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Benoîte Groult, militante infatigable de la cause des femmes, est morte à l'âge de 96 ans

Figure du féminisme du XXe siècle, Benoîte Groult a dénoncé l'excision, soutenu la légalisation de l'avortement et milité pour le droit à mourir dans la dignité. 

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La romancière et féministe Benoîte Groult, en 1983. (ULF ANDERSEN / AFP)

La romancière et féministe Benoîte Groult est morte à l'âge de 96 ans, lundi 20 juin, à Hyères (Var) où elle résidait, a annoncé mardi sa famille, confirmant une information de Var matin. "Elle est morte dans son sommeil comme elle l'a voulu, sans souffrir", a indiqué sa fille, Blandine de Caunes. François Hollande a salué, dans un communiqué, la mémoire de l'écrivaine, "belle et grande figure du féminisme" et "éveilleuse de consciences".

Benoîte Groult a été la première à dénoncer publiquement les mutilations génitales féminines dans son livre Ainsi soit-elle, publié en 1975. Cette femme, qui s'est battue contre l'excision, pour le droit à l'avortement ou plus récemment le droit à mourir dans la dignité, était reconnue comme l'une des fondatrices du féminisme moderne.

Sur Twitter, les hommages affluent.

Francetv info revient sur la vie de cette grande figure du féminisme.

Une petite fille modèle devenue féministe

Née le 31 janvier 1920 d'un père décorateur et d'une mère styliste, sœur du couturier Paul Poiret, elle se décrit comme "laborieuse, timide, moutonnière et bonne élève". "Je n'étais pas coquette et je ne savais pas plaire", confie-t-elle dans un entretien accordé à L'Express en 2008. Ses parents reçoivent intellectuels et artistes en vogue, comme l'écrivain et diplomate Paul Morand ou la peintre Marie Laurencin, sa marraine. La jeune fille fait un parcours scolaire exemplaire qui la mène à une carrière de journaliste pendant dix ans au sein de la Radio télévision française. Elle collabore également avec plusieurs magazines féminins, dont Elle et Marie-Claire.

En 1944, elle épouse un étudiant en médecine qui meurt peu après de la tuberculose. Au lendemain de la guerre, elle se remarie avec Georges de Caunes, avec lequel elle a deux filles, divorce puis épouse l'écrivain Paul Guimard en troisièmes noces en 1952, et donne naissance à une troisième fille. Elle décrira plus tard leur mariage comme une relation "à la Sartre et Beauvoir", faite d'admiration mutuelle, de complicité intellectuelle et de liberté. Benoîte Groult n'a pas honte d'avoir eu un amant américain ni d'avoir avorté plusieurs fois de façon clandestine. Elle se range d'ailleurs aux côtés de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi pour faire légaliser l'avortement.

En 1962, Benoîte Groult se lance dans l'écriture, en signant avec sa sœur Flora Journal à quatre mains. Saisie par la cause des femmes à l'aube de la quarantaine, Benoîte Groult se lance corps et âme dans le féminisme. "Je me sentais une citoyenne de seconde zone, absente au monde et j'ai effectivement mis du temps à me réveiller", expliquera-t-elle plus tard.

Une plume mordante pour défendre la cause des femmes

En 1975, elle écrit Ainsi soit-elle, un essai dans lequel elle est la première à dénoncer l'excision. Son combat en faveur des femmes se médiatise. "J'étais devenue la féministe de service", dira-t-elle. En 1978, la quinquagénaire fonde un magazine féministe avec Claude Servan-Schreiber : F Magazine. Benoîte Groult y est éditorialiste. L'aventure prend fin quatre ans plus tard, mais d'autres projets l'attendent.

Elle est membre du jury du prix Femina dès 1982 – elle y restera jusqu'en 2013. Deux ans plus tard, Yvette Roudy, la ministre socialiste des Droits de la femme, la charge de présider la Commission de terminologie pour la féminisation des noms. Une mission qui ne plaît pas à tous. "Toute cette polémique m'a définitivement brouillée avec Maurice Druon et fermé les portes de l'Académie..." déplore la romancière dans L'Express.

Lorsque François Mitterrand accède au pouvoir en 1981, il est question de confier une mission ministérielle à Benoîte Groult. C'est finalement son mari, Paul Guimard, qui devient conseiller culturel à l'Elysée. Mais le président, ami du couple, la nomme chevalière de la Légion d'honneur en 1985 "pour féminisme". "Pendant l'accolade, il m'a chuchoté : 'Je n'ai pas pu dire 'chevalière', ça ne passait pas", raconte-t-elle encore. Le président François Hollande la nommera grand officier de l'ordre national du Mérite en 2013.

La vieillesse ne l'a jamais arrêtée

La fringante sexagénaire continue de soutenir la cause féministe à travers ses romans à succès : Les Trois quarts du temps (1983), le récit d'un destin de femme à travers le XXe siècle, ou encore Les Vaisseaux du cœur (1988), un roman sur la passion amoureuse inspiré de sa relation avec son amant américain.

Indépendante et hyperactive, cette passionnée de voile assume son recours à la chirurgie esthétique. "Quinze ans gagnés d'un coup de bistouri, c'est pas mal, non ?" confie-t-elle à L'Express. La vieillesse commence à l'interroger. "Ce n'est pas vrai que l'on devient sage avec l'âge, c'est une qualité qu'on vous colle. On ne peut plus être fou. Ce n'est pas de la sagesse, c'est de la résignation", raconte-t-elle au Figaro.

Les causes qu'elle défend évoluent au fil des décennies. Après le droit à l'avortement et l'égalité femmes-hommes, Benoîte Groult plaide pour le droit à mourir dans la dignité, dans La Touche étoile (2006), un roman sur la vieillesse et la mort. Ecrivaine infatigable, elle publie encore une autobiographie (Mon évasion, 2008) et conclut sa carrière en 2013 par une biographie d'Olympe de Gouges, la première féministe de l'histoire de France.

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