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Gros muscles, film porno et littérature française : la drôle de vie de Sylvester Stallone

L'acteur américain, à l'affiche d'"Expandables 3" qui sort mercredi, n'est pas qu'une montagne de muscles adepte des rôles décérébrés. Car derrière les gants de boxe et les mitrailleuses se cache un homme plus complexe.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Sylvester Stallone lors de l'avant-première du film "Expendables 3" à Cologne (Allemagne), le 6 août 2014.  (WILLI SCHNEIDER/REX/REX/SIPA / REX)

"J'aimerais que les gens arrêtent de penser que je suis Rocky et Rambo", a soupiré Sylvester Stallone, lors d'une interview sur TF1. A 68 ans, la vedette du film Expendables 3, qui sort sur les écrans mercredi 20 août, traine encore une réputation de gros bras décérébré, Reaganien et ultraconservateur. Rien n'est moins vrai. 

Gardien de dortoir, vendeur de hamburgers et acteur porno

Sylvester Stallone était prédestiné à jouer les gros bras au cinéma. Sa mère est promotrice de catch. Tout petit, ce natif de New York cache un costume de super-héros sous son uniforme d'écolier. Un jour, il se jette par la fenêtre, en imitant ses idoles. L'oreiller, dont il s'est muni, ne suffit pas à amortir sa chute : clavicule cassée. Le petit "Sly" est intenable : il change régulièrement d'école, avant d'atterrir en Suisse, au collège américain.

Stallone ne se distingue pas particulièrement en classe, hormis par son sens du business. Il s'associe à un camarade prince d'Ethiopie pour lancer un stand de hamburgers devant son école. Et il arrondit ses fins de mois en faisant le gardien devant le dortoir des filles. En réalité, il monnaye surtout 2 francs suisses de l'heure pour les garçons désireux d'y faire un tour. "C'est comme ça que je me payais le billet d'avion du retour", raconte-t-il au New York Times (en anglais)

De retour aux Etats-Unis, Stallone débute au bas de l'échelle. Il fait des études de cinéma à Miami, mais c'est en nettoyant les cages des lions du zoo de New York qu'il gagne sa croûte. Il fait quelques apparitions à l'écran (dans un film de Woody Allen, un autre avec Robert Mitchum), à chaque fois quelques secondes, souvent sans texte. 

Pour gratter 200 dollars, il joue dans le film érotique The Party at Kitty and Stud. "J'étais fauché. J'ai dormi dans la gare routière de Port Authority [à New York] pendant trois semaines. J'ai lu dans une annonce qu'on cherchait un acteur pour 100 dollars par jour. Pour cette somme, j'aurais fait n'importe quoi", raconte-t-il dans le livre Total Film. The Party at Kitty and Stud ressortira quelques années plus tard, pour profiter du succès de Rocky, sous le titre The Italian Stallion (l'Etalon italien en VF, surnom du personnage de Rocky dans le film). Et pourtant, ce n'est même pas lui qui tournait les scènes de sexe.

Il vend son chien pour pouvoir jouer "Rocky"

Son incursion dans l'industrie du X ne lui permet pas d'améliorer sa situation. "A l'époque, j'habitais dans une chambre où je pouvais ouvrir la fenêtre, fermer la porte tout en restant assis sur le lit, se souvient Stallone dans une interview télévisée. J'avais peu de distractions, du coup, je travaillais le scénario de "Rocky" sans relâche." Ecrite en trois jours avec l'aide de plusieurs thermos de café, l'histoire séduit aussitôt les producteurs.

Hollywood veut bien acheter le scénario, mais pas confier à Stallone le rôle principal. Les enchères grimpent, mais il reste inflexible. Robert Redford veut le script, le rôle principal, et lui offre 360 000 dollars pour parvenir à ses fins, raconte The Dissolve (en anglais). Stallone, 100 dollars en banque, refuse. Pour survivre, il est obligé de vendre son chien 50 dollars "à une personne de petite taille". Finalement, United Artists lui achète son script vingt fois moins cher en lui donnant le rôle principal. Avec cet argent, Stallone souhaite racheter son chien. La transaction manque de se terminer en pugilat car le propriétaire "voulait vraiment se battre contre moi !", raconte Stallone au magazine ShortlistL'affaire se conclut moyennant 3 000 dollars et un petit rôle dans le film. 

Sylvester Stallone embrasse son chien sur le tournage du film "Rocky", en 1976.  ( GETTY IMAGES )

Jouer un boxeur catalogue vite Stallone au rayon des gros bras sans cervelle. Et pourtant. Lors de sa première interview au New York Times, il explique qu'il ne comprend pas qu'on puisse passer dix-huit ans sur un livre, comme Gustave Flaubert l'a fait pour Madame Bovary. "Le pire, c'est que le bouquin n'a jamais figuré sur la liste des best-sellers. En plus, ça a donné un mauvais film."

Un quart de siècle plus tard, il revient sur l'épisode : "Je blaguais !", confie-t-il au Los Angeles Times. C'est moins connu, mais Stallone a lu tout Balzac, et poursuit depuis quarante ans le rêve d'adapter la vie d'Edgar Allan Poe à l'écran. 

Un égo qui manque de le mettre K.-O.

La gloire lui monte très vite à la tête. "Le succès est la plus dangereuse des drogues", reconnait-il en 1982 dans le New York Magazine. Sur les tournages, interdiction de lui parler sauf s'il vous adresse la parole.

Poussé par ses rôles à forte teneur en testostérone, il se forge une image de macho. "Si macho veut dire que j'aime me sentir fort et mitrailler dans les bois, oui je suis un macho, explique-t-il au New York Times. Je ne pense pas que toutes les femmes rêvent que les hommes deviennent des libraires mous du poignet." Lors de chacun de ses films, il réécrit une partie de ses dialogues, n'hésitant pas à changer la fin si elle ne lui convient pas. En revanche, quand Kirk Douglas, qui devait jouer le rôle du colonel Trautman, propose de changer la fin du premier Rambo, en tuant le personnage principal, les choses se gâtent. "Sly", qui n'était que le onzième choix de la production pour interpréter John Rambo (loin derrière Dustin Hoffmann), obtient le départ de Kirk Douglas, qui dira des années après à Stallone : "Ma fin était bien meilleure."

Sylvester Stallone sur le tournage de "Rambo".  (NANA PRODUCTIONS/SIPA / SIPA)

Dans les années 1980, il enchaine cinq Rocky et trois Rambo, jusqu'à s'autocaricaturer. Soucieux de casser son image, il décide de se lancer dans la comédie. "J'étais persuadé que je pouvais faire un film en adaptant l'annuaire du téléphone, et que ça marcherait quand même !", se souvient Stallone.

Une terrible erreur. Un remake d'Oscar (oui, oui, le film avec Louis de Funès) et le cataclysmique Arrête ou ma mère va tirer achèvent de le ringardiser. "C'est un acteur formidable, qui a fait de très mauvais choix", résume le producteur Harvey Weinstein dans le New York Times en 1997. La traversée du désert dure quinze ans. Il enquille les direct to video (des films qui ne sortent pas au cinéma), lance un magazine masculin cheap, qui disparaît au bout de quatre numéros, et anime une émission de télé-réalité sur la boxe.

Divorce, peinture, étoile du cinéma

Il se distingue également dans la rubrique people, par son divorce express avec Brigitte Nielsen en 1987, puis par sa rupture via Fedex avec sa compagne suivante, le mannequin Jennifer Flavin. Une lettre manuscrite de six pages "un peu bâclée", dira-t-elle. Il finit tout de même par la reconquérir avant d'avoir trois enfants avec elle.

Ne cherchez pas de collection de mitraillettes chez Stallone : l'acteur avale ses céréales tous les matins en contemplant un miroir vénitien du XVIe siècle. Dans son salon, plusieurs toiles du peintre français William Bouguereau. La peinture est d'ailleurs la seconde passion de Sylvester Stallone, qui a eu l'honneur de plusieurs expositions en Russie, où certaines de ses toiles se sont vendues 50 000 dollars. 

Sylvester Stallone présente une de ses œuvres lors d'une exposition, à Miami (Floride), le 2 décembre 2009.  (JOHN PARRA / GETTY IMAGES NORD AMERICA)

Paradoxalement, il doit sa résurrection grâce au come-back de ses personnages emblématiques. Rocky 6 et Rambo 4 remportent un succès critique et populaire. Ajoutez à cela le carton de la série Expendables, et voilà Sylvester Stallone consacré comme l'unique acteur encore en vie à avoir été au moins une fois n°1 au box-office annuel pendant cinq décennies. De quoi lui permettre d'affronter l'avenir avec sérénité : "J'ai souvent fait le film de trop, ça ne m'inquiète plus."

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