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Pour ou contre "11.6", avec François Cluzet ?

Philippe Godeau brosse le portrait de Toni Musulin, le convoyeur qui a réussi à s'envoler avec 11,6 millions d'euros. Le casse du siècle ?

Article rédigé par Léo Pajon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
François Cluzet, dans la peau du convoyeur de fonds Toni Musulin, compose un personnage subtil, ni héros, ni antihéros, dans "11.6" de Philippe Godeau, en salles le 3 avril 2013. (WILD BUNCH)

Un homme débarque dans un commissariat de Monaco : "Je suis Toni Musulin, je suis recherché par la police, je viens me rendre." La réceptionniste croit à une blague. Pourtant, le taiseux qui lui fait face est bien l'un des malfrats les plus recherchés du moment après avoir pris la fuite, le 5 novembre 2009, avec 11,6 millions d’euros à bord de son fourgon blindé. Pourquoi ce convoyeur de fonds ponctuel, consciencieux, a-t-il un jour basculé pour commettre un des délits les plus impressionnants de ce début de siècle ? C’est la question que pose Philippe Godeau dans 11.6, son deuxième film en tant que réalisateur après Le Dernier pour la route (avec, déjà, François Cluzet dans le premier rôle), en salles mercredi 3 avril. Mais la question valait-elle vraiment la peine d’être posée ?

Pour : un portrait sensible

Réaliser un long métrage sur Toni Musulin était une entreprise risquée. D’abord parce que l’on connaît la fin de l’aventure : la reddition du malfaiteur sert même d’introduction au film. Mais surtout parce qu’il s’agit de raconter l’histoire d’un homme apparemment sans histoires. Libre adaptation de l’ouvrage d’Alice Géraud-Arfi, Toni 11,6. Histoire du convoyeur, le film décrit un employé modèle, pas syndiqué, seulement un peu secret, radin. Bref, à mille lieues du personnage de Robin des Bois fantasmé par une partie du public.

Tout l’intérêt de 11.6 est de creuser avec subtilité les failles du personnage. Et d’abord ses frustrations. Comme il l’a déclaré lui-même, Toni Musulin a le sentiment d’être "un homme de première classe qui voyage en seconde". Dans l’ascenseur social, il est resté bloqué à la cave. Après "dix ans de boîte", le convoyeur, qui gagne 1 700 euros par mois, rêve de Ferrari… et circule à vélo. Il veut posséder plus, être plus. Musculation, UV, films de kung-fu (dont il connaît les répliques par cœur), Toni veut devenir un homme puissant. Mais le petit employé reste englué dans sa condition sociale. Enfermé dans un univers vert et gris, sous le rideau de la pluie, derrière les grilles de son entreprise ou dans l’espace exigu de son fourgon (qui annoncent son futur emprisonnement), méprisé par ses chefs, Toni étouffe. Et lorsqu’enfin, après des années d’économies, il réussit à s’offrir sa Ferrari, il réclame les points de fidélité quand il se rend à la station-service.

L’interprétation tout en retenue de François Cluzet est à la hauteur de ce portrait complexe. Son jeu va à l’économie. De légers haussements de sourcil, des demi-sourires suffisent à rendre son personnage aussi émouvant qu’authentique. A ses côtés, Bouli Lanners, en collègue simplet, et Corinne Masiero, en compagne déprimée, complètent une distribution remarquable.

A noter aussi, la bande-son sans fausses notes qui accompagne Toni dans ses errances. Les titres du petit prince danois de la sphère électro Anders Trentemoller, basses à fond, devraient plaire à ceux qui ont aimé la musique de Drive.

Contre : un petit goût d’inachevé

Le casse aurait pu être parfait. Mais Philippe Godeau se perd parfois un peu en route, et nous avec. Même s’il veut d’abord creuser le mystère de son personnage, le réalisateur est bien obligé de raconter le vol qui sert de point de départ à son film. Or les scènes d’action manquent de muscle et de rythme. D’autant que, connaissant dès le début le dénouement, on n'est jamais tenu en haleine par le récit, qui tente un peu maladroitement de loucher vers le polar. Autre pas de côté légèrement raté : l'histoire d'amour qui tombe sur le museau de Toni au milieu du film, mais qui n’est jamais vraiment développée. Pour la bonne raison qu'il reste encore de nombreuses zones d’ombre autour du personnage.

Même si l’équipe du film s’est énormément documentée et a pu interviewer collègues, amis et avocats de Toni Musulin, on a le sentiment qu’elle n’a pas réussi à élucider le mystère du convoyeur et ne nous donne pas tant de clés que ça pour le comprendre. Un peu frustrant lorsqu'arrive le générique de fin.

Faut-il y aller ?

Oui, si vous aimez les portraits subtils. Mais pas si vous espérez un thriller sur le casse du siècle ou des révélations sur son auteur.

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