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Lire en prison, la grande évasion grâce aux associations comme "Lire pour en sortir"

L'association "Lire pour en sortir" fondée en 2015 propose aujourd'hui, grâce à des bénévoles, des actions de réinsertion par la lecture dans 30 prisons, en métropole et aux Antilles.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un lecteur (image prétexte). (YULIA NAUMENKO / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Dans sa tête, c'est comme s'il était "le producteur d'une série": Adama* n'est pas en école de cinéma mais détenu à la prison de la Santé où, depuis quelques mois, il s'"évade" de son quotidien par la lecture. Bienvenue dans le pôle insertion de cette maison d'arrêt rouverte en 2019 après quatre ans de travaux, où se déroulent toutes les activités culturelles.

La Santé compte sept bibliothèques et propose 10 000 livres au total. C'est beaucoup et c'est trop peu. Car comme toutes les prisons françaises, la maison d'arrêt parisienne est saturée. En janvier, le nombres de détenus atteignait 72.173 personnes, soit une densité carcérale globale de 119%. "On est victimes de notre succès", alors "on a mis en place une liste d'attente", soupire le bibliothécaire Baptiste Devouassoux, collaborateur de l'association "Lire pour en sortir".

Lire c'est aussi disposer de plus de mots pour s'exprimer


Organiser des ateliers de lecture en prison: l'idée parait aussi vieille que celle de la détention. Pourtant, elle n'est une réalité que depuis quelques années, grâce au travail d'associations, aujourd'hui soutenues par les pouvoirs publics. Selon des chiffres gouvernementaux, près d'un détenu sur quatre (23%) est en situation d'illettrisme. Ce constat, Alexandre Duval-Stalla, président-fondateur de "Lire pour en Sortir", le fait depuis de nombreuses années.

Au contact de prévenus lors de commissions d'office, auxquelles il participe depuis qu'il a prêté serment, cet avocat d'affaires parisien comprend que "leur difficulté à s'exprimer vient du manque de mots". Lancée en 2015, l'association opère aujourd'hui dans 30 prisons, en métropole et aux Antilles.

Le principe est simple: offrir aux quelque 1 700 détenus bénéficiaires un livre neuf qu'ils choisissent dans le catalogue de l'association. Près de 300 titres y sont recensés dont des BD, des classiques ou des livres de bien-être. La suite ? Une rencontre avec un des 250 bénévoles de l'association. Parmi eux, Morgane, étudiante en droit. Ce jour-là, elle a prévu de voir trois détenus.

La lecture est "une bouée", "une parenthèse"

La session s'ouvre avec Adama*, en détention depuis neuf mois. Grand gaillard mais visage poupon, il explique s'être lancé dans L'Étranger de Camus. Une lecture semée d'embûches: "Y avait trop de mots que je ne comprenais pas", dit-il. Attentive, Morgane lui suggère de commander un dictionnaire.

Vient le tour de Moussa*. Loquace, ce détenu condamné en juillet aime poser les questions. Moins y répondre. Avec enthousiasme, il évoque sa pile de livres qui l'accompagneront à sa sortie. Hors catégories: Youssef, prévenu à la Santé depuis "plusieurs années". Il a lu plus de 300 livres et est aussi l'une des plumes du journal de la prison, le Phenix.

Tous décrivent le "choc" de la surpopulation carcérale. "Tous les mercredis, on appréhende. Tu pars en promenade et, hop, au retour, tu découvres deux nouveaux détenus dans ta cellule", confie Moussa. La lecture est une "bouée", une "parenthèse", complète Youssef. "Ça me permet de m'évader, penser à autre chose", confie Adama*. 

*Les prénoms ont été modifiés

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