux fermés ? Contrairement à Paris où l’offre est importante et où il faut faire des choix ?
Oui, ils peuvent tiquer parce que ce sont des inconnus mais rapidement ils se souviennent que c’est là qu’ils ont vu jouer des groupes qu’ils ne connaissaient pas du tout et qu’ils se réjouissent d’avoir vus, où qu’ils se mordent les doigts de ne pas avoir vus. Le festival des Inrocks a révélé des groupes comme les Libertines, Franz Ferdinand , Placebo, Muse, Coldplay, PJ Harvey ou Agnès Obel, la liste est longue. Donc les gens ont tendance à nous faire un peu confiance.
Cette année la caravane passe dans six villes, certaines haltes sont-elles nouvelles ?
Nancy est une nouveauté, Tourcoing aussi, car nous allions traditionnellement à Lille. Nous revenons à Bordeaux où nous n’étions pas allés depuis longtemps. Nous sommes également de retour à Caen parce que c’est une ville où il se passe beaucoup de choses. Ce qui me désole, c’est qu’on n’aille pas dans les villes où les salles et le public sont en demande comme Strasbourg, Tours, Clermont-Ferrand. Ni Marseille cette année, c’est rageant. Souvent pour des questions de logistique. Certains artistes fonctionnent-ils mieux en région qu’à Paris ?
Oui, les têtes d’affiche changent et les réactions du public sont différentes. Le public de province est très méfiant vis-à-vis de tout ce qui est «hype» et vu comme parisianiste. Et puis le public de Toulouse n’est pas le même que celui de Lille. Déjà il y a beaucoup de Belges qui viennent à Lille et cette année à Tourcoing, parce que Bruxelles est une ville où le festival des Inrocks pourrait largement faire étape, mais on n’y arrive pas. Pourtant c’est ça notre vocation. On me demande toujours si je voudrais faire de plus grandes salles mais non, l’idée ce serait de s’étendre dans toute la France mais aussi d’avoir une soirée ou deux à Londres, une soirée ou deux à Bruxelles, une ou deux à Lausanne et d’être beaucoup plus présent sur les régions.
En même temps, il y a peu de groupes locaux dans vos plateaux régionaux
Certaines villes le font. Nancy par exemple : Capture qui jouera pour le festival est un groupe nancéen Inrocks Lab. L’idée ce serait d’associer dès l’an prochain l’Inrocks Lab avec les villes de province, en faisant en sorte que pour chaque plateau il y ait un groupe local de l’Inrocks Lab. Parce qu’on se rend compte quand on fait les sélections à micro ouvert que la qualité est dingue et qu’on a largement de quoi fournir un groupe local digne d’intérêt à chaque étape.
Pourquoi Nantes est-elle la ville la plus gâtée avec trois soirs cette année ?
C’était sans doute des questions de disponibilités de groupes. Et puis le Stereolux de Nantes est traditionnellement la salle qui réussit le mieux le festival des Inrocks. C’est un public gâté, comme celui de Tourcoing ou de Toulouse. L’infrastructure est démente et le public vient de loin, de Rennes notamment. Le Stereolux c’est plus qu’une salle, c’est un complexe, un couteau suisse. Moi qui bourlingue pas mal dans les salles, c’est le plus bel outil que j’ai vu en France parce que ça peut accompagner les groupes du studio de répétitions jusqu’à la petite salle, jusqu’à la salle du Forum, tout est là pour accompagner les groupes du début à la fin. La ville dans laquelle vous avez le plus de plaisir à aller ?
L’un des gros atouts du festival c’est que les groupes sont hyper bien reçus dans les salles, aussi bien à Paris qu’en province. Ils gardent tous un souvenir émerveillé de Toulouse parce que le patron du Bikini, Hervé Sansonetto, leur fait la bouffe lui-même, il leur fait des magrets de canard au barbecue, il les traite comme ses enfants, ça finit en orgie gallo-romaine à chaque fois. Le Bikini est resté fermé pendant longtemps à cause de l’explosion d’AZF et en rouvrant 5-6 ans plus tard, il a réussi à réanimer son esprit. Le lieu est différent, la ville est différente, mais l’esprit est resté le même. C’est là où on se dit que ça tient sur des gens, qui sont de vrais passionnés. L’équipe du Grand Mix de Tourcoing, du Stereolux à Nantes ou du Bikini à Toulouse ce sont des gens en or ! Des gens qui croient vraiment a la musique et qui ont une mission régionale, locale, qui veulent juste que leur ville vive grâce à leur salle.
Avez-vous des exemples de groupes qui sont tombés amoureux de la ville ?
Mais plein ! Pulp par exemple, il y a deux ans, quand ils se sont reformés dans le plus grand secret, ils ont demandé à faire les répétitions au Bikini à Toulouse. Quant à Foals, ils en parlent régulièrement dans leurs interviews, Toulouse est leur ville préférée de France. Evidemment, ils sont reçus comme des pachas. Et en plus c’est la date finale de la tournée. Ils se regardent en chien de faïence quand ils déboulent à Lille ou Tourcoing en début de tournée, et puis ils sympathisent au fil des concerts, finissent même pas jouer les uns avec les autres et dans les lits les uns des autres…
Certains se sont-ils mis à jouer ensemble ? Des couples se sont ils formés ?
En tout cas ca crée une camaraderie, c’est la colonie de vacances pendant 5-6 jours pendant lequel ça peut se barrer en vrille. La caravane est constituée de tour bus qui se suivent mais à la fin disons que les tour bus sont un peu mélangés… Suivant qui a la meilleure console de jeu, etc… Et à Toulouse ils se lâchent parce qu’ils savent que c’est la fin. Tout peut arriver à Toulouse !
Le Festival des Inrockuptibles 2013, qui se tient à Paris du 5 au 12 novembre, fait étape à Caen (7 nov), Tourcoing (7-8 nov), Nantes (8-9 et 10 nov), Bordeaux (9 nov), Nancy (9 nov) et Toulouse (11-12 nov). Consultez le détail de la programmation.
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