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La réalisatrice Nelly Kaplan, icône de la Nouvelle Vague, est morte à 89 ans

Elle s'était fait connaître avec "La Fiancée du pirate", sélectionné à la Mostra de Venise en 1969.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
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La réalisatrice et écrivaine Nelly Kaplan, le 14 septembre 2010  (GINIES/SIPA)

Nelly Kaplan, réalisatrice de La Fiancée du Pirate (1969), écrivaine anarcho-féministe et icône de la Nouvelle Vague, est décédée jeudi matin du Covid-19 à l'âge de 89 ans dans un hôpital de Genève, a-t-on appris auprès de son entourage.

Selon un de ses proches, François Martinet, qui l'avait longuement interviewé pour les Cahiers du Cinéma, Nelly Kaplan avait accompagné son compagnon, l'acteur et producteur Claude Makowski à Genève où il est décédé en août de la maladie de Parkinson. Elle était depuis dans une maison de repos où elle a contracté le Covid-19, dont elle est décédée.

Nelly Kaplan est née à Buenos Aires (Argentine) le 11 avril 1931. Elle aura un passeport français en 1975. Ses arrière-grands-parents, juifs d'Odessa et de Kiev, s'étaient installés en Argentine, fuyant les pogroms. Le père est biochimiste, la mère chanteuse soprano. Face à cette enfant turbulente, sa mère "la colle au +Coliseo Palermo+, un grand cinéma de la ville où, toute la journée", elle regarde des films, fascinée. "Je voulais fuir cette société sud-américaine où être une fille équivalait à 'Sois gentille et tais-toi'", disait-elle avec un accent plein de charme. 

Les "belles rencontres"

Ses parents la laissent partir trois mois en France. Elle y passera sa vie. Elle embarque seule sur le "Claude-Bernard", arrive en 1953 au Havre, loue une chambre à Paris, rue de Seine, fréquente les cinés-clubs.

Puis sa vie bascule grâce à plusieurs "belles rencontres", comme elle l'a dit, avec autant d'hommes remarquables. En 1954, le cinéaste Abel Gance la repère à la Cinémathèque française. Il lui parle et n'en revient pas : une si jeune étrangère, maîtrisant encore mal le français, qui avait vu ses films ! Ils vivront, malgré leur différence d'âge, une relation professionnelle et amoureuse passionnée.

Peu après, le poète surréaliste Philippe Soupault l'aborde lors d'un vernissage. Lui aussi est épaté : elle a lu son recueil, Les Champs magnétiques. Il l'incitera plus tard à écrire en français.

André Breton, principal animateur du surréalisme, sera aussi l'ami de toute une vie. Il sera en 1961 la voix d'un film de la jeune femme sur le peintre Gustave Moreau. Un autre surréaliste, André Pieyre de Mandiargues, ainsi que Picasso (elle fera un film sur lui, Lion d'Or 67 à Venise) seront aussi des proches.            

Elle échangea avec presque tous de riches correspondances, celles avec Gance et Mandiargues ayant été publiées en 2008 et 2009.

"J'ai toujours été très libre"

Beauté singulière à la silhouette élancée et au regard malicieux, Nelly Kaplan ne devait jamais se marier. "J'ai toujours été très libre. Je ne me suis jamais accrochée à un homme et c'est sans doute ce qui devait les intriguer", disait-elle.            

A la fin des années 50, elle est première assistante d'Abel Gance qui tourne Austerlitz. En 1963, elle travaille à nouveau auprès de lui sur Cyrano et d'Artagnan.           

En 1965, elle publie un livre A la Source, la femme aimée, sur des dessins érotiques d'André Masson, son premier livre censuré. Elle affrontera à nouveau la censure en 1974, avec son roman Mémoires d'une liseuse de draps, écrit sous pseudonyme et édité par Jean-Jacques Pauvert.   

L'aventure de "La fiancée du pirate"

Puis c'est l'aventure de La fiancée du pirate. "23 producteurs l'ont refusé alors que nous avions l'avance sur recettes !", s'indignait-elle. Il est toutefois sélectionné à la Mostra de Venise.

Le 3 septembre 1969, il reçoit une standing ovation de dix minutes : le film, interdit aux moins de 18 ans à sa sortie, est lancé. Une certaine France est choquée, les féministes aussi, ne pouvant supporter la liberté de cette "sorcière" moderne, assumant son goût pour le plaisir, l'argent et la provocation.            

Parmi ses autres longs-métrages, figurent Néa (avec Sami Frey) ou Plaisir d'amour (avec Pierre Arditi), des films légers, hymnes à la vie gentiment licencieux. Elle était aussi l'auteur de nombreux scénarios pour la télé (dont Les mouettes en 1991), co-écrits avec son vieux complice Jean Chapot.

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