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Malmené dans son pays, le pianiste turc Fazil Say en concert lundi soir à Paris

En plein marasme judiciaire dans son pays, le fascinant pianiste turc se produit lundi soir à Paris, Salle Gaveau. Il cumule d'ailleurs les contrariétés, même si la dernière en date est bien moins grave que ses démêlées avec son gouvernement : un problème technique l'oblige à renoncer au programme spectaculaire de son récital. Mais Fazil Say est un événement permanent en soi. À ne pas rater, donc.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le pianiste turc Fazil Say au Théatre des Champs-Elysées à Paris, en février 2010
 (Fred Dufour / AFP)

Lundi soir à la Salle Gaveau, Fazil Say devait jouer un programme qui s'annonçait ébouriffant : une version pour piano à quatre mains du "Sacre du Printemps", le célèbre ballet d'Igor Stravinsky (1882-1971), dans laquelle le virtuose aurait partagé la performance... avec lui-même. La partie "I" avait été préalablement enregistrée sur un piano unique en son genre, venu tout spécialement de Vienne. Une fois cette partie déclenchée, Fazil Say se serait donné la réplique à lui-même en jouant la partie "II", en live. Or, nous avons appris vendredi, auprès de la maison de disque Naïve, que le piano avait été victime d'un gros problème technique, sans plus de détails.

Fazil Say a donc accepté de changer totalement le programme et de proposer lundi soir un répertoire plus conventionnel, mais qui reste tout à fait alléchant vu la dimension de l'artiste : les "Tableaux d'une Exposition" de Modeste Moussorgski (1839-1881), la Chaconne de Johann Sebastian Bach (1685-1750) dans la transcription pour piano de Ferruccio Busoni (1866-1924), ainsi que la Sonate pour piano Opus 111 de Ludwig van Beethoven (1770-1827).

Par ailleurs, dans un contexte difficile pour lui, lié aux poursuites pour ses prises de position anti-religieuses dont il fait toujours l'objet en Turquie, Fazil Say a refusé de s'exprimer à l'occasion de son passage parisien. Nous ne désespérons pas de pouvoir le rencontrer plus tard.

Le "Sacre du Printemps" fête son centenaire
Dommage pour le "Sacre du Printemps", dont Stravinsky avait lui-même signé la transcription pour piano ! D'autant plus dommage que c'était une occasion en or de fêter le centenaire de cette partition magistrale, composée entre 1910 et 1913. La création du "Sacre" remonte au 29 mai 1913. Elle eut lieu au Théâtre des Champs-Élysées, sous la direction musicale de Pierre Monteux. L'oeuvre fit d'ailleurs scandale, tant pour la musique, accusée d'être focalisée sur la dimension rythmique, que pour la chorégraphie du grand Nijinski, réalisée pour le compte des ballets russes de Diaghilev. Le chahut qui accompagna la première exécution publique de l'oeuvre ne s'éternisa toutefois pas. Un an plus tard, Stravinsky connut enfin la consécration avec cette oeuvre ambitieuse, l'une des plus marquantes du XXe siècle.

Fazil Say a déjà enregistré une version piano du "Sacre du Printemps", à quatre mains. C'était en 2000, sur le label Teldec. Il l'a présentée sur scène, une performance bluffante selon un témoin fiable de ce spectacle.


Une parenthèse entre deux procès...
"Sacre du Printemps" ou "Chaconne", qu'importe. Souhaitons que ce concert parisien représente un bol d'air pour Fazil Say, 43 ans, bouillonnant pianiste et compositeur (il a enregistré dernièrement une "Symphonie d'Istanbul", sortie en novembre chez Naïve), détesté par les instances les plus radicales de son pays.

En Turquie, les autorités ne lui pardonnent pas ses prises de positions hostiles aux islamistes, exprimées notamment par le biais de tweets chargés d'ironie, sur fond d'athéisme revendiqué. Résultat : régulièrement convoqué devant la justice turque, Fazil Say attend d'être rejugé prochainement pour "insulte à l'islam". Fin avril, une précédente condamnation à dix mois de prison ayant été annulée pour "vices de procédure", l'affaire a été renvoyée vers un autre tribunal d'Istanbul. Mais on ignore la date de ce prochain procès.

Si tout va bien, après la salle Gaveau, le pianiste reviendra en France le 8 juin pour le festival de Saint-Denis.

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