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"Sale temps à l'hôtel El Royale" : un thriller aussi sombre qu'efficace

Tarantino vous manque ? Drew Goddard est candidat à la relève ! Pour son deuxième long-métrage, le réalisateur a voulu frapper fort avec un thriller d'une violence assumée et d'une originalité surprenante, où se rencontrent des personnages aux passés aussi troubles qu’inattendus.
Article rédigé par Jules Boudier
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Chris Hemsworth dans "Sale temps à l'Hôtel El Royale".
 (Twentieth Century Fox)

L’hôtel El Royale avait connu son heure de gloire au début des années 60, à cheval sur la frontière entre la Californie et le Nevada. Mais en 1969 il est désert et tenu uniquement par un groom traumatisé et héroïnomane, quand débarquent plusieurs personnes éparses au passé trouble : un curé, un vendeur d’électroménagers, une chanteuse de soul désargentée et une jeune californienne délurée... Ça ressemble au casting d’une mauvaise blague. Mais leur rencontre fortuite, le temps d'une nuit pluvieuse, va plonger cet hôtel plein de mystères dans le chaos. 

Un huis-clos entre flamboyance et décadence

Si la reconstitution fidèle aux années 60 américaines est par trop soulignée, l'hôtel El Royale, isolé du reste du monde et plein de secrets, est un décor raccord pour un huis-clos fatal. Tout au long du film, impossible de ne pas penser à l'Overlook Hotel de "Shining" de Stanley Kubrick, en voyant ces personnages coincés par la météo et des voitures sabotées. Dans cet environnement claustrophobe et inquiétant, Drew Goddard nous sert un chassé-croisé ahurissant grâce à des plans séquence brillants, le tout rythmé par une B.O soigneusement choisie. On peut lui reprocher néanmoins une temporalité étirée, où le cinéaste expérimente... un peu trop, ce qui a tendance à relâcher la tension.
John Hamm, Jeff Bridges et Cynthia Erivo se retrouvent dans le lobby du El Royale dans "Sale temps à l'hôtel El Royale".
 (Twentieth Century Fox)
Au fil de l'action, les passés des hôtes du El Royale sont révélés un par un, comme les cartes d'un jeu de poker. Dans une succession de flashbacks et une narration qui rappelle "Pulp Fiction" ou "Reservoir Dogs" de Quentin Tarantino, Goddard dévoile leurs parcours. et nous rappelle que les apparences peuvent être trompeuses. Autant vous prévenir, les personnages que vous découvrirez à l'entrée ne seront plus forcément les mêmes à la sortie.

Un casting d'élite

S’il y a bien un point sur lequel "Sale temps à l’hôtel El Royale" brille, c’est bien le casting. D’un côté, une élite d’acteurs chevronnés comme John Hamm ("Mad Men"), Jeff Bridges ("The Big Lebowski"), Chris Hemsworth ("Avengers") ou Dakota Johnson ("50 nuances de Grey"). De l’autre, de jeunes révélations du cinéma américain, comme Cynthia Erivo ("Les Veuves") et sa magnifique voix, ou Lewis Pullman ("Strangers : Prey at Night").
Un mélange équilibré et varié de talents à leur aise dans la peau de ces personnages complexes. Impossible d’ailleurs de ne pas souligner un Chris Hemsworth très charismatique dans le rôle du gourou manipulateur d’une secte hippie. A remarquer aussi, la courte mais intense apparition de Xavier Dolan dans le rôle d’un manager véreux, qui humilie une chanteuse, clin d'œil assumé à l'affaire Weinstein.

Portrait d'une Amérique décadente 

Guerre du Vietnam, Nixon sur la sellette, FBI corrompu... Drew Goddard nous propose au-délà d'un thriller jouissif une seconde lecture corrosive de l'actualité contemporaine en phase avec celle d'aujourd'hui. L'hôtel El Royale peut être vu comme l'émanation d'une Amérique en ruines derrière une façade clinquante, et ses hôtes comme l'incarnation de la décadence sociétale à la fin des années 60.  Pour Goddard, la déliquescence morale américaine perçue par certains dans la formule de Donald Trump "Make America great again" est un phénomène déjà présent bien avant lui.
Chris Hemsworth et Cailee Spaeny dans "Sale temps à l'hotel El Royale"
 (Twentieth Century Fox)
Au fil de l'action, le réalisateur ne cache pas de nombreuses références au racisme, à la misogynie, à l'horreur de la guerre et surtout au grégarisme d'une société américaine, prête à suivre n'importe quel gourou charismatique qui lui promet la salvation. Grégarisme incarné par le personnage de Billy Lee, jeune gourou au charme envoûtant qu'incarne Chris Hemsworth, qui profite de la vulnérabilité de ses suiveurs pour les soumettre aux pires atrocités. Encore un clin d'œil à l'Amérique de Trump ? En tout cas, on souhaite à Drew Goddard de continuer sur cette lancée, et de poursuivre dans le thriller qui lui va si bien.
Affiche officielle de "Sale temps à l'hôtel El Royale"
 (Twentieth Century Fox)

LA FICHE

Genre : Thriller / Drame
Réalisateur : Drew Goddard
Pays : Etats-Unis
Acteurs :  Chris Hemsworth, Jeff Bridges, Cynthia Erivo, John Hamm, Dakota Johnson
nterdit aux moins de 12 ans
Durée : 2h22
Sortie : 7 novembre 2018

Synopsis : Sept étrangers, chacun avec un secret à planquer, se retrouvent au El Royale sur les rives du lac Tahoe ; un hôtel miteux au lourd passé. Au cours d’une nuit fatidique, ils auront tous une dernière chance de se racheter… avant de prendre un aller simple pour l’enfer. 

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