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"Sur L’Adamant" : Nicolas Philibert partage une expérience psychiatrique novatrice en bord de Seine à Paris

Eclectique dans ses sujets, le documentariste rencontre les adultes souffrant de déficience psychique de l’Adamant, un centre de séjour amarré près du Jardin des Plantes à Paris.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"Sur L'Adamant" de Nicolas Philibert (2023). (LES FILMS DU LOSANGE)

De l’eau a coulé sous les ponts depuis Être et avoir (2002), sur une classe unique de la maternelle au CM2, qui a révélé Nicolas Philibert. Sept films plus tard, le documentariste sort mercredi 19 avril Sur L’Adamant, consacré à la psychiatrie, Ours d’Or au dernier Festival de Berlin. A l’heure où les soignants dénoncent la déshumanisation dans le secteur et le désert psychiatrique en France, l’expérience de ce centre de séjour est une belle surprise.

La Bombe humaine

Dans le sillage de Nicolas Philibert, l’on découvre l’espace libre et ouvert de L’Adamant, un bâtiment flottant fixé Quai de la Rappée à Paris. De larges baies vitrées ouvrent sur la Seine traversée du pont Charles-de-Gaulle, et non loin pointe la gare d’Austerlitz. Là se retrouvent régulièrement Pierre, Paul ou Jacqueline, déficients mentaux, pour quelques heures, un après-midi, ou une journée. Entourés de professionnels de santé, ils viennent dans un espace convivial faire le point, sur leurs activités, leur état d’esprit, leur traitement, échangent en commun leurs expériences.

Certains chantent, jouent d’un instrument ou peignent. Tous parlent une langue incroyablement riche et sensible, consciente d’un état qui aurait fait un pas de côté, mais canalisé. La scène d’ouverture où un des patients chante La Bombe humaine du groupe Téléphone, dans une interprétation folle de justesse, hurlant "faut pas que j’me laisse aller !" mieux que Jean-Louis Aubert, scotche au fauteuil.

Psychiatrie participative

Une autre passagère de ce bateau ivre parle d’accueil des "fous" sur L’Adamant, n’hésitant pas à s'attribuer avec naturel un vocable banni du politiquement correct. Cet autre confie son rapport à la musique, se révélant un compositeur, parolier, multi instrumentiste et interprète remarquable. Nicolas Philibert n’exhibe ni n’interroge ses protagonistes, ils parlent, avec leur voix, leur art oratoire, musical ou plastique, avec une spontanéité communicative libératrice, voire libertaire.

Cette plasticité, on la retrouve dans leur adaptation à des tâches plus concentrées comme l’exercice régulier de faire collectivement les comptes de L’Adamant. Les médicaments ne sont pas ignorés, et notre chanteur de Téléphone n’hésite pas à dire que sans eux, il ne pourrait pas ne pas se "laisser aller", comme un fou furieux". L’expérience de L’Adamant rappelle celle de la clinique de La Chesnais dans le Loir-et-Cher, inaugurée dans les années 70, mondialement reconnue pour avoir révolutionné l’approche des patients, avec une psychiatrie participative, orientée vers la libération de la parole et les arts. Une tangente qui se retrouve sur L’Adamant. Edifiant.

L'affiche de "Sur L'Adamant" de Nicolas Philibert (2023). (LES FILMS DU LOSANGE)

La fiche

Genre : Documentaire
Réalisateur : Nicolas Philbert
Pays :  France / Japon
Durée : 1h49
Sortie : 19 avril 2023
Distributeur : Les Films du Losange

Synopsis : L’Adamant est un Centre de Jour unique en son genre : c’est un bâtiment flottant. Édifié sur la Seine, en plein cœur de Paris, il accueille des adultes souffrant de troubles psychiques, leur offrant un cadre de soins qui les structure dans le temps et l’espace, les aide à renouer avec le monde, à retrouver un peu d’élan. L’équipe qui l’anime est de celles qui tentent de résister autant qu’elles peuvent au délabrement et à la déshumanisation de la psychiatrie. Ce film nous invite à monter à son bord pour aller à la rencontre des patients et soignants qui en inventent jour après jour le quotidien.

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