"Le Déserteur" : une parabole désabusée mais poétique sur la cruauté humaine
Le quatrième film de Maxime Giroux décrit la quête de bienveillance d'un Candide des temps modernes : un déserteur qui fuit une guerre qu'on ne voit pas. Sa quête sera, elle, perpétuellement mise en échec.
Après le remarqué Félix et Meira, une histoire d'amour contrariée et ancrée dans la réalité, le Québécois Maxime Giroux revient avec une quatrième réalisation. Le Déserteur, sélectionné au Festival de Toronto en 2018, sort ce mercredi 21 août.
Conte métaphorique sans vraisemblance
Dans le film, une guerre, qu'on ne verra jamais, a éclaté. Philippe a fui Montréal pour échapper à la mobilisation, et tente de trouver son chemin dans les grands espaces américains. Saltimbanque des temps modernes, il se déguise en Charlie Chaplin et survit en gagnant des concours d'imitation. Tel un nouveau Candide, le bienveillant Philippe enchaîne les rencontres, mais se retrouve pris au piège par des personnages plus étranges les uns que les autres.
Abandonnez la vraisemblance, Le Déserteur est une fable, un conte métaphorique. Une alerte lancée à l'humanité contre ses dérives. Le film est teinté d'un sentiment d'étrangeté permanente, et est hanté de personnages énigmatiques. Comme cette femme que sa "propriétaire" considère comme un chien, ou cet ancien petit voyou devenu fanatique et trafiquant d'organes (Romain Duris, plein de rage).
Tableau de la cruauté humaine
Naviguant entre ces personnages, Philippe (interprété par un excellent Martin Dubreuil, tout en nuances) tente de trouver sa voie dans les plaines du Midwest, en essayant d'échapper à la cruauté de ses semblables. Un voeu qui restera pieux. Il se fait ainsi chasser comme du vulgaire gibier, et est plus tard fait prisonnier jusqu'au cou dans de la boue. En dépeignant l'homme comme un idéaliste naïf, Maxime Giroux rend d'autant plus palpable la violence sans mesure ni raison à laquelle Philippe est confronté.
Le Déserteur sonne comme une réponse au Dictateur, chef-d'oeuvre de Charlie Chaplin auquel il se réfère explicitement. Au tout début du film de Maxime Giroux, le personnage de Philippe répète avant son concours d'imitation. Le texte en question est le discours de fin du Dictateur : "Nous voulons nous aider les uns les autres, les êtres humains sont ainsi faits. Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur."
La fin de l'idéal altruiste
Cet idéalisme du personnage est pourtant constamment mis en échec. Symboliquement, Philippe n'est qu'une imitation de l'optimiste Chaplin. Et dans la pratique, aucun personnage n'aidera réellement l'homme de tout le film, mettant fin à son beau rêve altruiste. La guerre a transformé les hommes.
Pire, cet altruisme fantasmé est moqué par les autres personnages, qui surnomment Philippe "Chaplin". Celui-ci est prisonnier de son déguisement, puis de la boue, alors même que sa quête principale en tant que déserteur est la liberté.
Prophétie pessimiste et moderne
Maxime Giroux transmet cette sensation d'emprisonnement par sa mise en scène léchée, et ses plans très étroits et presque toujours cloisonnés (soit par des wagons, des montagnes, des murs...), focalisant son cadre sur les personnages. L'environnement est souvent totalement flou, donnant un sentiment d'égarement très à propos.
Plus que simplement métaphorique, le récit se présente comme une parabole. Le Déserteur empreinte à la Bible son caractère surnaturel et sa dimension prophétique. Le film s'oppose pourtant au Livre sacré par son pessimisme permanent, et se place en prophétie diablement moderne. L'espoir en l'Humanité n'y est plus permis.
La Fiche
Genre : Drame, Thriller
Réalisateur : Maxime Giroux
Acteurs : Martin Dubreuil, Romain Duris, Sarah Gadon, Reda Kateb, Soko
Pays : Canada
Durée : 1h34
Sortie : 21 août 2019
Distributeur : Ligne 7
Synopsis : Quelque part dans le monde, une guerre fait rage. Terrifié à l’idée d’être mobilisé, Philippe a fui Montréal pour se réfugier dans un Ouest américain aussi sauvage qu’hypnotisant. Il vit tant bien que mal de concours d'imitation de Charlie Chaplin. Mais la cruauté de l’humanité ne se limite pas aux champs de bataille, et Philippe ne va pas tarder à découvrir la face obscure du rêve américain.
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