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Workwear : quand le vĂȘtement de travail, revisitĂ© par les crĂ©ateurs, devient tendance

La veste bleue portĂ©e par les ouvriers, la combinaison du garagiste, le pantalon de charpentier
 ces vĂȘtements ont depuis longtemps franchi le pas de l’uniforme pour se retrouver dans la garde-robe d’aujourd’hui.

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
Collaboration InĂšs de la Fressange X Uniqlo, veste de travail revisitĂ©e dans un tissu jean (UNIQLO)

Autrefois nos grands-pĂšres portaient fiĂšrement des vĂȘtements de travail robustes et rĂ©sistants Ă  toutes les Ă©preuves. Ce bleu de travail, qui se dĂ©veloppe pendant la rĂ©volution industrielle afin de protĂ©ger les travailleurs, se dĂ©cline en combinaison, veste et pantalon. Il devient une Ă©tiquette sociale, l’uniforme de l’ouvrier. En 1968, ce vĂȘtement Ă  l’origine utilitaire sort des usines pour habiller les Ă©tudiants, puis les crĂ©ateurs s’en emparent pour en livrer une version revisitĂ©e.

Aujourd'hui le workwear a de nouveau la cote tant au féminin qu'au masculin : ferventes adeptes, les créatrices InÚs de la Fressange et Sakina M'sa expliquent pourquoi elles l'affectionne tant. D'autres marques emblématiques en ont fait leur fer de lance : la veste bleue d'ouvrier Le Mont St Michel, la salopette dite cotte à bretelles de Lafont, la combinaison de garagiste d'Ellozze. Deux autres marques Kiplay vintage et About A Worker avec La Redoute développent également du workwear.

InĂšs de la Fressange : "J'aime les vĂȘtements qui vieillissent bien"

Aujourd'hui "59% des Français rĂ©cupĂšrent, rĂ©utilisent, rĂ©parent les produits / matĂ©riaux" indique WedressFair, site de marques de mode Ă©thique. Une tendance qui colle bien avec le workwear explique InĂšs de la Fressange : "On est dans une Ă©poque oĂč les jeunes particuliĂšrement cherchent des objets durables, veulent Ă©viter le sur-consumĂ©risme des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes et prĂ©fĂšrent peu mais bien. Personnellement, j’aime les vĂȘtements qui vieillissent bien et acquiĂšrent mĂȘme une certaine beautĂ© avec l’usure et le temps".

Collaboration InÚs de la Fressange X Uniqlo, veste de travail revisitée dans un tissu crÚme avec rayures (UNIQLO)

IcĂŽne du style et muse des plus grands noms, outre sa marque crĂ©Ă©e en 2013, InĂšs de la Fressange incarne le chic parisien contemporain. Depuis plusieurs saisons, elle collabore avec la marque japonaise Uniqlo pour une collection oĂč elle revisite certaines piĂšces workwear, ce vĂȘtement de travail si universel. "Il est aussi par dĂ©finition fonctionnel et c’est Gabrielle Chanel elle-mĂȘme qui expliquait qu’un bon vĂȘtement ne devait pas avoir de fioritures et de choses inutiles pour ĂȘtre vraiment Ă©lĂ©gant". Pour la crĂ©atrice la veste de travail aux poches appliquĂ©es coche "toutes les cases" et offre de multiples rĂ©-interprĂ©ations : "D’abord avec les tissus (en coton, en lin ou en velours, elle sera totalement diffĂ©rente), avec les couleurs (car une veste en velours cĂŽtelĂ©e marron n’a aucun rapport avec une en lin crĂšme). La veste peut Ă©galement s'offrir des proportions diffĂ©rentes. Ces derniĂšres changent avec le temps et les envies des clientes qui Ă©voluent avec les tendances : "Ces derniers mois, elles dĂ©sirent plus d’ampleur (lassĂ©es sans doute des vestes Ă©triquĂ©es et des jeans slims !))" explique-t-elle.

Sakina M’Sa : "cette veste parle de combats mais en gardant une esthĂ©tique cool"

Une tendance que prĂŽne aussi Sakina M’Sa  dont sa ligne Blue Line, rĂ©alisĂ©e initialement avec des bleus de travail recyclĂ©s, se diversifie avec d'autres matiĂšres mais aussi avec des touches de couleurs (souvent du jaune) pour accrocher "l'oeil et le soleil". Cette veste mixte, qui dĂ©passe les clichĂ©s du genre, la crĂ©atrice la considĂšre comme la modernitĂ© mĂȘme : "J'ai voulu rendre hommage aux ouvriers Ă  ces gens de l’ombre qui font la lumiĂšre de la sociĂ©tĂ©. Mon pĂšre étant ouvrier, j’ai eu trĂšs vite ce sentiment que cette gabardine de coton pouvait faire Ɠuvre de vie et faire sociĂ©tĂ©. J’admire beaucoup mon pĂšre ! je le considĂšre comme un Oeuvrier". Sakina M'Sa expliquant avoir vu longtemps Jean Baudrillard, son pĂšre spirituel porter cette veste qui signifiait beaucoup pour lui et ses amis dans les annĂ©es 70 : "J’aime cette veste car elle parle de combats certes mais en gardant une esthĂ©tique de la coolitude qui m’intĂ©resse."

Vestes bleues Sakina M'Sa printemps-été 2017 (Guillaume Reynaud)

Le Mont St Michel et sa veste bleu de travail, emblĂšme des ouvriers

"Depuis leur crĂ©ation au dĂ©but du siĂšcle dernier, nos vĂȘtements de travail ont Ă©tĂ© portĂ©s par des gĂ©nĂ©rations entiĂšres. Des ouvriers aux fashion victimes, ils sont tous dĂ©sireux de renouer avec les valeurs rassurantes du savoir-faire" explique la marque Le Mont Saint Michel. SpĂ©cialisĂ©e dans le vĂȘtement de travail rĂ©sistant depuis 1913, l’entreprise a Ă©tĂ© rachetĂ©e en 1998 par Alexandre Milan. Il l’a transformĂ©e en un label moderne et urbain mais fidĂšle Ă  son hĂ©ritage liĂ© aux vĂȘtements fonctionnels. Il a enrichi cet hĂ©ritage en y ajoutant le sien : le savoir-faire familial ancien des Tricotages de l’Aa, une usine de tricot fondĂ©e en 1919 par son arriĂšre-grand-mĂšre en Bretagne. 

Depuis plus d’un siĂšcle, ces vĂȘtements sont profondĂ©ment liĂ©s aux gens et Ă  l’endroit oĂč ils ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s, puisant leur inspiration dans les paysages bretons et normands ainsi que dans un hĂ©ritage riche liĂ© aux vĂȘtements traditionnels de ces rĂ©gions. Le Mont St Michel s'inscrit dans la tendance oĂč maintenant un bon vĂȘtement se doit d’ĂȘtre intemporel et de grande qualitĂ©. "Des vĂȘtements de travail aux mailles d’archives, ils partagent tous un lien avec l’histoire textile française. Nous faisons extrĂȘmement attention Ă  l’usage et au confort car nous sommes convaincus qu’un vĂȘtement doit vivre en accord avec le style de vie de son propriĂ©taire. Notre crĂ©ation s’inspire de nos frĂ©quentes collaborations avec des artistes d’horizons divers : musiciens, architectes, designers". La marque s'inscrit dans le prĂ©sent en croisant son hĂ©ritage avec un vestiaire urbain.

Veste en jean Le Mont Saint Michel (Le Mont Saint Michel)

Lafont et sa salopette dite "cotte Ă  bretelle"

Maison de vĂȘtements utilitaires nĂ©s avec l’essor industriel du XIXe siĂšcle, Lafont fait partie de l’histoire du vĂȘtement de mĂ©tier depuis 1844. L’entreprise Ă  la pointe des innovations technologiques a ainsi habillĂ© des gĂ©nĂ©rations d’artisans du bĂątiment avec des vĂȘtements tout-terrain, indĂ©formables, pratiques, solides. Son fondateur, Adolphe Lafont, a inventĂ© le pantalon “largeot” pour son beau-pĂšre charpentier. La salopette appelĂ©e par les initiĂ©s la "cotte Ă  bretelle 406" est, elle aussi, sortie des ateliers de Villefranche-sur-SaĂŽne. DĂ©tournĂ©e et revisitĂ©e, elle est toujours un basique. Elle a traversĂ© les Ă©poques, a sĂ©duit les cinĂ©astes, les comĂ©diens, les designers du monde entier. On la retrouve sur scĂšne avec Coluche, puis avec Sophie Marceau dans La boum. Lafont a aussi inventĂ© la veste de charpentier bleue, appelĂ©e "la veste Coltin" arborĂ©e par Jean Gabin dans La BĂȘte humaine et Pharrell Williams dans son clip Freedom. 

Collection "Lafont 1844 par Louis-Marie de Castelbajac"  (LAFONT 1844)

Ce spĂ©cialiste du vĂȘtement professionnel a fait un premier pas sur le marchĂ© du vĂȘtement Ă  destination du public avec une collection d'une quinzaine de modĂšles Lafont 1844 par Louis-Marie de Castelbajac qui reprend certains patronages d’époque. Cette rencontre coĂŻncide avec un regain d’intĂ©rĂȘt pour le vĂȘtement de mĂ©tier liĂ© Ă  un besoin de racines et d’authenticitĂ©. "L’idĂ©e Ă©tant vraiment de fĂ©dĂ©rer quelque chose entre l’intemporalitĂ©, l’authenticitĂ© et aussi la modernitĂ©", explique Louis-Marie de Castelbajac. "Ce fut un Ă©blouissement pour moi de voir ces usines et cette main d’oeuvre artisanale, de voir que toute cette connaissance Ă©tait toujours vive aujourd’hui et qu’elle se transmet dans les vĂȘtements que l’on cĂ©lĂšbre". "Pour la premiĂšre fois, Lafont met un pied sur le marchĂ© du prĂȘt-Ă -porter avec une collection qui juxtapose les univers de la marque et de la manufacture, mĂȘlant hĂ©ritage et savoir-faire", ajoute Alexandra Avram, directrice commerciale et marketing de Lafont.

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Ellozze et sa combinaison de garagiste

La combinaison est la piĂšce signature de la marque Ellozze dont les collections sont imaginĂ©es par un collectif de designers. "La combinaison Ellozze reste pour moi une interprĂ©tation trĂšs juste de l’empowerment des femmes que nous aimons sublimer” explique Narjisse Temmim, CEO de Ellozze. La marque s’inspire du vestiaire masculin et du vĂȘtement de travail en lui apportant de la sensualitĂ© avec une attention particuliĂšre portĂ©e aux dĂ©tails et Ă  la qualitĂ© de fabrication : la production est majoritairement parisienne. Cette combinaison s'adresse Ă  toutes les morphologies, se porte oversized ou prĂšs du corps, de jour ou du soir et se dĂ©cline Ă  l’infini.

Combinaison Nikita en cuir de la marque Ellozze pour le printemps-été 2020 (ELLOZE)

Ellozze donne la parole, chaque saison, Ă  une personnalitĂ© de la mode engagĂ©e. Ces capsules en Ă©ditions limitĂ©es s’inscrivent dans une stratĂ©gie d’upcycling et sont distribuĂ©es en exclusivitĂ© sur son site internet et un partenaire sĂ©lectionnĂ©. Cette saison, la capsule est rĂ©alisĂ©e avec la journaliste de mode et influenceuse Peggy Frey. “Je suis ce que l’on pourrait appeler une combi convertie. Je me souviens encore de cette sensation lorsque je me suis glissĂ©e dans une combinaison pantalon pour la premiĂšre fois. J’étais
diffĂ©rente. Plus femme. Plus fun. Plus audacieuse. Plus confiante aussi. En un mot : plus stylĂ©e. Pour elle, cette collection capsule "c’est le style banquier de Wall Street revisitĂ© façon Working Girl. Des piĂšces aux accents androgynes qui s’enfilent facilement et qui, d’un revers de manche, campe une allure".

Combinaison issue de la capsule réalisée par l'influence Peggy Frey pour la marque Ellozze (ELLOZZE)

Kiplay apporte une touche vintage aux vĂȘtements de travail 

Kiplay Vitage adapte les vĂȘtements de travail produits dans ses usines depuis 1921 en vĂȘtements de tous les jours. DĂ©jĂ  utilisĂ©es Ă  l’époque, ils protĂ©geaient les ouvriers des machines et des intempĂ©ries. Ce sont des vĂȘtements inspirĂ©s des annĂ©es 1930-1940 crĂ©es et conçu Ă  Saint Pierre d'Entremont en Normandie.

Plus rĂ©cente, la ligne de prĂȘt-Ă -porter vintage est issue des patronages Kiplay de l’époque, certaines piĂšces ont Ă©tĂ© ravaudĂ©es Ă  la main comme dans l’ancien temps et la griffe originale a Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ©e. TissĂ©s en France la moleskine et le chevron sont deux tissus robustes et confortables.

About A Worker cosigne avec La Redoute un vestiaire inspiré du monde du travail 

Autre dĂ©marche intĂ©ressante la collaboration entre La Redoute et la marque About a Worker, qui depuis sa crĂ©ation propose aux ouvriers du secteur industriel de devenir designers. Kim Hou et Paul Boulenger, le duo parisien derriĂšre About A Worker, ont travaillĂ© avec six ouvriers du centre logistique de La Redoute, pour crĂ©er leur propre collection prĂȘt-Ă -porter - six piĂšces et deux accessoires inspirĂ©s de l’univers industriel avec des poches placĂ©es, des rubans rĂ©flĂ©chissants, des tissus techniques
 Des dĂ©tails pensĂ©s de façon pratique et stylistique pour une capsule imaginĂ©e par ceux-lĂ  mĂȘme qui vont la porter, les workers, ainsi que pour les clients du catalogue.

Collaboration About a Worker X La Redoute, printemps-été 2020 (LA REDOUTE)

"Cette collection illustre notre souhait de pouvoir donner corps Ă  de nouvelles formes de collaborations, laisser s’exprimer les workers par le vĂȘtement. Ce vestiaire se veut simple et fonctionnel. C’était le souhait des workers" explique Sylvette Boutin-Lepers, responsable des partenariats crĂ©ateurs prĂȘt-Ă -porter et image Ă  La Redoute. "Au-delĂ  de la crĂ©ation du vĂȘtement, on a surtout fait naĂźtre un projet qui a du sens, humain et valorisant pour ceux qui y ont Ă©tĂ© impliquĂ©s" explique Kim Hou. "Ce n’est pas une expĂ©rience ordinaire. Elle montre la volontĂ© de penser autrement et surtout de tisser des liens dans un projet d’envergure. Cette initiative a permis aussi de crĂ©er des Ă©changes lĂ  oĂč ils n’existaient pas" ajoute, de son cĂŽtĂ©, Paul Boulenger.

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