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Archetiers et musiciens inquiets face à la menace d’interdiction du commerce du pernambouc, bois des archets

200 figures internationales de la musique classique, dont les musiciens français Renaud et Gautier Capuçon ou le violoncelliste Yo-Yo Ma soutiennent les archetiers, inquiets depuis que le Brésil cherche à interdire la commercialisation du pernambouc, bois essentiel à la confection des archets.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L violoniste Renaud capuçon en concert dans un supermarché à Chambourcy, le 13 décembre 2022 (CHRISTOPHE SAIDI/SIPA)

"Nous ne voulons pas être les derniers des Mohicans" : les archetiers sont vent debout depuis que le Brésil cherche à interdire la commercialisation du pernambouc, bois essentiel à la confection des archets. Une proposition pourrait être validée le 25 novembre à la réunion de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), au Panama.

A l'origine de cette initiative, le gouvernement de Jair Bolsonaro - lui-même accusé d'avoir favorisé des exploitations au détriment de la forêt : il dénonce le "trafic illégal" du Paubrasilia echinata, ou pernambouc, que l'on retrouve uniquement dans le nord-est du Brésil, notamment dans la forêt atlantique. Il demande que cette espèce, qui a donné son nom au pays, passe de l'Annexe II (qui impose déjà de fortes restrictions) à l'Annexe I de la réglementation Cites, empêchant de facto tout réapprovisionnement en pernambouc.

"Un seul arbre par an"

Dans son atelier parisien, Edwin Clément, archetier de renom depuis 30 ans, n'en revient toujours pas. "C'est lunaire ! Les 100 archetiers de France ne consomment qu'un arbre de pernambouc par an", argue-t-il en rabotant ce bois avant de chauffer la baguette. "En outre, l'IPCI (International Pernambuco Conservation Initiative), une initiative d'archetiers français qui oeuvre avec les administrations brésiliennes depuis 2001 pour la préservation et l'utilisation durable de l'espèce, est à l'origine de la replantation" d'environ 250 000 arbres, explique-t-il.

"Ce bois est à l'origine de l'archet moderne. Si on le remplace, on ne jouera plus du violon comme on le joue depuis 250 ans"

Edwin Clément

archetier

Car, selon les archetiers et les musiciens, rien ne vaut la résistance, la densité et l'élasticité de ce bois qui permettent aux instruments à cordes de projeter un son unique.

  (- / AFP)

"Beaucoup d'expériences pour le remplacer ont avorté", martèle Edwin Clément. "Les archets en fibre de carbone ne sont pas une option, c'est polluant !" Une interdiction du pernambouc aura un impact sur toute la vie musicale. Chaque archetier devra avoir des autorisations pour détenir un stock de pernambouc, mettre son archet sur le marché, l'exporter. Et tout luthier devra faire de même s'il veut tester un archet sur l'instrument qu'il fabrique. Sans compter le casse-tête administratif pour les orchestres et musiciens en tournée, chaque archet ayant besoin d'un passeport et d'un passage validé à la douane.

"Bouc émissaire de la déforestation"

"Ne faisons pas du monde musical un bouc émissaire de la déforestation", ont lancé mardi 8 novembre près de 200 figures internationales de la musique classique, dont les musiciens français Renaud et Gautier Capuçon ou le violoncelliste Yo-Yo Ma, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde (réservé aux abonnés).

Soulignant que leur secteur est "très vigilant sur ces questions depuis plusieurs décennies", ils insistent sur le fait que "les volumes de bois, européens et exotiques" utilisés dans la musique "sont particulièrement modestes".

Fleuron de l'artisanat français

La Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale (CSFI) a elle mis en garde contre la "mise à mort" de l'archèterie, un fleuron de l'artisanat français. "Dans 5 ans, 40% des archetiers auront fermé le rideau, aucun jeune ne voudra faire ce métier", prévient Edwin Clément. Une pétition sur Change.org a atteint près de 16 000 signataires. Ce qui inquiète encore davantage le milieu, c'est le possible aval de la France et de l'Union européenne qui doit donner son avis le 11 novembre. Dans un communiqué, la CSFI en a appelé au président Emmanuel Macron et à sa Première ministre Elisabeth Borne.

L'AFP a sollicité sans succès la Cites, le secrétariat d'Etat à la Transition écologique et le ministère de la Culture. "Il y a un problème de déforestation au Brésil mais ce ne sont pas les archetiers qui en sont responsables; ils sont des acteurs de conservation", assure Fanny Reyre-Ménard, luthière en charge du dossier au sein de la CSFI.

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