Cinq livres pour exorciser la sinistrose
Coupez internet. Eteignez radios et télés qui ne résonnent que de mots anxiogènes (guerres, Ebola, chômage, déficit…). Et ouvrez un livre qui vous redonne de la joie de vivre. Francetv info vous en propose cinq, en ce début de vacances de la Toussaint.
Le fond de l'air est triste et les nouvelles sinistres. Les titres du 20 heures, avec la liste des maux qui affligent la planète, vous donnent envie de sauter par la fenêtre ? Francetv info vous propose cinq remèdes. Cinq livres-thérapies contre la sinistrose.
1La critique gastronomique à la sauce Desproges
De quoi s'agit-il ? "Entre une mauvaise cuisinière et une empoisonneuse, il n’y a qu’une différence d’intention", proclamait Pierre Desproges, qui ne prenait pas la gastronomie à la légère. Sous le titre Encore des nouilles, les éditions Les Echappés ont rassemblé ses truculentes "chroniques culinaires" de Cuisine et Vins de France, illustrées par des dessinateurs de Charlie Hebdo. De "petits bijoux de drôlerie", de l'avis de Culturebox (qui détaille la recette du "pâté de sardines à la Desprogienne").
Pourquoi ça fait du bien. Qui nous fera jamais rire des travers franchouillards mieux que feu Pierre Desproges (1939-1988) ? Plus encore quand il s'agit de gourmandise : ni lui ni nous ne plaisantons avec les arts de la table. Amuse-gueule cité par Culturebox : "J'étais au bord de dire des choses à l'eau de rose quand le sommelier est arrivé. J'ai commandé un Figeac 71, mon saint-émilion préféré. Introuvable, sublime. Rouge et doré comme peu de couchers de soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Eclatant en orgasme soleil. Plus long en bouche qu'un final de Verdi. Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue. Cette conne a mis de l'eau dedans. Je ne l'ai plus jamais aimée."
2La pédagogie joyeuse de Mara Goyet
De quoi s'agit-il ? De Jules Ferry et l'enfant sauvage (Flammarion), signé Mara Goyet, 41 ans, prof dans un collège parisien. Son projet ? Une opération secrète pour "sauver le collège", avec quelques conspirateurs. Il y aurait "des vieux briscards, des profs de choc, un petit génie high-tech puceau". Et elle, bien sûr. Un "hussard jovial", qui décrit ici, avec infiniment d'humour, son quotidien d'enseignante au sein d'un paysage éducatif français "exaspérant, drôle et passionnant".
Pourquoi ça fait du bien. Parce que ce livre met du baume au cœur des parents, ces éternels angoissés. Grâce à quoi ? A ce que Mara Goyet baptise, sur son blog du Monde, une alchimie. Des miracles renouvelés. L'art, par exemple, de faire comprendre à une classe, ricanante au début, silencieuse à la fin, ce qu'est l'éducation, juste en lui montrant L'Enfant sauvage de François Truffaut. Savoir, aussi, déminer une situation. A un élève aperçu en train de mimer un coït avec la porte de la salle des profs, elle glisse : "Tu as raison mon petit de t'en prendre à une porte. Parce qu'à part avec elle, je ne vois pas avec qui tu pourrais faire ce type de choses." Rire des autres. Victoire de la prof. Et l'élève, sans le savoir, échappe au conseil de discipline. "J'aurais pu faire mieux, mais je n'avais que dix secondes" (de réflexion). Mara Goyet, la prof qui vous fait aimer les profs.
3Le pavé de Ken Follett où les bons gagnent à la fin
De quoi s'agit-il ? Aux portes de l'éternité (Robert Laffont), c'est le dernier tome du Siècle, la trilogie de Ken Follett sur le XXe siècle. Un roman qui couvre, de 1961 à 2008, la dernière partie d'une époque pleine de bruit et de fureur. La guerre froide, l'Amérique de la ségrégation, la chute du mur… Un pan d'histoire incarné par cinq familles, une galloise (comme l'auteur, né à Cardiff il y a 65 ans), une anglaise, une américaine, une russe et une allemande. Liées mais déchirées par les guerres, l'amour et les trahisons.
Pourquoi ça fait du bien. On oublie tout et l'on se plonge dans 1 200 pages d'une saga rappelant qu'avant, tout n'était pas si rose. Les raisons du succès ? BibliObs les décortique très bien. D'abord, la passion historique avec "le moins possible de fioritures décoratives. Dans ce dernier volet, qui a pour cadre la guerre froide, du mur de Berlin à sa chute, Follett traque les faits." Ensuite, le suspense permanent : "A chaque page, un rebond prend le lecteur à revers et pose en filigrane ces questions : le héros va-t-il échapper au danger qui le menace ?" Enfin, en principe, chez Ken Follett, les bons triomphent, ce qui tranche avec l'ordinaire de l'actualité. Tiré à 250 000 exemplaires, le roman trône au sommet des ventes depuis sa sortie le 25 septembre.
4Un art de la paresse signé Laferrière
De quoi s'agit-il ? De L'Art presque perdu de ne rien faire (Grasset), dernier livre de l'académicien Dany Laferrière, "spécialiste mondial de la sieste". Un nouvel "art de la paresse" en 432 pages – ce fainéant revendiqué serait-il un travailleur acharné ? La quatrième de couverture l'affirme : "La nonchalance est une affaire de connaisseur (…). Cela n’interdit pas de lire et de réfléchir." Ni, surtout, de renouer avec un véritable art de vivre.
Pourquoi ça fait du bien. Parce que Dany Laferrière rend sa mesure aux choses. Né en Haïti, même s'il vit désormais au Canada, l'auteur connaît le prix de l'existence. Jeune homme, il échappe aux Tontons macoutes, la sinistre milice des Duvalier qui veut sa peau. Comme tant d'autres écrivains, il est à Port-au-Prince le 12 janvier 2010, pour le festival Etonnants Voyageurs, lorsqu'un séisme meurtrier dévaste l'île. Il en réchappe. Autant le croire lorsqu'il conclut son livre par : "Nous ne sommes ni au début ni à la fin du monde. Alors on se calme."
5Les défricheurs d'un bonheur made in France
De quoi s'agit-il ? Une frange du pays, la plus discrète, a déjà décidé de changer son échelle de valeurs, sa façon de vivre et de travailler. Le journaliste Eric Dupin brosse sur trois cents pages le portrait de ces Défricheurs (La Découverte). Il rend compte d'une centaine d'expériences menées dans cette "France qui innove vraiment". Comme les écovillages, ces "îlots verts" qui vontprobablement "essaimer sur le territoire".
Pourquoi ça fait du bien. "On fonctionne sur l'idée que le bonheur, c'est forcément la maximisation des biens matériels, donc cette fameuse croissance. Or on atteint les limites physiques de ce modèle de croissance", expliquait l'auteur à francetv info, le 25 septembre. Il décrit donc les multiples façons de tenter de sortir d'un paradigme épuisé, avec des reconversions radicales et souvent heureuses.
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