Nouveau label, nouveau disque pour le trompettiste David Enhco
Né le 12 septembre 1986 à Paris, David Enhco, trompettiste et compositeur de jazz, appartient à une dynastie d'artistes, les Casadesus. Une arrière-grand-mère comédienne (Gisèle), un grand-père chef d'orchestre (Jean-Claude), une mère soprano lyrique (Caroline), auxquels s'est ajouté un ex-beau-père violoniste (Didier Lockwood) à qui il doit son initiation au jazz, pour ne citer qu'eux. Son petit-frère Thomas est lui-même pianiste de jazz.
Après avoir débuté le piano à trois ans, puis la trompette à cinq ans, David Enhco a suivi une double formation classique (au conservatoire) et jazz (au centre Didier Lockwood). Il a connu la scène dès son enfance. Ces dernières années, parallèlement à divers projets, il a formé un trio avec sa mère et son frère, joué avec Didier Lockwood...
Un an plus tard, le David Enhco Quartet signe un deuxième album, "Layers", dans lequel les musiciens se partagent les compositions, tandis que Florent Nisse a réalisé son propre disque, "Aux Mages". Une double sortie pour lancer Nome, nouveau label créé par les musiciens du quartet associés à deux frères, Maxime et Adrien Sanchez, respectivement pianiste et saxophoniste. - Culturebox : David Enhco, votre nouvel album et celui de Florent Nisse paraissent sur le label Nome dont vous êtes les cofondateurs. Pourquoi avoir lancé un label ?
- David Enhco : C'est un projet à contre-courant de la tendance et de la conjoncture du moment. "Nome", c'est la fin du mot "autonome". La plupart des musiciens de jazz, mais aussi de pop, rock, sont déjà autonomes sur la production des projets. On engage un ingénieur du son, on enregistre, on arrange la musique. Souvent, quand un disque sort sur un label, ce dernier a reçu le produit fini, il n'a plus qu'à le presser, l'imprimer et le mettre en vente. C'est ce que j'avais constaté pour mon premier disque qui était une autoproduction. Il était sorti sur un label mais je n'avais pas vu de grosse différence entre le fait que ce soit un label qui ait fait le travail, ou ma propre équipe et moi pour la promotion, la mise en place. On avait déjà fait la plus grosse partie du travail.
- Comment cette décision a-t-elle été prise ?
- Entre février et mars 2014, on était en tournée avec le quartet. On se demandait où on allait sortir notre futur disque. L'un de nous a suggéré : "Pourquoi est-ce qu'on ne lancerait pas notre propre label ?" On s'est dit : "Allons-y !" Puis, une structure qui s'appelle L'Autre Distribution, une équipe vraiment géniale, s'est engagée tout de suite, elle a adoré notre projet et les disques qu'on proposait. On s'est retrouvé dans une position où on avait tous les outils nécessaires pour produire et sortir le disque. On avait les clés en mains sur toute la chaîne de fabrication, ce qui permet une très grande liberté en termes de choix artistiques. On a baissé la tête et on a foncé ! - Ce label a-t-il une philosophie particulière ?
- On a eu envie - sans prétention - de replacer le disque au centre d'une démarche artistique, pas uniquement commerciale. Aujourd'hui, la plupart du temps, quand un disque sort, c'est parce qu'il faut une actualité pour trouver des concerts. On trouvait ça triste. On avait envie de faire des disques comme on ferait un objet d'art. En prenant le temps, en ayant une vraie exigence artistique. Ensuite, si on vend beaucoup de disques, on sera très content, mais ce n'est pas vraiment la tendance du marché... On n'a pas envie de faire de concession d'ordre commercial. Ça ne veut pas dire que la musique ne soit pas accessible, pas mélodieuse. De plus, on n'a pas vocation à sortir dix disques par an. On en fera un, deux, parfois aucun, ça dépendra de notre production et des projets. C'est un label démocratique où l'on vote et pour le moment, tout projet devra être à l'initiative de l'un des six membres. On a fixé une autre condition : que chaque membre puisse assumer à 100% un disque même si ce n'est pas le sien, même s'il ne joue pas dessus. Chacun porte le label à part égale. C'est une histoire d'amitié, une aventure autant humaine que musicale. - Et en termes juridiques et financiers, comment est-ce que ça marche ?
- En fait, un label, ce n'est rien. C'est un nom, une marque, une collection. Du coup, il faut une structure qui le porte. On a une association, Moose, qui nous soutient, qui porte tous nos projets. C'est elle qui a produit le disque. C'est par elle que passent tous nos concerts, nos contrats.
- Comment des jeunes musiciens comme vous se débrouillent-ils pour financer la location du studio d'enregistrement, par exemple ?
- J'ai la chance de tourner énormément, ça permet de faire connaître les projets. Les gens achètent beaucoup de disques à la fin des concerts. Du coup, sur chaque budget de concert, on garde un peu d'argent de côté en prévision des disques qu'on va produire. - Quelques mots sur votre album "Layers". Pourquoi ce titre qui signifie "couches", "strates" ?
- C'est comme des calques qu'on superpose. C'est un disque qui se construit à quatre, qui n'est pas fait pour mettre en avant un soliste mais pour faire de la belle musique, très mélodique, où chaque intervenant a une place égale. C'est une musique très improvisée où chacun fait des propositions, où il y a beaucoup d'interaction. Si on enlève une couche, un calque, une épaisseur, ce n'est plus la même musique. On est même cinq à la construire : on a un ingénieur du son, Erwan Boulay, lui-même musicien, qui fait un travail admirable. Quand on ôte un élément du groupe, ce n'est plus le groupe. C'est pour ça que j'essaye de veiller à ce qu'il n'y ait pas de remplaçant pour les concerts. - Le second disque qui inaugure le label est celui de votre complice Florent Nisse, par ailleurs contrebassiste de votre quartet, et où l'on retrouve aussi le batteur Gautier Garrigue...
- On y retrouve aussi un pianiste membre du collectif qui gère le label, Maxime Sanchez. Florent adore les jeux de mots pour ses titres ! Il a appelé le disque "Aux Mages". C'est un hommage à des musiciens qu'il admirait énormément, Charlie Haden et Paul Motian. Le disque a dû être enregistré en 2012. Charlie Haden est le contrebassiste préféré de Florent, ça s'entend beaucoup dans sa façon de jouer. Florent a laissé la part belle aux musiciens qu'il a invités, le saxophoniste Chris Cheek et le guitariste Jakob Bro. Il a écrit les morceaux spécifiquement pour leur créer un cadre dans lequel ils pourraient peindre ce qu'ils voulaient, exprimer leur personnalité. Dans cette musique, il y a énormément d'espace, le silence y est très important, chaque musicien peut développer son idée dans un univers dédié au jeu collectif. C'est en ça que nos deux disques se rejoignent, dans cette idée de réunir des individualités et de faire en sorte qu'elles puissent se fondre en une entité plus grande, au service de la musique.
- Quels seront les prochaines parutions du label ?
- Il y aura probablement le prochain disque de l'Amazing Keystone Big Band. On revisitera le "Carnaval des animaux" de Saint-Saëns. On fera une pause dans la tournée du big band pour l'enregistrer en février. Il y aura aussi un album de Roberto Negro en duo avec Émile Parisien autour de Ligeti.
(Propos recueillis par A.Y. le 20 octobre 2014 à Paris)
Concert de lancement du label Nome
Mardi 28 octobre 2014, 21H, au New Morning, à Paris
21H : Florent Nisse Quintet
Florent Nisse (contrebasse)
Gautier Garrigue (batterie)
Maxime Sanchez (piano)
Chris Cheek (saxophone ténor)
Federico Casagrande (guitare, en remplacement de Jakob Bro)
22H : David Enhco Quartet
David Enhco (trompette)
Roberto Negro (piano)
Florent Nisse (contrebasse)
Gautier Garrigue (batterie)
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