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"La crème de la crème" : le microcosme des grandes écoles passé à la moulinette

L'affiche de "La Crème de la crème" semble nous préparer à une sorte de "Project X" à la française. Pas du tout. Le film de Kim Chapiron, fautif d'un médiocre "Sheitan", film fantastique, et de "Dog Pround", un thriller, se révèle une étude de mœurs assez fine et réjouissante sur une jeunesse privilégiée, les différences de classes, et la vie prise comme un supermarché : malin et bien vu.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Thomas Blumentahal, Alice isaaz et Jean-Baptiste Lafarge dans "La cème de la crème" de Kim Chapiron
 (Wild Bunch Distribution )

De Kim Chapiron, avec Thomas Blumenthal, Alice Isaaz, Jean-Baptiste Lafarge, Karim Ait M'Hand, Marine Sainsily, Marianne Denicourt - 1h30 - Sortie : 2 avril 2014

Synopsis : Dan, Kelliah et Louis sont trois étudiants d'une des meilleures écoles de commerce de France. Ils sont formés pour devenir l’élite de demain et sont bien décidés à passer rapidement de la théorie à la pratique. Alors que les lois du marché semblent s’appliquer jusqu’aux relations entre garçons et filles, ils vont transformer leur campus en lieu d’étude et d’expérimentation. La crème de la crème de la jeunesse française s'amuse et profite pleinement de ses privilèges : tout se vend car tout s’achète… mais dans quelle limite ?

Lutte de classes
La première scène plante le décor : un amphithéâtre d’université. Tout étudiant mettant pour la première fois les pieds dans un "amphi", s’en souvient. Ici, c’est Kelly (Alice Isaaz), fraîchement débarquée de sa région et qui observe. Elle écoute le discours du "prof", et jauge sa "promo", avec les anciens, bien installés et tout-puissants. Elle a déjà tout compris, et va comprendre plus encore. Fille de commerçants modestes, elle n’est pas la bienvenue dans ce milieu de nantis, mais elle va se les faire, en inventant un système qui va mettre en pratique ce qu’on leur enseigne : le profit basé sur un marché en puissance. Le sexe.

Alliée à deux congénères, comme elle dans une faculté de commerce, tous les trois vont mettre en place un réseau de prostitution fondé sur la réputation que leurs clients vont tirer de leur "conquêtes". Tout est affaire de cote, comme à la bourse : Kelly et ses deux copains ne font que mettre en pratique ce qu’on leur enseigne. La réussite de Kim Chapiron est d’abord de bien mettre en perspective cette "lutte des classes" dans l’enceinte universitaire entre étudiants installés, pour la plupart de "bonne famille", et ceux issus de nulle part. La seconde est de montrer l’envers du décor des grandes écoles, ses excès, notamment en alcool, et en fêtes. Comme dit l’un des étudiants : "Nous ne sommes pas là pour avoir un diplôme, mais pour se créer un réseau".

"La crème de la crème" de Kim Chapiron
 (Wild Bunch Distribution )

Cerise sur le gâteau
Le décryptage de "La Crème de la crème" est efficace. Avec de jeunes acteurs parfaitement au point, Kim Chapiron met en scène la démonstration d’un système bien rôdé qui se mord la queue. Comme ils le disent, Kelly, Jaffar, Dan et Louis, ne font que mettre en pratique ce qu’on leur enseigne, dans un domaine "border line", certes, mais cohérent. Ce jeu de miroir est la belle trouvaille du film, bien orchestrée du début à la fin, en nous faisant pénétrer un monde ramassé sur lui-même et clos.

La réalisation colle à son sujet, car c’est lui qui domine, sur un scénario original de Kim Chapiron et Noé Debre. Rythmé, pêchu même, plein d’humour, sans ignorer le suspense, le film est porté par des personnages qui orchestrent le jeu. Il met à plat en même temps les influences qui se jouent dans les universités, avec leurs clubs et têtes de fil. Instructif sur un milieu fermé et très distrayant par maints aspects, "La Crème de la crème" est comme une cerise sur le gâteau des sorties de la semaine.

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