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Danse : Angelin Preljocaj et Thomas Bangalter revisitent les "Mythologies" pour apporter un regard critique sur notre époque

Jusqu'au samedi 5 novembre, le célèbre chorégraphe Angelin Preljocaj et le compositeur Thomas Bangalter, ex-membre des Daft Punk, proposent un spectacle haut en couleurs qui revisite les mythologies pour dénoncer les dérives de notre société. 

Article rédigé par Marianne Leroux
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
"Mythologies" d'Angelin Preljocaj et Thomas Bangalter. (Jean-Claude Carbonne - Théâtre du Châtelet Paris)

Pendant deux semaines, Mythologies d'Angelin Preljocaj et Thomas Bangalter s'invite sur la scène du Théâtre du Châtelet à Paris. Cette création revisite différents mythes pour interroger notre présent qui fait écho aux légendes antiques. 

Ce spectacle était une façon de clôturer quatre années de collaboration entre le Ballet Preljocaj et celui de l'Opéra national de Bordeaux. La nouvelle fresque scénique d'Angelin Preljocaj réunit des danseurs de chacun des deux ensembles. L'enjeu était alors de mêler ces deux écoles, l'une de tradition classique, l'autre plutôt contemporaine. "J’ai fait en sorte que tout le travail se passe en corrélation. Quand j’ai travaillé les duos, au lieu de mettre deux danseurs de chez moi et deux de Bordeaux, je mettais systématiquement des danseurs qui ne se connaissaient pas. Puis des liens se sont tissés", confie le chorégraphe. 

Un spectacle guerrier et poétique 

Une vingtaine de tableaux s'enchaînent en presque une heure et demie de représentation et chaque scène nous emmène dans un univers différent : celui de la mythologie grecque mais aussi une arène avec des catcheurs en masques noirs brillants se battent en duel, un tableau inspiré des Mythologies de Roland Barthes. C'est alors un grand spectacle de douleur, de défaite et de justice qui est offert au public. Les masques rajoutent une note tragique à ces danseurs qui souffrent en exécutant des prises exagérées mais réputées dans ce sport de combat (bras tordu, jambe coincée, cou enserré...). 

Des catcheurs en masques noirs qui se battent en duel.  (LAURENT PAILLIER / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Autre tableau, autre ambiance : des Amazones, venues de la Grèce antique et vêtues de robes colorées. De véritables guerrières, des femmes fortes et combattantes fantasmées autant qu'elles sont craintes, mais qui restent gracieuses, avec un semblant de naïveté. Et lorsque la reine Thalestris veut capturer le roi de Macédoine à l'aide d'arcs et des flèches, ces femmes deviennent plus dures dans leurs regards, plus brutales dans leurs gestes. 

Les Amazones capturent le roi de Macédoine.   (JEAN-CLAUDE CARBONNE)

Un célèbre personnage de la mythologie fait son apparition : le Minotaure. Cette créature féroce mi-homme mi-taureau avide de chair humaine cherche sa proie avec fougue dans un labyrinthe. La jeune femme sacrifiée est apeurée. Elle essaye de fuir, de trouver une issue mais elle finit par se débattre en vain lorsque le monstre la rattrape. 

Le Minotaure et la jeune fille dans le labyrinthe.  (JEAN-CLAUDE CARBONNE)

Puis vient la dernière scène. Sur fond d'images de guerre, des hommes d'affaires en cravate défilent entre des corps sans vie, ôtant les draps blancs qui les recouvrent avant de disparaître lentement. Une scène forte qui illustre la cruauté des hommes. 

Des hommes d'affaires en cravate défilent devant des images de guerre.  (JEAN-CLAUDE CARBONNE)

Thomas Bangalter se met au classique 

Pour accompagner ces danses presque envoûtantes, le chorégraphe a fait appel à un compositeur inattendu : Thomas Bangalter. L'artiste qui a fait danser des millions de personnes à travers le monde entier pendant 28 ans, puisqu'il était l'une des têtes casquées du duo Daft Punk. 

Après être devenu une référence de la musique éléctronique, le compositeur se met au classique et présente sa première pièce pour orchestre. Angelin Preljocaj confie qu'il voulait un peu d’électro dans son spectacle mais l'ex-Daft Punk a été très radical et a préféré n'utliser que des instruments naturels. "Il a écrit quelque chose qui est de l’ordre du symphonique et pour quelqu’un qui vient de Daft Punk, c’est vraiment une prouesse", souligne le chorégraphe.   

Thomas Bangalter, Angelin Preljocaj et Romain Dumas entourés des danseurs.  (LAURENT PAILLIER / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Composer la partition d'un ballet n'est pas chose facile, le processus a donc pris du temps. Le travail entre Thomas Bangalter et le chef d'orchestre Romain Dumas a commencé il y a deux ans, puis ils ont avancé sur l’orchestration ensemble pendant "une bonne année" et "quasiment jusqu’au dernier moment pour travailler sur les derniers détails". 

Une musique nerveuse et lyrique 

La musique classique composée par Thomas Bangalter est à la fois nerveuse avec ses ruptures mais aussi très lyrique. Elle accompagne parfaitement les gestes légers et parfois plus combatifs des danseurs. Le mélange des instruments (cordes, bois, cuivres, percussions) d'inspiration baroque aide à transporter le public dans une autre dimension. Et dans cet ensemble musical, "il y a des choses plus électroniques, des motifs extrêmement courts et répétés (...) quelque chose de très compliqué pour le geste instrumental humain", avoue Romais Dumas, le chef d'orchestreLe chorégraphe s'est alors laissé emporter par les mélodies du compositeur pour créer une atmosphère hors du temps presque cinématographique. 

À travers cette création, Angelin Preljocaj souhaite confronter les mythes antiques avec notre présent. Une approche qui donne à voir les failles de l'époque contemporaines, comme les violences faites aux femmes mais également les guerres et les conflits. "Dans les mythologies, nous voyons beaucoup d’erreurs, des choses à ne pas faire, des choses qui conduisent à la catastrophe (...) Cela devrait nous servir de leçon et malheureusement ce n’est pas toujours le cas, regrette me chorégraphe. Nous voyons bien que l’Histoire bégaye. Les mêmes choses, les mêmes erreurs, les mêmes horreurs se répètent".

Angelin Preljocaj se réinvente d’un spectacle à l’autre, trouve des écritures corporelles qui s’adaptent à des thèmes nouveaux. Il peut créer des tableaux très abstraits ou raconter des histoires comme Roméo et Juliette, ou encore explorer des phénomènes comme la gravité. Aujourd'hui il convoque les mythologies. "C’est ça qui m’intéresse. Passer de l’un à l’autre pour pouvoir me ressourcer".  

"Mythologies" de Angelin Preljocaj et Thomas Bangalter, jusqu'au 5 décembre au Théâtre du Châtelet

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