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"Mise à mort du cerf sacré", film sophistiqué et alambiqué

Après "The Lobster", Prix du jury à Cannes en 2015, Yorgos Lanthimos retrouve Colin Farrell pour "Mise à mort du cerf sacré". Un beau casting le rejoint, Nicole Kidman et Alicia Silverstone en tête. Très sophistiqué, ce nouvel opus, un rien tordu, a reçu le Prix du scénario à Cannes. Il n'a toutefois pas suscité une entière adhésion.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"la Mise à mort du cerf sacré" : l'affiche (détail)
 (Haut et Court)

Symbolique

Yorgos Lanthimos a un truc avec les animaux. Après ses célibataires changés en bestioles dans "The Lobster" (le homard), il nous sert la "Mise à mort du cerf sacré". S’il y a bien mise à mort dans le film, point de cerf, mais du sacré, oui, sans doute aucun. Le cerf est un symbole primordial de l’animisme et des rituels chamaniques. Il est identifié au renouvellement de la nature en raison de la régénérescence de ses bois. Universel, il a été christianisé dans le mythe de Saint-Hubert qui, voyant un cerf auréolé d’une croix au centre de ses bois, l’épargna de sa chasse, se convertit, devenant du même coup le patron des chasseurs.
Il est bien question de régénérescence dans "Mise à mort du cerf sacré", puisqu’un chirurgien ayant provoqué la mort de son patient par négligence, se voit acculé par un sort à sacrifier son fils pour sauvegarder sa famille, sa fille et son épouse. Beau sujet, belle rhétorique. Mais un scénario bancal, à la construction alambiquée, à la sophistication excessive, nourrit un film qui n’a pas assez de bois à fendre.
Nicole Kidman et Colin Farrell dans "Mise à mort du cerf sacré" de Yorgos Lanthimos
 (Haut et Court)

Cache-misère

De la belle image, Yorgos Lanthimos sait faire. Même son ouverture, peu ragoutante, sur une opération à cœur ouvert en gros plan, savamment sonorisée, viscères suintant de sucs organiques et chairs écartelées à l’appui, relève d’un parti pris esthétique défendable. Le personnage principal est un chirurgien cardiologue et c’est la vie de son fils qui est au cœur du film. Le procédé n’en demeure pas moins superfétatoire, sinon esthétisant, ce que confirmera la suite. Nicole Kidman entourée de fleurs rouges-sang dans son jardin nocturne, travellings répétitifs, avant et arrière, à la Kubrick ("Shining")... L’utilisation de la musique est par ailleurs plaquée sur la même référence "kubrickienne", très angoissante, atonale, dissonante, et demeure l’atout majeur du film.
Barry Keoghan dans "Mise à mort du cerf sacré" de Yorgos Lanthimos
 (Haut et Court)
Mais c’est dans la construction du film que le bât blesse. Il n’est pas mauvais que le sortilège jeté par le fils du défunt (Barry Keoghan, inquiétant à souhait) reste mystérieux. Il n’empêche que l’ellipse est de taille et diluée dans une sous intrigue cache-misère. A vouloir trop en faire sans trop en dire, Yorgos Lanthimos s’emmêle les pinceaux en perdant l’essentiel de son propos. Il devient impératif de le rattraper vite, parce qu’il faut bien conclure en revenant au fondamental : la rédemption d’un chirurgien culpabilisé pour avoir raté une opération sous l’emprise de l’alcool. C’est son fils qui va trinquer, on le sait depuis le début, ce qui élague tout suspense. Tout ça pour ça ? On est peu de chose.
"Mise à mort du cerf sacré" : l'affiche
 (DR)

LA FICHE

Genre : Thriller fantastique
Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Pays : Royaume-Uni
Acteurs : Colin Farrell, Nicole Kidman, Alicia Silverstone, Raffey Cassidy, Barry Keoghan
Durée : 1h49

Synopsis : Un brillant chirurgien prend sous son aile un jeune adolescent. Dans un premier temps, ce dernier s’immisce au sein de cette famille et en perturbe progressivement le quotidien. Il devient de plus en plus inquiétant, menaçant. Une seule issue possible : un impensable sacrifice.

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