L’opéra "Le Grand Macabre" célèbre le centenaire du compositeur György Ligeti à la Maison de la Radio et de la Musique
D’origine hongroise, naturalisé autrichien, né le 28 mai 1923, le compositeur György Ligeti est fêté à l’Auditorium de Radio France samedi 2 décembre avec son "anti-anti opéra", selon ses termes, Le Grand Macabre. Créé en 1978 à Stockholm en suédois, puis en anglais, c’est sa version définitive en Français qui est donnée à l’Auditorium de Radio France sous sa forme concertiste par l’Orchestre National de France et la Maîtrise de Radio France.
Avec Le Grand macabre, d’après la pièce La Balade du Grand Macabre de Michel de Ghelderode de 1934, on assiste à la résurrection d’un "monde rabelaisien, plein d’obscénités sexuelles et scatologiques", issu du livret signé Ligeti et Michael Meschke, dans la traduction française de Michel Vittoz et Arnaud Arbet. L’orchestre est sous la direction de François-Xavier Roth et la Mise en espace est de Benjamin Lazar. Le concert est retransmis en direct sur France Musique samedi 2 décembre à 20 heures.
Ligeti et le cinéma
Contemporain au XXe siècle de Stockhausen, Bartok, Khatchatourian ou Penderecki avec lesquels il partage leur innovation dans le domaine musical, György Ligeti a œuvré autant pour le piano, l’orgue, la musique de chambre, que le symphonique, et a créé un opéra des plus atypiques avec Le Grand Macabre.
Si le nom de Ligeti résonne aux oreilles profanes à la musique contemporaine, c’est qu’il a été adapté au cinéma et a beaucoup influencé la musique de film. Ligeti peut-être plus que les autres, est emblématique avec la musique de 2001 : l’Odyssée de l’espace de l’espace de Stanley Kubrick. Lux Aerterna, Atmosphère et Requiem for Soprano, Mezzo-Soprano, 2 Mixed Choirs and Orchestra sont des œuvres du maître, essentielles au film. Même si la musique de 2001 est plus connue pour son utilisation d’Ainsi parlait Zarathoustra (Richard Strauss) et son usage décalée (à l’époque, et depuis indissociables des images spatiales à l’écran) du Beau Danube bleu (Johann Strauss).
Ligeti a croisé Stockhausen lors de leurs recherches sur la musique électronique et Radio France a donné depuis le 23 novembre des œuvres de Ligeti en binôme avec des compositions de Bartok, Liszt, ou Mozart afin de citer ses influences dans cette commémoration. Avec Le Grand Macabre, Ligeti, lui si éthéré, est là où ne l’attendait pas, mais n’est-ce pas le propre de tout son œuvre ?
Les Diables
À la lecture de l’argument, Le Grand Macabre renvoie aux peintures de Jérôme Bosch et aux Brueghel. L’époque médiévale, les spectres, apparitions et monstres, leur effervescence dans une bacchanale frénétique évoquent leurs toiles dans des tableaux répartis en quatre actes, deux intermèdes et un entracte. L’action relève des Miracles du théâtre médiéval, mais diabolique. Créé en 1978, Le Grand Macabre reflète la permissivité de l’époque, alors que son sujet poursuit un travail commencé au cinéma avec Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1967) et surtout Les Diables en 1970 de Ken Russell, puis L’Exorciste (William Friedkin, 1973).
Servi par 13 chanteurs et chanteuses, dont Robin Adams, Lucile Richardot, Andrew Watts, Olivier Gourdy et Matthieu Justine, la pièce est interprétée par la Maîtrise de Radio France, et l’Orchestre National de France, sous la direction musicale de François-Xavier Roth.
Ce dernier, directeur musical de Cologne, est à l’origine de l'orchestre Les Siècles, versé dans les instruments historiques. Leur interprétation de L'Oiseau de feu de Stravinsky a été élue Disc of the Year dans The Times.
Bienvenue à Breughellande
Le Grand Macabre est le seul "opéra" composé par Ligeti en 1978. La voix tient une place majeure dans son art, mais sous la forme chorale. Ici, le musicien la dramatise, non plus dans les ambiances (Atmosphère), mais dans des rôles. Et de sacrés rôles. D’abord Nekrotzar, Le Grand Macabre, incarnation de la mort, dans une pièce eschatologique où Eros et Thanatos s’entremêlent dans un cimetière médiéval, à "Breughellande". La référence au maître de la peinture flamande Breughel introduit l’univers fantasmagorique, grotesque et sexuel de l’œuvre.
L’argument voit Piet, un villageois soiffard, observer un couple folâtrer dans un cimetière dont une tombe s’ouvre, et d’où sort Nekrotzar qui avertit l’ivrogne qu’à minuit sonnera la fin du monde. Grandiloquent, Le Grand Macabre se sert de Piet comme écuyer et de cheval pour détruire le monde, pendant que le couple a trouvé refuge dans la tombe fraîchement ouverte. La suite découvre l’astrologue Astradamors dans ses déboires conjugaux sadomasochistes avec sa femme Mescalina. Leurs ébats terminés, elle pousse son mari à observer les étoiles où il découvre l’arrivée d’une comète. Intervient alors Nekrotzar qui chevauche Piet alors que Mescalina endormie rêve d’une Vénus en quête d’un homme. Le Grand Macabre se jette sur elle lubrique, il la mord au cou et la tue. Astradamors et Nekrotzar jubilent et la jettent dans un trou.
Les deux s’en vont au palais princier où se joue une crise politique sur la fiscalité dont est exclu le prince Go-Go. On lui annonce que la plèbe est aux portes du palais et il renvoie ses ministres, alors qu’apparaît Astradamors, puis Nekrotzar qui annonce la fin du monde en s’enivrant avec le prince Go-Go. Mais l’heure fatale approche, la fin du monde est pour maintenant. Saoul comme un soudard, Le grand Macabre ne retrouve ni sa faux, ni sa trompette de la mort qu’il réclame et qu’on lui apporte, mais il manque son cheval qu’il remplace par le cheval à bascule du prince, pour en tomber. Nekrotzar se rend compte que sa fin du monde n’a pas eu lieu. La crise ministérielle est à son comble dans la confusion générale, et Le Grand Macabre disparaît sans que l’on sache s’il était la mort vaincue ou un charlatan. Morale de l’histoire : "Ne craignez pas la mort, bonnes gens, elle viendra, mais pas maintenant ! Vienne l’heure et sonne le glas, vivez jusque-là dans la joie !"
Performance orchestrale samedi 2 décembre à 20h à l’Auditorium de Radio France, on rêve de voir Le Grand Macabre descendre le grand escalier Garnier. Pour Halloween ?
Le Grand Macabre
De György Ligeti
Livret : György Ligeti et Michael Meschke
Direction musicale : François-Xavier Roth
Avec : Robin Adams, Andrew Watts, Lucile Richardot, Olivier Gourdy, Sarah Aristidou, Judith Thielsen, Marion Tassou, Matthieu Justine
Orchestre National de France
Maîtrise de Radio France
Maison de la Radio et de la Musique
116, avenue du Président Kennedy, 75016 Paris
Tél : 01 56 40 10 20
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