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Daniel Zimmermann, trombone machine

Nommé aux Victoires du jazz 2014 en catégorie "Révélation de l’année", Daniel Zimmermann est tout sauf un débutant. Il a bourlingué pendant des années avant de signer un premier album dont il soit le seul maître d’œuvre, "Bone Machine", sorti au printemps 2013. Pas trop tôt, ne peut-on s'empêcher de penser à l'écoute de cette démonstration de groove, synthèse réjouissante de multiples influences.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Daniel Zimmermann
 (Sylvain Gripoix)
Tromboniste, compositeur, arrangeur, Daniel Zimmermann est né le 2 janvier 1974 à Châtenay-Malabry, d'une mère corse et d'un père pied-noir. Il a débuté le trombone à 8 ans. Il a fait ses armes avec des groupes de funk et de soul music avant d'entrer au Conservatoire national supérieur de musique (1997-2000). Après des expériences auprès de groupes comme Sergent Garcia ou Mister Gang, il est parti en tournée avec Claude Nougaro.

Depuis des années, Daniel Zimmermann travaille avec des artistes de tous horizons : Archie Shepp, Paco Séry, Manu Dibango, Jacques Vidal... Il a joué en trio avec Manu Codjia et Vincent Peirani, en quatuor de trombones avec Sébastien Llado (dans l'octet Spice'Bones), en quintet avec Thomas de Pourquery -nommé cette année aux Victoires du jazz-, qu'il a retrouvé au sein de DPZ, un projet plus rock… On ne compte plus ses participations à des grands ensembles jazz comme le Sacre du Tympan ou les big bands de Wynton Marsalis, Michel Legrand… Ces derniers temps, il a même prêté main forte au groupe Ping Machine, autre nommé aux Victoires...
Fort de ces expériences, le tromboniste virtuose, timbre limpide et phrasé fluide, a conçu un projet musical gorgé de groove et d'énergie, au sein duquel convergent ses influences tout en restant éminemment jazz. Outre une section rythmique contrebasse-batterie (respectivement Jérôme Regard et Julien Charlet), Daniel Zimmermann s’est entouré du guitariste Maxime Fougères et s'est démultiplié, enregistrant plusieurs pistes au trombone. Un an après la sortie de son disque, le jazzman va le défendre jeudi soir au Parc floral de Vincennes dans le cadre des Victoires du jazz 2014.
- Culturebox : Pourquoi avoir attendu si tard pour réaliser votre premier disque ?
- Daniel Zimmermann : En premier lieu, j'ai fait quatre disques en co-direction : "Spice'Bones" (2001), deux disques en quintet avec Thomas de Pourquery (2000, 2003), puis celui avec le groupe DPZ (2009). Sinon, disons que je suis plutôt "demandé", je n'ai donc pas manqué de projets enrichissants. J'ai deux enfants - qui commencent à être grands maintenant… Et surtout, je n'avais pas de producteur, mon instrument n'étant pas "bankable", à ce qu'on dit. Et au départ, ce n'est pas trop mon truc de me mettre sur le devant de la scène. Il y a pour moi une forme d'indécence à s'exhiber ainsi, que j'ai dû surmonter. En binôme, je pouvais me planquer tout en me réalisant artistiquement !

- Quand avez-vous senti que c'était le moment de vous lancer ?
- Il y a deux ans, je me suis dit que même si je n'avais ni label ni producteur ni agent, et donc même si j'avais très peu de chances de succès, j'avais des morceaux que j'adorais en réserve, et il fallait que je les enregistre, sinon ça allait bientôt être trop tard et j'allais le regretter toute ma vie. Quelques amis m'y ont encouragé (Bertrand Fresel, l'ingénieur du son, et aussi Jérôme Regard, Pierre-Olivier Govin, Thomas de Pourquery, Pierrick Pedron…). Merci à eux !
 
- Depuis combien de temps prépariez-vous ce disque ?
- Dix ans. Sans blague. C'est pour ça que j'avais confiance dans les compositions ! J'ai fait un disque car j'avais déjà des compos. Je n'ai pas écrit car je voulais faire un disque, en fait.
- Qu’avez-vous voulu exprimer dans ce disque ? Parce qu'il y a de l'humour dans les titres, une allusion à un album de Police, une autre au film "Rollerball" (semble-t-il), une histoire de funérailles…
- Chaque morceau exprime des choses différentes. "Taxi Noche en Yaoundé" retrace certaines sensations que j'ai eues lors d'un voyage au Cameroun. Je l'ai écrit alors que j'en revenais. Le titre "Rollerball" a été écrit avant la sortie du film (il fait allusion au remake de 2002, ndlr) et décrit juste le groove du morceau, fait de rebonds improbables et ultra-speed. Il y a beaucoup de morceaux avec des climats ambivalents : une énergie forte, puissante, mais des climats froids, presque inquiétants parfois.

- D'où l'étrange pochette avec le dinosaure et votre drôle de moue...
- J'ai voulu que la pochette soit dans cet esprit, qu'on ne sache pas trop si c'est du lard ou du cochon, avec une énergie assez agressive et mon côté pince-sans-rire, en adoptant une pose "exagérément posée", justement en rupture avec ce qu'il y a derrière. La pochette illustre le titre "Bone Machine", "machine à os", qui représente le mix du côté organique du trombone, ainsi que du côté organique des sons choisis (contrebasse, guitare jazz demi-caisse assez "roots") avec le côté hypnotique voire mécanique des tourneries obsédantes qui sont à la base -et à la basse d'ailleurs- de la plupart des morceaux. Le dinosaure (ou le pachyderme du premier morceau du disque) symbolise aussi le trombone, instrument ancien, primitif, peu maniable, et menacé d'extinction, comme tout ce qui n'est pas assez performant, ou ce qui est marginal ou trop minoritaire, dans notre charmant monde moderne fait de vitesse, de rationalisation, de loi du plus fort…
- Avez-vous glissé délibérément, dans votre musique, plein d’influences liées à votre expérience et vos références ?
- Non. Je ne cherche pas à "cibler" quand j'écris. C'est de la culture pub, et je n'aime pas ça. Je veux que les choses soient spontanées -autant que possible- et je n'aime pas l'idée que les musiciens soient obligés de trouver des concepts, de faire des études de marché, avant même d'écrire. Mes influences sont le reflet de mon parcours : mon parcours de compositeur pour l'écriture, mon parcours d'improvisateur pour le discours de soliste. Je n'ai pas cherché à les intégrer.

- Quelle a été votre réaction en apprenant que vous étiez nommé aux Victoires ?
- J'ai déjà gagné ! Compte tenu des moyens et des soutiens dont j'ai disposé et dont je dispose, c'est presque une anomalie de me retrouver là. Si on compare aux autres nominés dans ma catégorie (qui sont en plus de grands musiciens), c'est le jour et la nuit tout simplement. En plus, c'est la première fois qu'il y a un tromboniste en-dehors de l'orchestre de cérémonie, ça rend le truc d'autant plus incroyable. Pour moi, c'est une grande récompense, la preuve que rien n'est impossible, et un formidable encouragement à continuer.

- Un prochain disque en vue ?
- Oui. C'est en réflexion. Mais d'abord, je veux faire connaître ce projet, ce répertoire, ce groupe (dans ses deux formules, le quartet comme le septet) le plus possible, et en profiter.

(Propos recueillis par A.Y. le 9 juin 2014)
Prochains concerts de Daniel Zimmermann :
Jeudi 12 juin au Parc floral de Vincennes (Victoires du jazz 2014)
Vendredi 13 juin à Nîmes, à la Milonga del Angel
Jeudi 10 juillet à Reims (19h00), au Cryptoportique
Vendredi 11 juillet (22h30) à Partenay, aux berges du Thouet

> Tout l'agenda-concert de Daniel Zimmermann ici
"Bone Machine" (2013)
 (Gaya Music)

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