Sylvain Tesson, Isabelle Carré, Chloé Delaume: les auteurs sur le pont pour défendre les librairies
A l'invitation d'une libraire parisienne ce jeudi, une trentaine d’écrivains et éditeurs se sont réunis sur un bateau parisien pour protester contre la fermeture des librairies. Le temps d'une boucle sur la Seine, chacun y a rappelé ses arguments pour défendre bec et ongles, ces commerces si particuliers...
Tous dans le même bateau ! Une trentaine d’écrivains, éditeurs et autres amoureux de la littérature étaient invités au Pont-Neuf à Paris ce jeudi 12 novembre pour "flâner sur la Seine pour défendre la littérature" selon les mots de Marie-Rose Guarniéri, fondatrice de la librairie des Abesses à Paris et organisatrice de l’évènement.
"Mais ce n’est pas une croisière mondaine !", s'amuse-telle pour commencer. Il fait beau, elle est rassurée, l’évènement ne prendra pas l’eau !
Isabelle Carré, deux masques sur le visage
Elle arrive accompagnée de Chloé Delaume, le prix Médicis 2020 pour Le cœur synthétique. Mais pour l’auteure, ce prix à un goût amer : "J’ai le prix Médicis pour une comédie en pleine apocalypse !". Pour elle, "la situation empêche les gens de retrouver un certain équilibre mental". Les invités défilent ensuite un par un sur les escaliers qui mènent à l’étage du bateau et partent s’assoir en veillant à laisser un siège de libre entre chacun.
Isabelle Carré arrive parmi les premiers, les lunettes sur le nez et le sourire aux lèvres que l’on peut deviner derrière son masque. Elle a le dernier livre de Riad Sattouf, L’arabe du futur 5 sous le bras. "Je dois le faire dédicacer pour un de mes proches". Malheureusement pour elle, l'incontournable auteur de BD n’a pas pu être présent. Côté protection, elle n'a pas fait les choses à moitié : elle porte deux masques, un FFP2 et un par-dessus "pour faire plus joli" avec des inscriptions telles que "Girl Power". En tournage actuellement, elle préfère ne pas prendre de risques. L’actrice qui vient de publier Du côté des Indiens chez Grasset ne comprend pas la fermeture des librairies. "La littérature c’est une nourriture affective, cela permet de trouver du sens, d’être moins seul. Le grand gagnant sera Amazon qui ne paye même pas ses impôts en France…".
Alexandre Jardin et Sylvain Tesson en colère
Devant le bateau toujours à l’arrêt, il y a un attroupement. Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France vient d’arriver. Elle vient juste dire quelques mots de soutien, mais partira avant le départ du bateau. "Il n’y a que les écrivains qui ont le temps de flâner sur la Seine", s'excuse-t-elle avec humour. Elle prend la parole pour exprimer son désaccord avec le gouvernement. "On n’accepte pas la décision, on souhaite soutenir tous les lieux de culture". Elle en profite pour rappeler les différentes aides mises en place par la Région pour les libraires afin de les accompagner dans leur transition numérique et ainsi passer au Click and Collect.
"A l’abordage", crie Marie-Rose lorsque le moteur du bateau commence à retentir. C'est l'une des "Vedettes du Pont Neuf" que la compagnie touristique de Paris a grâcieusement affrêté pour l'opération culturelle. Auteurs et éditeurs sont ensuite invités à prendre la parole chacun son tour. Alexandre Jardin est en colère : "l’Etat ne devrait pas avoir le droit moral de fermer les librairies !" Il appelle les auteurs à signer des tribunes et à s’exprimer dans les médias pour défendre le sort des librairies.
Sylvain Tesson prend la parole avec dans les mains le livre de Henry-David Thoreau Résistance au gouvernement civil. "Cette crise est une vraie leçon d’humilité, on se rend compte que les livres sont moins essentiels que le beurre de cacahuète ou les nougats glacés", lâche-t-il. C’est ensuite l’accent de Nancy Huston qui résonne sur la Seine vidée de tous ses autres bateaux : "Le gouvernement estime que l’urgence est ailleurs, il se trompe. Ne plus vendre des livres c’est une catastrophe".
La police maritime met fin à la balade
La fête est brusquement interrompue par la police maritime qui s’étonne d’un tel rassemblement. Le bateau retourne à quai et les attestations sont contrôlées. Les participants sont retenus au square Vert Gallant en attendant la décision de la préfecture de police.
Sorj Chalendon, écrivain et ancien grand reporter, rigole de la situation : "Ils ont vu un rassemblement bizarre de fêtards d’un certain âge". Il n’est pas très optimiste pour la suite. "Ils sont allés trop loin pour ouvrir les librairies maintenant, ils se sont mis dans une position intenable". Après une vingtaine de minutes, la police laisse repartir tout le monde. Mais c’est trop tard, la fête est finie. Une balade de courte durée. Pour ne pas baisser les bras.
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