"Le Principal" : Chad Chenouga et Roschdy Zem jouent avec nos nerfs dans un collège
Roschdy Zem est "Le Principal", le dernier long métrage de Chad Chenouga. Et il est magistral dans la peau d'un homme dont l'on se demande si les agissements sont motivés par l'amour ou l'ego. Une certitude : Sabri Lahlali, principal adjoint d’un collège en attente d'être promu à l'échelon supérieur, a peur de voir son monde s'écrouler. Au propre comme au figuré, il court pour fuir l’échec incarné par son frère Saïd (Hedi Bouchenafa), handicapé par des troubles psychologiques. Sabri prend d'ailleurs grand soin d'éloigner de son oncle son fils, Naël (Jibril Bhira), qui passe le brevet dans l'établissement qu'il co-dirige
Son ex-compagne Noémie (Marina Hands), dont il est divorcé et avec qui il assure la garde partagée de l'adolescent, est également enseignante dans le collège de ce quartier où Sabri a grandi et a tout fait pour s'extraire des barres d'immeubles. Car ses origines et les préjugés qui y sont associés l'obsèdent : un trait de caractère qui transparaît quand il s'adresse, par exemple, à une adolescente récalcitrante qu'il veut sauver d'elle-même. Dans ce collège, devenu un microcosme, toute sa famille est ainsi réunie dans une atmosphère pour le moins tendue. L'organisation de l'épreuve du brevet, pour lequel il trouve que Naël ne s'est pas assez préparé, va aspirer Sabri. Bien au-delà de ce qu'il aurait imaginé.
Un homme en panique
Entre la rigidité du personnage, qui lui est d'ailleurs reproché par son entourage et ses collègues, et la quête effrénée de réussite à laquelle l'éducateur aspire pour son rejeton, Chad Chenouga met en place le cadre idéal pour organiser la chute inexorable de son héros. Le Principal est inspiré d'une histoire vraie. Celle d'un homme qui avait déjà tout pour réussir et qui s'est, semble-t-il, montré un peu trop gourmand. Si les enjeux du film sont connus dès les premières minutes, c'est la façon dont l'étau se resserre sur Sabri qui est formidablement construit et décrit par le réalisateur. La succession des évènements et le jeu à l'économie de Roschdy Zem sont porteurs d'une tension qui ne perd jamais en intensité, quand bien même l'évolution de l'intrigue pourrait le permettre. Comme Sabri, empêtré dans ses principes et convictions, le spectateur a toujours la boule au ventre. D'autant que Roschdy Zem réussit à faire de ce personnage fermé, un livre ouvert pour le spectateur. L'acteur, dont le jeu est exceptionnel, fait de cet individu − rempli de contradictions, très présent malgré tout pour son frère et soucieux de reconquérir sa femme−, un être très attachant.
Dans la même optique, la relation ambigüe que l'homme entretien avec sa supérieure hiérarchique proche de la retraite, Estelle (Yolande Moreau), apparaît comme une fenêtre sur la psyché de Sabri. En partageant leurs dernières découvertes littéraires, ils se découvrent un peu. "J’ai inventé un Sabri qui n’existe pas", lui lancera-t-elle, au moment où il est certainement le plus fragile. Il n'aurait rien du personnage romanesque qu'elle avait imaginé. Sabri serait finalement, comme tout le monde, très humain. Le Principal est une sublime incursion dans cette humanité vacillante.
La fiche
Genre : drame
Réalisateur : Chad Chenouga
Acteurs : Roschdy Zem, Yolande Moreau et Marina Hands, Hedi Bouchenafa et Jibril Bhira
Pays : France
Durée : 1h22
Sortie : 10 mai 2023
Distributeur : Le Pacte
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.