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[DEAUVILLE] "Magic in the Moonlight" : la baguette magique de Woody Allen

Quel meilleur choix qu’un nouveau Woody Allen pour ouvrir le 40e Festival du cinema américain de Deauville ? La mariée est trop belle. Surtout quand il s’agit de "Magic in the Moonlight", bijou de comédie située sur la Côte d’Azur dans les années 20, avec un scénario et des dialogues ciselés, des images magnifiques : de la très belle ouvrage.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Colin Firth et Emma Stone dans "Magic in the moonlight".
 (DR)
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

De Woody Allen (Etats-Unis). Avec Colin Firth, Emma Stone, Eileen Atkins, Marcia Gay Harden - 1h38 - Sortie : 22 octobre 2014

Synopsis : le prestidigitateur chinois Wei Ling Soo est le plus célèbre magicien de son époque, mais rares sont ceux à savoir qu'il s'agit en réalité du nom de scène de Stanley Crawford. Cet Anglais arrogant et grognon a une très haute estime de lui-même, mais ne supporte pas les soi-disant médiums qui prétendent prédire l'avenir. Se laissant convaincre par son fidèle ami Howard Burkan, Stanley se rend chez les Catledge qui possèdent une somptueuse propriété sur la Côte d'Azur. Il se fait passer pour un homme d'affaires, du nom de Stanley Taplinger, dans le but de confondre la jeune et ravissante Sophie Baker qui séjourne chez les Catledge avec sa mère.

L'âge d’or
Pour le réalisateur new-yorkais, les années 20 apparaissent tel un âge d’or. Il aime tant la musique de cette époque qu’il a créé son propre jazz band avec lequel il joue régulièrement dans sa chère ville et à travers le monde, s’étant même produit à l’Olympia à Paris. La musique du film est d'ailleurs du même cru. Ce sentiment se reflète dans la magnifique photographie mordorée de Darius Khondji, qui a travaillé sur les derniers films de Woody Allen, mais aussi avec James Gray, Michael Haneke, Stephen Frears, Wong Kar Wai, Roman Polanski, Jean-Pierre Jeunet… Un grand.

Les costumes, les décors, les accessoires composent un hymne à cette époque fascinante aux yeux du cinéaste et à laquelle il rend un véritable hommage. Hommage qui se traduit également dans l’écriture d’une comédie légère, mais pleine de verve et au sous-texte rempli de richesses sur la psychologie d’un misanthrope imbu de lui-même. Venu pour démasquer une prétendue médium, c’est elle qui va le débusquer. Stanley Crawford (Colin Firth) voit toujours le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Bourré de convictions, personne ne peut prétendre à déroger à sa science. Une jeunette américaine de 19 ans (une lumineuse Emma Stone), quasiment inculte, va le mettre face à son arrogance toute britannique.

Emma Stone et marcia Gay Harden dans "Magic in the Moonlight" de Woody Allen
 (Gravier Productions)
Magic Woody
Le ton et l’écriture de cette comédie, qui peut être qualifiée de romantique, renvoient eux-mêmes aux années 20 et ne sont pas sans rappeler Sacha Guitry. Le film se déroulant en France dans un milieu des plus bourgeois, l’analogie est des plus probantes. Les deux auteurs aiment la belle langue et les dialogues peaufinés, les mêmes écrivent et réalisent leurs films, ceci confirme cela. On pense également au Jean Renoir de "La Règle du jeu".

En psychodrames de l’amour, Woody Allen s’y connaît, une grande partie de ses films s’y consacrant. Autre fil rouge de sa filmographie : le surnaturel. Comme dans ; "Minuit à Paris" où un touriste américain remonte le temps ; l’hypnose du "Sortilège du scorpion de jade", "Alice", où Mia Farrow est sous l’emprise obsessionnelle d’une voyante ; "La Rose pourpre du Caire" où les acteurs d’un film sortent de l’écran pour se retrouver dans le réel… La représentation filmique du spectacle est également une constante. Ici, c’est la prestidigitation, sur laquelle s’ouvre le film. Cette "magie blanche" comme l’appelait l’immense Robert Houdin, repose sur l’illusion, thème au cœur de "Magic in the Moonlight". L’illusion comme spectacle (le cinéma repose aussi sur l’illusion de réalité et du mouvement due à la mémoire rétinienne), l’illusion comme outil manipulatoire, et l’illusion que l’on peut avoir sur soi-même. Les trois s’emmêlent dans ce merveilleux film, où la magie, métaphore du cinéma, opère à tous les niveaux. Woody Allen magicien ! 

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