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OrelSan : quatre bonnes raisons de voir le documentaire "Montre jamais ça à personne" sur Amazon Prime Video

Que vaut la série documentaire sur OrelSan co-réalisée par son petit-frère Clément ? Après visionnage, nous avons trouvé au moins quatre bonnes raisons de regarder les premiers épisodes.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le rappeur Orelsan le 7 septembre 2019 au festival du film américain de Deauville (France). (LOIC VENANCE / AFP)

OrelSan se croyait "perdu d'avance" (titre de son premier album) et il est devenu une star du rap français. Son petit frère Clément, lui, y a toujours cru et il n'a pas perdu une miette de son ascension, collant aux basques de son frère avec sa caméra. Co-réalisée avec Christophe Offenstein (Les Petits Mouchoirs, Comment c'est loin), la série Montre jamais ça à personne, découpée en six épisodes de 30 minutes chacun, revient sur le parcours du rappeur normand depuis ses débuts "à travers une immersion intime". Des témoignages de ses pairs Akhenaton, Soprano, Oxmo Puccino, Stromae ou GIMS complètent cette plongée dans les coulisses d'une ascension. Voici quatre bonnes raisons de la voir.

1Pour les images intimes réjouissantes

"Rapper, je le faisais pour le fun mais je n’y croyais pas du tout", se souvient OrelSan dans le documentaire. Dès le début, son petit frère Clément, en revanche, y croit beaucoup. Il entreprend de filmer son frangin. Il est là partout, tout le temps. Avec quelques vidéos de proches et d’archives familiales, ses images constituent la matière première du film. Et les plus réjouissantes à découvrir.

Parce qu’OrelSan fait confiance à son frangin, il oublie la caméra et se livre cash ainsi que son entourage. Dans l’action comme dans les temps morts, dans la chambre puis l’appartement en bordel que les copains squattent "H 24", dans le camion de tournée, au saut du lit mal réveillé, en studio, à la radio, dans les coulisses des concerts, dans la déconne comme dans les moments de doutes, Clément est toujours là. On assiste à toutes les métamorphoses et tous les tâtonnements d’Aurélien Cotentin et on sourit régulièrement. Parce qu’Orel est loin d’être toujours à son avantage.

Lorsqu’il tient la réception d’un hôtel de nuit à Caen, en costume gris, large cravate ringarde et le cheveu ras, on ne donne pas cher de son futur de rappeur. Dans sa famille, pourtant bienveillante, on le prend pour un "mou". Lors de son premier clash à la Battle Unkut organisée par Booba avec un jury de stars (Diam’s, Omar Sy, Cut Killer, Rim’K…), il se fait sortir en trois punchlines dès le premier tour. On le voit aussi en déprime avec 15 kg de trop au moment d’un trou d’air dans sa carrière. Au final, ces images donneront à certains l’envie de persévérer. Elles prouvent que même si l’on n’a ni le look ni les codes, il faut continuer jusqu’à imposer sa singularité.

Aurélien Cotentin alias Orelsan, dans la série documentaire "Montre jamais ça à personne", lorsqu'il est réceptionniste de nuit dans un hôtel de Caen. (CLEMENT COTENTIN ET CHRISTOPHE OFFENSTEIN - AMAZON PRIME VIDEO)

2Parce que ce doc est aussi un hymne à l’amitié

Orelsan n’est pas arrivé seul. Comme souvent, c’est une affaire d’équipe. En cela ce documentaire est aussi un hymne à l’amitié, à celle d’une bande de potes qui se sert les coudes. Il nous permet de faire connaissance de plus près avec les hommes de l’ombre. A commencer par le metteur en sons Skread qui s’avère déterminant dans l’aventure.

Tête bien faite rencontrée par Orel en école de commerce, Skread n’est pas un boute-en-train mais "un horloger, un cartésien", un gars sûr et carré, toujours de bon conseil. Il réussit le premier à percer. Il place une prod sur un album de Booba, puis plusieurs sur l’album de Diam’s Dans ma bulle (2006), dont celui du méga hit La boulette. Il pourrait désormais tracer sa route seul.

Sauf que dans cette fraternité musicale, on ne lâche jamais les copains et on se fait la courte-échelle à chaque étape. C’est donc d’abord Skread qui tend la main à OrelSan. Pour sortir sa musique, il monte le label 7 Magnitude, édité chez Warner, avec Ablaye, le fidèle "backeur" jovial qui a œuvré pour qu’Orelsan soit respecté dans les cités. Plus tard, c’est OrelSan qui retiendra Gringe par la capuche de son sweat-shirt pour monter avec lui le duo Casseurs Flowteurs avec le succès que l’on sait.

Orelsan et Gringe dans la série "Montre jamais ça à personne" de Clément Cotentin et Christophe Offenstein. (AMAZON PRIME VIDEO)

3Pour suivre une ascension depuis les coulisses

Comment réalise-t-on son rêve ? C’est la question à laquelle Clément veut répondre avec ce documentaire. Il nous place donc aux premières loges, au cœur du réacteur. A ce sujet, pour ceux qui ne sont pas fans ou connaissent peu Orelsan, ces trois heures (ou au moins les deux premières) valent le coup d’être vues. Comment percer les lignes infranchissables de l’industrie musicale de la capitale quand on vient de province et qu’on n’a ni les codes ni les contacts ? Comment s’imposer, comment rendre désirable un rap potache et déconneur quand l’heure est au rap hardcore ?

Il n’y a pas de secret : il faut travailler, faire preuve de créativité et persévérer. Tout fainéant qu’il puisse paraître, OrelSan n’arrête jamais. Sur les conseils de Skread, il monte d’abord un Myspace sous forme de journal intime. Pendant deux ans, il y met beaucoup d’énergie et d’auto-dérision, tourne de petits teasers et des brouillons de clips pour fidéliser les premiers fans et en attirer d’autres. Lorsque les majors commencent à le courtiser il préfère signer sur un label indépendant qui vient de naître, 3e Bureau.

Après avoir attiré l’attention avec Changement, le titre Jimmy Punchline lui ouvre les premières portes. Six concerts sont programmés à la Boule Noire à Paris dans l’idée de convaincre des directeurs de salles de le mettre à l’affiche. Au premier concert, il oublie d’allumer son micro et panique. Il est maladroit, il apprend sur le tas. Le premier album Perdu d’avance sort finalement le 16 février 2009. Une soixantaine de concerts, y compris au Printemps de Bourges et aux Francofolies, sont programmés. La sauce prend, de nombreux jeunes s’identifient à ses textes à la fois drôles et désenchantés, Orel a le pied sur l’accélérateur, le rêve devient réalité.

Orelsan sur scène à Bercy dans la série documentaire "Montre jamais ça à personne" co-réalisée par son frère Clément Cotentin et Christophe Offenstein. (AMAZON PRIME VIDEO)

4Pour voir un artiste se relever après avoir été donné pour mort

Arrivé ? C’est sans compter avec la loi cruelle du succès selon laquelle tout ne tient qu'à un fil. Pour un faux pas, les projecteurs peuvent s’éteindre brusquement et renvoyer le prétendant au néant. C’est ce qu’OrelSan a essuyé en pleine ascension avec l’énorme polémique autour de son titre Sale Pute au texte violent et provocateur, qui ne figure pas sur son album. On assiste du côté de l'accusé à l’emballement médiatique qui repose sur un malentendu : celui de la dimension fictionnelle déniée au rap et pourtant jamais mise en doute au cinéma. (Après plusieurs années de péripéties judiciaires concernant cette affaire, le rappeur a finalement été relaxé par la cour d'appel de Versailles en février 2016).

Tout s’effondre alors comme un château de cartes, les dates de concerts sont annulées les unes après les autres et l’album est condamné. "Je crois que j’ai déprimé", avoue-t-il aujourd'hui. Il prend du poids et pense à lâcher l’affaire, puis décide finalement de retenter sa chance. Condamné à faire un super album pour ce retour périlleux, il fait appel au réalisateur David Tomaszewski qui va entièrement refaçonner son image et le faire renaître en super héros vengeur et masqué, Raelsan. David le convainc de faire un régime, de se muscler et de changer de coupe de cheveux. La mutation, qui se déroule sous nos yeux, est saisissante.

Ce sera une renaissance. Skyrock a le coup de foudre pour Suicide SocialLa Terre est ronde devient un hit et Orelsan remporte deux Victoires de la musique 2013 dans la foulée. Il revient de loin mais "à partir de là tout s’est bien goupillé". Depuis, en solo mais aussi avec Gringe chez Casseur Flowteurs et avec la série Bloqués, OrelSan s’est imposé comme un poids lourd du rap français. Moralité : "Ya pas de raccourci pour le firmament". Il a "mis dix ans pour percer" et sait désormais que "chaque mot peut être le dernier".

L'affiche de "Montre ça jamais à personne", la série documentaire sur le rappeur Orelsan. (AMAZON PRIME VIDEO)

La série documentaire en six épisodes "Montre jamais ça à personne" de Clément Cotentin et Christophe Offenstein est disponible depuis vendredi 15 octobre 2021 sur Amazon Prime Video

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