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Le prix Renaudot pour Yann Moix et sa peu consensuelle "Naissance"

Le Prix Renaudot 2013 a été décerné à Yann Moix pour "Naissance" (Grasset), un ouvrage monstre de près de 1.200 pages qui débute par la venue au monde de l'auteur, sous les insultes de ses parents. Première réaction de l'auteur : "C'est un prix qui était fait pour moi !"
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Yann Moix, lauréat du prix Renaudot 2013 pour "Naissance"
 (BALTEL/SIPA)

"Naissance" a été désigné par 6 voix au 1er tour. Ont obtenu des voix : Etienne de Montéty, pour "La Route du salut" (Gallimard), Charif Madjalani, pour "Le dernier seigneur de Marsad" (Seuil), et Romain Puértolas, pour "L'extraordinaire voyage du Fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea" (Le Dilettante).

La réaction du lauréat

"C'est le prix qu'a eu Georges Perec, Céline, Marcel Aymé, je suis très ému d'avoir ce prix qui est pour moi le plus beau. C'est un grand honneur et une très grande joie". "C'est un prix qui était fait pour moi et pour lequel j'étais fait", a-t-il affirmé, en estimant que le Renaudot était un prix "adapté à la folie des écrivains, qui peut digérer leur folie".

La critique de Culturebox : 

Au prix de la page, c’est sans doute le meilleur rapport qualité prix de la rentrée littéraire. Pensez, 26,00 euros les 1152 pages, ça vous met la page à 2 centimes, un tarif imbattable. Chez le même éditeur, par exemple, le Sorj Chalandon est à près de six centimes. Chez Gallimard, une page de Tristan Garcia se monnaie autour de 4,5 centimes. Pour être honnête, ce n’est pas tout à fait l’unique raison d’investir dans ce pavé qui va vous muscler les poignets pendant quelques jours ou semaines : il y a des fulgurances, des phrases qui font mouche, d’autres qui font rire, d’autres qui bouleversent. Mais pour les atteindre, ils faut traverser une forêt de mots, touffue, immense, interminable.

Yann Moix aime choquer, secouer le cocotier : "Nous respectons trop nos mères. Nous devrions davantage les frapper, les humilier. Leur déféquer sur le visage – nous ne déféquons pas suffisamment sur nos génitrices". Le réalisateur de "Podium" et du maudit "Cinéman" a un potentiel de rage très au dessus de la moyenne. Le récit de sa naissance est d’une brutalité à couper le souffle. "Enculé" lui hurle son père, qui se rappelle avoir "joui de travers" en le concevant. Et c’est parti pour des centaines de pages de haine, en mots serrés, comme des bataillons, prêts à vous prendre à la gorge. La page 42, parmi bien d’autres, est exemplaire. "Zizis sans yeux" et "opossums cacochymes" cohabitent avec des "triples jumeaux décapités" et autres "jivaros éventrés". C’est sûr, s’engueuler avec Yann Moix doit avoir une certaine allure.

Mais cette énergie négative épuise rapidement son lecteur. Concentré de cynisme et de noirceur, certes avec panache, "Naissance" tourne en rond dans son jus. Et pourquoi pas 3000 ou 20 000 pages, tant qu’on y est, pourquoi s’arrêter en si bon chemin. Fasciné par Céline, Yann Moix revendique son ambition de "recréer un peu de désordre". Il y parvient, incontestablement, même si le livre nous tombe des mains, passé les 200 pages…

"Naissance" est plus un concept, une attitude, un objet un peu mystérieux à posséder, qu’un livre. On pourra le laisser posé négligemment sur la table basse, et, inévitablement il provoquera le débat. De là à le lire vraiment, il y a un monde.

"Naissance" de Yann Moix (Grasset) - 1152 pages - 26,00 euros

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