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"Brassens, des souvenirs trop beaux pour moi" : le témoignage délicat et émouvant d'Agathe Fallet, qui fut l'amie du poète

Agathe Fallet fut l'épouse de l'écrivain et scénariste René Fallet, ami intime de Georges Brassens. Elle côtoya ainsi le poète-chanteur durant un quart de siècle, jusqu'à sa mort en octobre 1981. Quarante ans plus tard, dans un ouvrage court et superbement illustré, elle dévoile ses souvenirs.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Georges Brassens et la jeune Agathe Fallet en mai 1962 à Crespières (Yvelines), en couverture d'un très touchant concentré de souvenirs (ÉDITIONS DES ÉQUATEURS)

Agathe Fallet aura attendu quarante ans pour dévoiler les trésors enfouis dans sa mémoire. Des trésors d'humanité d'une époque disparue, celle de sa jeunesse aux côtés de son époux René Fallet, écrivain (Paris au mois d'août, Le Triporteur, La Soupe aux choux...), scénariste, et surtout grand ami de Georges Brassens, ce qui lui permit de côtoyer de près le poète.

Le témoignage : À l'approche du centenaire de la naissance de Brassens, Agathe Fallet (son vrai prénom est Michelle, Agathe étant son surnom) s'est décidée à partager ses souvenirs, afin de lui rendre, "avant la fin de tout", son "hommage personnel". Car elle se reproche, aujourd'hui encore, d'avoir été trop timide autrefois pour lui faire part de "toute son admiration et toute sa tendresse".

Pourtant, bien qu'elle n'eût peut-jamais été formulée verbalement, il existait bel et bien de la tendresse entre Georges Brassens et la jeune épouse de son ami René. Cette tendresse est palpable dans la photo magnifique utilisée pour la couverture du livre. Il est rare qu'une seule illustration puisse ainsi résumer tout un ouvrage, toute une histoire d'humanités. Georges Brassens, souriant chaleureusement, porte avec une bienveillance inouïe la jeune femme qui se fait toute petite dans ses bras...

Un cercle de poètes et de belles âmes

L'autrice n'avait pas dix-sept ans quand, en juillet 1956, elle a épousé René Fallet, de douze ans son aîné. En unissant son destin à celui de l'écrivain, elle intégrait un cercle fréquenté par des artistes de tous horizons, comme l'illustrent les splendides photos de son mariage : elles sont signées Robert Doisneau, pour la plupart. Seul manquait à l'appel Georges Brassens, déjà très célèbre à l'époque, et qui "avait délégué Püpchen", sa compagne, car "il était suffisamment amical pour ne pas voler la vedette aux mariés", croit savoir Agathe Fallet.

Les souvenirs d'Agathe Fallet, c'est d'abord des extraits de lettres, telles de brèves chroniques, que lui envoyait René quand ils étaient fiancés, des lettres qui parlent de Brassens. C'est ensuite des moments précieux, mais pas toujours exaltants, Impasse Florimont à Paris, où la jeune femme passe du temps avec Jeanne, l'hôtesse des lieux, et Püpchen, la femme de la vie de Brassens, coquette sur son apparence physique, inquiète de sa différence d'âge avec son homme (elle avait dix ans de plus que lui). Pendant ce temps, René Fallet et le poète sont à l'étage, dans "la chambre-bureau où Georges travaillait et se plaisait tant". Cette pièce, Agathe ne la verra jamais, "à part en photo". "Du malheur d'être fille...", glisse-t-elle avec une touchante sincérité. C'est aussi une époque qui revit dans ces lignes.

Quarante ans plus tard, un émerveillement intact

Fort heureusement, la vie, des dîners entre amis, des virées en province, des tournées, permettent à la jeune femme de partager des moments incroyablement privilégiés avec Georges Brassens. Il y a ces trajets en voiture où Agathe prend parfois le volant de la DS du poète, à la demande de ce dernier, après des repas trop arrosés... Il y a des conversations improbables, comme ce jour où il lui dit sans crier gare : "Tu ne trouves pas que je ne fréquente que des cons ?"

Cet ouvrage si personnel délivre avec grâce un tas de petites histoires, d'anecdotes, de souvenirs, qui permettent d'esquisser des portraits tout en nuances de Georges Brassens et de son proche entourage. Et l'on ressent toujours, de la première à la dernière ligne, cet étonnement, cet émerveillement, intacts après tant d'années, d'avoir été là, si près de Brassens. Comment ne pas envier Agathe Fallet d'avoir vécu tous ces instants ?

Le livre s'achève sur une petite série de photos et d'archives personnelles d'Agathe Fallet, un article de son mari sur Brassens, des cartes et dédicaces du poète... De la délicatesse et de l'émotion, jusqu'aux ultimes pages.

La couverture de l'ouvrage d'Agathe Fallet paru fin octobre 2021 (ÉDITIONS DES ÉQUATEURS)

"Brassens, des souvenirs trop beaux pour moi", d'Agathe Fallet (Équateurs, 128 pages, 18 €)

Extrait : "J’écoute Brassens. Quand c’est lui qui chante. Personne ne devrait s’autoriser à le chanter. Sa voix ne s’est pas encore effacée, que je sache. Et si cela arrive, on le lira et on le lira encore.
Il me semble que Brassens est devenu pour certains une sorte de fonds de commerce et cela me trouble. J'ai probablement tort. On aime réellement Brassens. Mais Georges est oublié. Il était en chair et en os. Il était tellement beau, incroyablement beau. Reste sa voix, il ne faut pas la couvrir." (Brassens, des souvenirs trop beaux pour moi, page 17)

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