Nue sur le bitume, la pop-jazz expérimentale d'un groupe en devenir
Tout l’état d’esprit musical de ce trio est dans son nom : « Nue sur le bitume » évoque tout à la fois la douceur et l’âpreté, une certaine sensualité qui s’oppose à un élément plus froid et plus rude. Jouer sur les contrastes, c’est bien ce que voulait Clara Cahen dès le départ. Cette jeune grenobloise de 25 ans qui venait de groupes de jazz où elle pratiquait le « scat » a eu envie de rendre cette musique plus accessible. D’où l’idée de monter un projet qui mêle musique pop et harmonies jazz, compositions ciselées et improvisations débridées. Encore fallait-il trouver les musiciens pour réaliser ce rêve.
C’est à l’Apeje à Chambéry que Clara Cahen a rencontré ceux qui allaient devenir ses "compagnons de bitume". Comme elle, Rémi Sauze (batterie et vibraphone acoustique) et Rodolphe Castan (guitare basse, batterie) venaient parfaire leur pratique dans cette école qui forme des musiciens professionnels en deux ans. Le premier avait une formation classique, quant au second, il était plutôt orienté rock. Leurs différences leur ont donné envie de travailler ensemble.
A cette époque, il y a de cela quatre ans, Clara s’est mise à écrire, beaucoup. « Ca a explosé d'un seul coup» explique la jeune femme qui est un peu "la tête pensante" du groupe. Elle écrit tous les textes et apporte aussi l’idée de base en terme de composition. A partir des bribes de musique qu’elle propose, « les garçons » comme elle les appelle, amènent leur touche à eux et au final « chacun trouve sa place par rapport aux idées qu’elle ramène » comme l’explique Rodolphe Castan.
Le groupe s’est vraiment formé il y a un an, enchaînant tremplins et concerts. Et puis en mars dernier, le trio a franchi un cap en sortant un EP 5 titres baptisé «Not so hard». Pour ce premier opus, Clara Cahen a plongé dans son intimité pour écrire : « Je me suis mis un coup de pied aux fesses, en me disant « allez, faut déballer ! » reconnaît-elle. Et chanter des choses très personnelles, c'est aussi s'offrir la possibilité de les interpréter avec davantage de caractère.
Et c’est cette personnalité qui ressort quand on écoute cet album. On a le sentiment que le premier instrument de Nue sur le Bitume, c’est d’abord la voix de Clara Cahen. Au demeurant, ce n’est pas une « grande voix », en terme de puissance ou de tessiture. Mais la jeune femme sait parfaitement jouer avec elle. Avec un timbre délicat, elle murmure parfois plus qu’elle ne chante. Mais cette délicatesse s’accorde parfaitement avec des « nappes » de sons parfois évanescents qui se déroulent et finissent par nous emmener dans un univers un peu irréel. Puis, sans prévenir, musique et voix éclatent dans une énergie très rock, à l’image de « Sea my Fear », une chanson qui évoque la phobie de Clara Cahen pour l'eau. Pour ce titre, Nue sur le bitume a réalisé un clip enregistré dans une chapelle à Chambéry (avec le collectif de vidéastes Shoot It).
Un univers très personnel
Au final, ce qui fait le charme de cet album, c’est sa fraicheur et l’énergie qui s’en dégage. Le trio doit encore se rôder et progresser mais il possède un vrai potentiel créatif. Chose rare chez un groupe aussi jeune, Nue sur le bitume a réussi à créer son propre univers sonore qui ne ressemble à aucun autre. Le travail de Clara y est pour beaucoup : « J’étudie beaucoup le fond musical que fait la basse, la batterie…je fais beaucoup de recherches sur ce qui a été ou n’a pas été fait. Mais au final, je fais toujours des choses qui me ressemblent ». Mais pour rentrer pleinement dans l'univers de Nue sur le bitume, il faut aller le voir en concert. C'est là que le goût pour l'improvisation de Clara s'exprime vraiment et que la complicité avec ses musiciens prend tout son sens : "Soit on la suit , soit on essaie de l’emmener vers autres choses" explique Rodolphe. D'où la nécessité d'être à l'écoute des uns des autres. Quant à Clara, elle donne beaucoup : "Sur scène, je ne dis pas un mot. Je donne tellement dans les morceaux, ça me prend mon énergie...Quand j'improvise, je pars vraiment". Et nous avec. De quoi nous laisser, non pas nue sur le bitume mais un peu sonné et carrément ailleurs...
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