Hafsia Herzi à l'affiche du "Ravissement" d'Iris Kaltenbäck : "Sa manière de parler du jeu, de la direction d’acteurs m’a convaincue"

Dans son dernier film, Hafsia Herzi incarne une jeune femme qui se noie dans la solitude et se laisse emporter par le fantasme d'un nouvel amour. Entretien avec la comédienne, stupéfiante dans "Le Ravissement".
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5 min
La comédienne Hafsia Herzi, le 2 octobre 2023, à Paris, lors de la promotion de son film "Le Ravissement". (PIERRE GALUFFO)

Comment et pourquoi la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle basculé ? Dans Le Ravissement, en salles mercredi 11 octobre, Iris Kaltenbäck revient sur les événements qui l'ont conduite à commettre un geste fou. La comédienne Hafsia Herzi, qui incarne le personnage, livre une véritable performance en rendant compte des failles de cette femme assoiffée d'amour.

Franceinfo Culture : Iris Kaltenbäck confie que quand elle a voulu vous expliquer les contours du personnage de Lydia, que vous incarnez dans son premier film "Le Ravissement", vous lui avez dit que ce n’était pas nécessaire parce que vous la compreniez très bien. Qu’aviez-vous compris d’elle ?

Hafsia Herzi : Il faut déjà dire que je n’aime pas trop intellectualiser les personnages. Ce qui compte, c’est l’émotion, ce qu'on ressent quand on filme. Je me suis mise à la place de Lydia. J’ai essayé de comprendre, sans la juger, pourquoi elle va jusqu’au bout de son geste. J'ai essayé de m'inspirer de toutes ces personnes qui commettent l’irréparable. Elles sont souvent discrètes. On ne les voit pas venir, comme un enfant qui s’apprête à faire une bêtise. Ce qui m'intéressait, c'est ce côté un peu mystérieux. J'ai essayé d’en dire le moins possible, de ne pas être trop expressive et de ne pas trop laisser deviner ce qu’elle ressent. Le personnage de Lydia est en mal d’amour. Elle a envie d’aimer et d’être aimée. Elle est très intense dans son travail, dans ses émotions, mais elle ne parle pas de son mal-être, de sa séparation à laquelle on assiste plus tôt dans le film. Ce n’est pas réglé et cela va se répercuter dans tout ce qui va se passer après. Elle n’est pas soignée intérieurement de cette rupture amoureuse. Plusieurs blessures finissent par se mélanger, et à un moment, Lydia va vraiment se perdre. Elle essaie, à plusieurs reprises de dire la vérité, mais elle n’y arrive pas. C’est aussi cela qui m’a touchée.

Vous êtes maman. Quel est votre rapport à la maternité ? Et qu’avez-vous appris en endossant ce personnage de sage-femme dont le travail est décrit à travers des séquences qui relèvent du documentaire ?

Nous avons d'ailleurs commencé par cette partie documentaire. Mon fils avait un an et demi. J’ai eu une césarienne programmée parce qu'il était un peu costaud et, pendant longtemps, j’ai rêvé d'un accouchement naturel. Mais quand j’ai vu ce que c’était, ça m’a réconciliée avec ce que j'avais vécu. C'est impressionnant et, en même temps, c'est la nature. Le corps de la femme est d’une puissance incroyable. Respect pour toutes ces femmes qui passent par là et qui arrivent à le surmonter parce que c’est "waouh". Je n’ai rien senti pour ce qui est des contractions. Mais après la césarienne, ça a été atroce, une douleur comme si j'avais la jambe coupée. C’était horrible mais voir accoucher par voie basse m’a impressionnée. À un moment, dans le film, on me voit accompagner une dame qui va accoucher et qui a gentiment accepté que je vienne l’aider à pousser. Il fallait que je sois concentrée parce que je savais évidemment qu’on n'allait pas lui demander de le refaire. Et j’ai vu un enfant sortir en direct. Quand j’ai vu la tête, j’étais choquée parce que c’était incroyable. On ne le voit pas à l'écran mais j'ai tourné la tête.

Dans un de vos entretiens, vous évoquiez la direction d’acteurs dans le cinéma français. Vous disiez que les comédiens étaient souvent laissés à eux-mêmes. Vous êtes-vous sentie dirigée dans Le Ravissement ?

Bien sûr ! Iris nous accompagnait. Elle nous demandait de faire des propositions. Elle dirige beaucoup. C’est mieux que quelqu’un qui vous laisse vous débrouiller. Il y en a plein... J’ai accepté le rôle parce que lors de nos échanges, elle m’a tout de suite parlé du jeu. Iris m’a dit que c'est ce qui compte pour elle, les émotions, alors qu’il y a des metteurs en scène qui renoncent à une prise parce que la lumière est plus belle dans une autre où l'émotion est pourtant là. Ce n'est pas une vision que je partage. La manière d'Iris de parler du jeu, de la direction d’acteurs m’a convaincue en plus du côté documentaire. J’adore l'imprévu, même si j'aime aussi l’organisation. On filme et on voit ce qu’il se passe et, là, nous étions au cœur de l’action.

Quand vous êtes passée à la réalisation, qu'est-ce qui vous a motivée ? C'était une façon de prendre le pouvoir sur l’artistique...

J'ai toujours voulu filmer les gens, réaliser, écrire, raconter mes histoires et donner mon point de vue sur les choses. Je voulais aussi évoluer artistiquement parce que je n’avais pas envie d'être l'actrice qui attend et qui dépend du désir des autres. J'ai voulu prendre les devants. C'est bien de créer, même si j'adore jouer. C'est difficile mais c'est moins dur que la réalisation. J’aime le défi que l'exercice représente et ça m’a beaucoup apporté pour le jeu. D’être devant et derrière la caméra m'a appris qu’il faut aider la technique. Quand j’ai commencé à jouer, je n’avais pas fait d’école donc je ne comprenais pas tout. Maintenant, je sais que chaque prise est importante, chaque moment, chaque son, que tout peut sauver une scène et qu’il faut être à fond.

Vous êtes jeune mais avez déjà une longue carrière derrière vous. Le cinéma français vous traite-t-il bien, Hafsia Herzi ?

J’ai grandi avec le cinéma. J'ai la chance d'avoir eu de beaux rôles et d’être mise en valeur comme dans Le Ravissement. Parfois, je n'ai pas été bien traitée. Je vois des films et je me dis "non, là vraiment, on s’est moqué de moi (rires)". "Je me suis concentrée 24 heures et, au final, on ne me voit pas. On me voit mal ou je suis floue" (rires). Cela me mettait très en colère au début. Cela a d'ailleurs contribué à mon désir de mettre en scène. Je me rappelle qu'une fois, et c'était marrant, je me suis dit franchement "c'est une réalisation raciste". Sinon, j’ai de la chance de travailler avec de bons acteurs, de bons metteurs en scène et de faire de belles rencontres. Des amitiés sont nées et c'est très important. Aujourd'hui, il y a même des metteurs en scène avec qui j'ai travaillé, à qui je fais lire les scénarios que j'écris pour avoir des avis.

Qu’est-ce qui vous tient à cœur en ce moment ?

J’aimerais réaliser un troisième film. J’ai un projet en cours de financement. C’est un peu de stress mais j’adore. C’est comme écrire des scénarios, c’est dur mais j’adore le faire.

"Le Ravissement" d'Iris Kaltenbäck, en salles mercredi 11 octobre.

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