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"We Blew It", road movie documentaire sur l'Amérique depuis les années 60

"We blew it" (on a tout foutu en l’air) est une phrase qu’adresse Peter Fonda à Dennis Hopper dans "Easy Rider" (1969). Un constat amer sur les espoirs perdus de la jeunesse américaine, sur le chemin d’une révolution culturelle et politique tuée dans l'oeuf. "We Blew It", du critique et historien du cinéma Jean Baptiste Thoret, refait le parcours, des années 60 à Donald Trump : beau et édifiant.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"We Blew It" de Jean-Baptiste Thoret
 (Lost Films)

Contre-culture

Août 1969 : le festival de Woodstock fait figure d’apogée de l’idéal hippie en rassemblant des milliers de jeunes venus de toute l’Amérique communier durant "trois jours d’amour, de musique et de paix". 1969, c’est aussi la date de projection à Cannes d’un petit film à deux francs six sous, "Easy Rider", qui va rapporter des millions de dollars. Il fait exactement le constat inverse. Celui de la fin d’une époque, d’une idéologie utopiste et libertaire qui laissera des  traces, certes, mais sous une forme dument encadré par le pouvoir. Comme le dit Peter Fonda à son coéquipier, réalisateur du film : "On a tout foutu en l’air" ("We Blew It").
Si l’image de Woodstock reste emblématique d’une époque révolue, et que le phénomène hippie s’est surtout développé en France dans les années 70, il avait été enterré dès l’été 1967, durant le fameux "Summer of Love" ("l’été de l’amour") au cours d’une cérémonie funèbre menée par les purs et durs de la mouvance, dans le quartier de Haight-Ashbury de San-Francisco où il était née. Ce que les hippies de la première heure dénonçaient, c’était la récupération par les industriels de la musique, de la mode et du commerce, de leur esthétique, de leurs slogans et idéaux pour en faire des produits et ainsi affaiblir le contenu originel et subversif du mouvement.
Hippies à Haigh Ashbury (San Francisco) en Avril 1967
 (AP/SIPA)
Une contre-culture permissive qui mettait en danger l’establishment. La diffusion massive des opiacés (héroïne, cocaïne), contre les psychédéliques (cannabis, psilocybine, LSD) dans le milieu (sujet au cœur d’"Easy Rider") n’y était pas pour rien. L’assassinat de John F. Kennedy en 1963 inoculait le virus dans l’œuf. Puis ce furent ceux de Martin Luther King et de Robert Kennedy en 1968 qui élaguèrent les tendances libertaires. L’arrivée du président Johnson au pouvoir, puis de Richard Nixon, Gérald Ford, Ronald Reagan, malgré la parenthèse un peu molle de Jimmy Carter, puis le virage très droitier de Ronald Reagan et aujourd’hui de Donald Trump, après les deux présidences Obama, marquent un retour en profondeur d’une idéologie en rupture avec les idéaux des années 60.  
"We Blew It" de Jean-Baptiste Thoret
 (Lost Films)

Errance onirique

"We Blew It" est le premier film réalisé par le critique et historien du cinéma Jean-Baptiste Thoret qui a fait du nouvel Hollywood, à partir de la fin des années 60 et durant les années 70, son cheval de bataille. Il est donc tout désigné pour traiter le sujet. Il traverse les Etats-Unis, allant à la rencontre de témoins de ces années 60 révolutionnaires qui évoquent le "bon vieux temps", des vétérans du Vietnam, des sociologues… Mais aussi les tenants d’une Amérique conservatrice qui a repris du poil de la bête. Pour les uns comme pour les autres, Thoret donne la priorité à une Amérique profonde plutôt qu’aux grandes villes, le plus traditionnellement sollicitées.
Mais les principaux intervenants sont des cinéastes qui ont participé à cette ère et au Nouvel Hollywood : Michael Mann, Peter Bogdanovich, Paul Schrader, ou Tobbe Hooper. C’est ce croisement entre une société américaine en mutation et celle du cinéma qui est au cœur du sujet. Le processus d’un retour en arrière, vers les idéaux conservateurs et du consommationisme des années 50, alors que la jeunesse des années 60 était justement en réaction contre eux. Jean-Baptiste Thoret suit la mythique route 66 et d’autres, au fil d’errements qui frisent l’onirisme, traversant des villes fantômes, à la rencontre de nostalgiques et de partisans d’une Amérique conquérante. Les musiques de Jefferson Airplane, Jimi Hendrix, Neil Young, Allman Brothers Band… sont appelées à la rescousse pour évoquer une Amérique en perte de repères, qui se cherche et semble ne plus se retrouver, comme éparpillée. Poétique et politique.
"We Blew It" : l'affiche
 (Lost Films)

LA FICHE

Gente : Documentaire
Réaloisateur : Jean-Baptiste Thoret
Pays : France
Avec : Michael Mann, Peter Bogdanovich, Paul Schrader, Tobbe Hooper
Durée : 2h17
Synopsys : Comment l’Amérique est-elle passée d’Easy Rider à Donald Trump ? Que sont devenus les rêves et les utopies des années 60 et 70 ? Qu’en pensent, aujourd’hui, ceux qui ont vécu cet âge d’or ? Ont-ils vraiment tout foutu en l’air ?

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