Festival du Livre 2023 : critiques littéraires et booktokeurs, quelle différence ?
Dans une ambiance intimiste, sur la scène Suffren, vendredi 21 avril, Alice Develey, journaliste au Figaro Littéraire, Elise Lépine, journaliste au Point et la booktokeuse Valentine Tedo (@entouteslettres) sont installées face à quelques dizaines de personnes attentives, assises sur de petites estrades. Animé par Hubert Artus, journaliste littéraire, le débat porte sur la profession de critique littéraire et son évolution.
Ayant fait des études littéraires, ces trois femmes sont toutes arrivées à leur métier grâce à leur amour de la littérature. Parfois sur le tard mais toujours avec une immense envie de partager leur passion pour les livres avec le grand public. "J'ai toujours eu ce goût prononcé pour les histoires et les aventures. En tant que grande lectrice, je voulais partager mes découvertes avec le plus grand nombre...J'ai fait le choix de Tik Tok. Et si ça peut donner envie aux jeunes de lire, j'ai tout gagné" raconte la booktokeuse.
"Notre métier, c'est de défricher"
Alice Develey, préfère le terme de journaliste littéraire plutôt que celui de critique : "Je ne suis ni juge, ni publicitaire, je suis journaliste et mon avis est évidemment subjectif. Je reçois entre 50 et 100 livres par semaine, il est évidemment impossible de tous les lire mais on sent instinctivement en lisant quelques pages que ça va être bon ou non. Notre métier, c'est de défricher pour trouver le livre qui pourra plaire. Il faut toujours avoir en tête que le lecteur va potentiellement mettre 15 à 25 euros dans un ouvrage, il est donc important d'être exigeant".
Certains critiques littéraires peuvent être durs envers certaines oeuvres, mais Elise Lépine fait le choix de ne pas évoquer les livres qu'elle n'a pas appréciés : "Je fais toujours des critiques assez positives, je n'aime pas l'idée de dire du mal d'un auteur ou d'un roman alors que c'est énormément de travail. Ce que je peux faire en revanche, c'est de conseiller un livre plutôt qu'un autre". Le métier de critique dans un journal hebdomadaire fait face à des contraintes : la place pour les articles est limitée. "Notre profession suppose de faire des choix et des sacrifices, c'est un crève coeur quotidien et beaucoup de frustration. Avec nos collègues, on discute beaucoup pour s'organiser. Mais parfois, on doit se restreindre pour s'adapter à la maquette du journal, c'est le jeu".
TikTok, l'atout jeunes
Le réseau social TikTok permet aux amateurs de lecture d'avoir, peut-être, plus de liberté pour partager leurs dernières trouvailles livresques. Valentine Tedo, booktokeuse, expérimente plusieurs formats : "Je fais des vidéos très diverses, des portraits d'auteurs ou des recommandations par exemple mais toujours dans un format court puisque les vidéos TikTok font en général entre une et trois minutes".
@entouteslettres Le livre le plus original que j’ai eu à lire sur la rupture amoureuse ! #booktok #litterature #womenoftiktok #sophiecalle ♬ Lofi Vibes - Gentle State
Sur les 20 000 abonnés de Valentine, 60% ont entre 18 et 24 ans et 75% sont des femmes et pour elle "le plus sympa, c'est l'interaction, les commentaires. On ne sait pas ce que ça représente en chiffres de ventes de livres en librairies mais en tout cas j'ai souvent des gens qui me disent que mes vidéos leur ont donné envie d'acheter l'ouvrage que j'ai présenté". Selon la jeune femme, l'engouement autour de Booktok est tel depuis septembre dernier qu'elle reçoit beaucoup plus d'opportunités et de partenariats qu'avant : "Les différentes maisons d'éditions ont compris que TikTok avait un réel intérêt commercial"
Elise Lépine termine la conférence en démystifiant le métier de critique littéraire : "Non, on ne lit pas dans notre canapé en mangeant des chamallows. On lit avec un crayon à la main, ce n'est pas du tout la même expérience qu'une lecture "plaisir". Parfois, ça nous arrive d'avoir des pannes de lecture et c'est très embêtant quand c'est l'essence même de notre travail".
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