"Armageddon Time" : James Gray se rappelle son enfance new yorkaise dans son film le plus intime
James Gray creuse son sujet de prédilection, la famille et la filiation, en évoquant ses souvenirs de jeunesse.
Reparti bredouille du Festival de Cannes, James Gray aurait mérité la Palme d’or pour Armageddon Time, sur les écrans le 9 novembre. Fidèle à la famille et la filiation qu'il traite dans chacun de ses films, il reconstitue ici ses souvenirs de jeunesse des années 80, teintés de racisme et d’inégalité. Gray y déploie son sens du récit et de la mise en scène, comme un des plus fins observateurs de la société américaine.
Famille je vous aime moi non plus
Dans les années 80 à New York, Paul, adolescent turbulent issu d’une famille modeste, change de collège et se retrouve dans un établissement huppé dont le père de Donald Trump, futur président des Etats-Unis, dirige le conseil d’administration. Paul est fidèle à son ami afro-américain Johnny, ce qui le fragilise aux yeux des élèves de la haute société new-yorkaise. Tous deux rêvent d’un avenir meilleur et commettent un larcin qui va bouleverser leur vie.
Auteur de tous ses scénarios, James Gray est un formidable conteur qui jusqu’ici usait du film de genre pour porter un regard sur la famille, sujet majeur du cinéma américain. Ses origines russo-ukrainiennes, issues d’une famille immigrée à New York en 1920, imprègnent tous ses films. Il est passé par le thriller (Little Odessa, The Yards, La Nuit nous appartient), le film d’amour (Two Lovers), le mélodrame (The Immigrant), le film d’aventure (The Lost City of Z), même la science-fiction (Ad Astra). Il se démarque avec Armageddon Time, aux dimensions plus intimes et sociales.
Trump en guest star
Si James Gray est reconnu pour la subtilité de ses scripts, elle se retrouve aussi dans sa cinématographie. Ses cadrages et lumières pleine d'ambiance, le rythme régulier et relancé du montage, mais aussi sa direction d’acteurs sont hors-pair. La palme revient ici à Anthony Hopkins qui campe un patriarche humaniste en fin de vie, un second rôle bouleversant. Excellent également, Jeremy Strong en père responsable qui cherche ses marques, parfois violent et repentant, alors qu’Anne Hathaway est une mère protectrice et empathique. Quant au jeune Banks Repeta, il est impressionnant de justesse dans son rôle d’adolescent en quête de sens et d’avenir. Jaylin Webb, son ami persécuté pour sa couleur de peau, ne l’est pas moins, et les deux copains évoquent ceux des Quatre-cents coups de François Truffaut, dont James Gray se réclame.
C’est un cas d’école qu’expose le réalisateur en invitant la dynastie Trump dans le tableau. La famille juive du film se sent persécutée et subit la première élection de Ronald Reagan comme une malédiction. Pourtant les parents du film placent leur fils dans un établissement géré par le père du futur président des Etats-Unis, à l’idéologie libérale encore plus radicale que Reagan. Son racisme patent est récurrent tout au long du film, tout comme la dénonciation du fossé grandissant entre riches et pauvres, un sujet tabou au pays du dollar, selon le réalisateur. James Gray qualifie d’Armageddon le temps de sa jeunesse. Nom de la bataille entre le bien et le mal à la fin des temps, le réalisateur la situe au quotidien dans un mélange de légèreté et de gravité, propre à une histoire de gosses. Magnifique.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : James Gray
Acteurs : Anne Hathaway, Jeremy Strong, Anthony Hopkins, Banks Repeta, Jaylin Webb,
Pays : Etats-Unis
Durée : 1h55
Sortie : 9 novembre 2022
Distributeur : Universal International Pictures France
Synopsis : Milieu des années 1980, le quartier du Queens à New York est sous l'hégémonie du promoteur immobilier Fred Trump, père de Donald Trump, le futur président des Etats-Unis. Un adolescent étudie au sein du lycée de Kew-Forest School dont le père Trump siège au conseil d'administration de l'école et dont Donald Trump est un ancien élève.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.