"Le Théorème de Marguerite" : Jean-Pierre Darroussin et Ella Rumpf dans la folie créatrice des maths

Le nouveau film d'Anna Novion plonge le spectateur dans une enquête intime au cœur de la recherche mathématique. Une formule qui fonctionne, portée par la comédienne Ella Rumpf.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Ella Rumpf dans "Le théorème de Marguerite" réalisé par Anna Novion (Pyramide Films)

Si vous êtes allergique aux mathématiques, ne fuyez pas. Le Théorème de Marguerite, le nouveau long métrage d'Anna Novion qui sort en salles mercredi 1er novembre, est bien plus qu'une longue démonstration rébarbative noyée sous les chiffres. Effacez de vos mémoires les douloureux souvenirs de Pythagore et Thalès, il se pourrait que les maths se révèlent aussi sous un jour artistique et ludique.

En suivant le parcours d'une étudiante en thèse de mathématiques à Normal Sup, le film présenté au dernier Festival de Cannes propose une incursion approfondie dans ce milieu très fermé. De la chute à la renaissance d'une chercheuse, de l'intangible aux lignes qui se courbent, le portrait de cette étudiante, campée par la lumineuse Ella Rumpf, est une belle découverte pleine d'émotions.

"La mathématicienne en chaussons"

Le visage diaphane, le front baissé et le regard déterminé, Marguerite n'a pas le temps de s'amuser. Aussi désuète que son prénom, Marguerite n'a qu'une seule obsession : présenter sa thèse devant le jury d'experts de Normale Sup. Car Marguerite est brillante, elle bûche depuis trois ans, et même depuis son enfance, sur la conjecture de Goldbach. Une pyramide mystérieuse qui s'avère être l’un des plus vieux problèmes non résolus de la théorie des nombres et des mathématiques.

Surnommée par ses pairs la "mathématicienne en chaussons", Marguerite est, malgré elle, la star des amphis. Seule fille dans ce milieu essentiellement masculin, elle intrigue autant qu'elle impressionne. "Un don", comme le qualifie sa mère (Clotilde Coureau) qui fait aussi la fierté de son directeur de thèse incarné par Jean-Pierre Darroussin, très juste dans le rôle du mentor. Lorsqu'une journaliste l'interroge sur cette folle passion pour les mathématiques, c'est bien embarrassée de ses mains qu'elle répond : "Je ne pourrais pas vivre sans." Le cadre est donné, mais l'équilibre est fragile et la pression est forte. L'arrivée d'un nouvel étudiant aussi doué qu'elle (Julien Frison, de la Comédie-Française) va la déstabiliser. Tout bascule lors de sa présentation. Une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre.

Les maths comme outil créatif

Violente descente vers les abîmes. Marguerite va devoir composer avec un registre qui lui est jusqu'alors inconnu. Pas facile pour cette tête bien faite qui voit tout sous un angle arithmétique mais qui n'est pas douée pour les relations sociales ou amoureuses. La comédienne Ella Rumpf, découverte dans Grave de Julie Ducourneau, investit avec justesse un tout autre registre. Beaucoup plus doux en apparence mais à l'intérieur c'est un bouillonnement incessant qui confine à la folie. Son directeur de thèse a beau lui répéter qu'"il faut créer, faire un pas de côté pour faire évoluer les mathématiques"...

Ella Rumpf dans "Le théorème de Marguerite" (Pyramide Films)

C'est en acceptant sa chute et l'erreur que l'étudiante va croiser d'autres univers très éloignés du sien. Il y a d'abord Noa, sa colocataire, superbe Sonia Bonny qui illumine l'image par sa sensualité solaire, des joueurs de Mahjong dans une arrière-boutique du quartier chinois de Paris, des soirées en boîte de nuit, une rencontre avec un inconnu.

Petit à petit, Marguerite revient au monde. Sa posture se redresse, le regard s'éclaire avec d'autres enjeux que de mettre de l'ordre dans l'infini. La création est en marche et la mise en scène d'Anna Novion le souligne. Au départ très géométrique, le cadre s'illumine au fur et à mesure de l'épanouissement de Marguerite. "Je me suis rendu compte qu’il y avait un vrai parallèle à faire entre les mathématiques et la création artistique. Ce qui relie les mathématiques et la réalisation, c’est le risque et la passion qui font que nous sommes parfois prêts à travailler des années sans savoir si notre travail va trouver une issue. C’est un film très personnel qui évoque mon rapport à la création", confie la cinéaste. Et on se surprend à s'émouvoir devant une formule mathématique, un pari réussi qui donne presque envie de retourner sur les bancs de l'école.

L'affiche du film "Le théorème de Marguerite" d'Anna Novion; (BEAUVOIR FILMS)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur :  Anna Novion
Acteurs : Ella Rumpf, Jean-Pierre Darroussin, Clotilde Courau, Julien Frison, Sonia Bonny
Pays : France, Suisse
Durée : 1h52
Sortie : 1er novembre 2023
Distributeur : Pyramide Distribution
Synopsis : L'avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l'ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

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