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Deauville 2022 : quand le Festival du cinéma américain donne à voir les nouveaux visages de la précarité aux Etats-Unis

Deux films de la sélection du Festival de Deauville, tous deux réalisés par des femmes, "War Pony" et "Scrap", ont emmené les spectateurs au cœur de la précarité américaine, celle d'une réserve amérindienne du Dakota et celle de la Middle Class de la West Coast. Mais dans les deux cas, les victimes de la crise ne se résignent pas.

Article rédigé par Sabine Gorny - Envoyée spéciale au Festival de Deauville
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"War Pony" de Riley Keough et Gina Gammel. (FELIX CULPA)

Au troisième jour de la compétition officielle, les deux films en sélection, War Pony (réalisé par Riley Keough et Gina Gammel) et Scrap (réalisé par Vivian Kerr), ont transporté les spectateurs d’une réserve amérindienne du Dakota aux quartiers bourgeois de Los Angeles.

Un voyage au cœur d’une jeunesse gangrénée par la misère qui tente par tous les moyens de s’en sortir pour War Pony et de la précarité touchant aujourd’hui la classe moyenne pour Scrap. Des victimes de la crise qui ne se résignent pas. Deux premiers longs métrages réalisés par des femmes et chaleureusement applaudis par le public de Deauville.

"War Pony" ou l'art de la débrouille pour survivre 

A Cannes, en mai dernier, "War Pony" avait reçu le prix très mérité de la caméra d’or. Co-réalisé par l’actrice Riley Keough (la petite fille d’Elvis Presley), cette immersion au cœur de la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du sud sur les traces de deux adolescents contraints à la débrouille pour survivre, a touché également en plein cœur le public de Deauville. War Pony suit les destins entremêlés de deux jeunes garçons Lakotas venant de la réserve indienne : Matho, douze ans, rejeté par son père, et Bill, vingt-trois ans, sans emploi, papa immature.

La co-réalisatrice de "War Pony" Gina Gammel présentait son film le 5 septembre au CID de Deauville. (SABINE GORNY / FRANCEINFO CULTURE)

Deux marginaux qui tentent par tous les moyens de se sortir de la misère dans cette communauté abandonnée par les élites. Tout est bon pour tenter de survivre, le deal de méthadone, le vol, et même l’élevage de caniches. On est pas prêt d’oublier les grands yeux tristes de l’adolescent qui joue Matho. Bouleversant de bout en bout dans ce rôle d’orphelin, courageux et bien décidé à prendre sa revanche sur la vie qui ne l’a pas épargné. La force du film tient à la fraîcheur de ces jeunes interprètes castés au sein même de la réserve, une réserve sillonnée pendant de longues semaines par les deux réalisatrices à la recherche de "leurs perles rares". La nature sauvage, les animaux qui traversent le film (bisons, chevaux), comme autant de références à l’histoire amérindienne, contribuent aussi à la beauté du film qui ne cède jamais au misérabilisme social.

"Scrap", la précarité à Hollywood

Second film en compétition du jour, Scrap, de et avec Vivian Kerr, traite aussi à sa façon, des laissés pour compte et des victimes de la précarité. On est pourtant à Hollywood, mais aux côtés de Beth Anderson, maman d’une fillette, récemment licenciée et qui n’ose l’avouer à ses proches. La voici réduite à vivre dans sa voiture devenue par défaut sa maison. Elle y dort, mange, passe ses coups de fil à la recherche d’un emploi et se voit contrainte de confier sa fille aux bons soins de son frère, un riche écrivain qui tente désespérément d’avoir un enfant avec sa compagne.

La précarité qui s’invite chez les cadres américains touchés par le chômage et qui n’arrivent plus à faire face, les non-dits familiaux, autant de thèmes qui traversent ce film et qui interrogent aussi aujourd’hui sur ce qu’est "être une bonne mère". L’héroïne du film, en détresse, préfère que sa fille grandisse dans le foyer chaleureux de son frère plutôt que de lui faire supporter cette instabilité, quitte à choquer. Elle veut prendre le temps de se reconstruire, et de retrouver un travail avant de la récupérer.

Sauver les apparences à tout prix

Aux spectateurs qui l’interrogeaient cet après-midi à Deauville sur l’origine de cette histoire, Vivian Kerr, réalisatrice mais aussi actrice principale du film, a évoqué le nombre incroyable de cadres moyens victimes de la crise. Elle a rencontré beaucoup de travailleurs qui, faute de moyens, vivent désormais dans leur véhicule et font tout pour rester dignes et sauver les apparences .

La réalisatrice Vivian Kerr en compagnie des acteurs et de la productrice du film "Scrap" (SABINE GORNY / FRANCEINFO CULTURE)

Une réalité qu’ils cachent évidemment, par honte, à leur entourage. Scrap était au départ un court métrage, sorti en 2018. Vivian Kerr en a retravaillé le scénario pour lui donner un peu plus d’épaisseur. Au final, une fiction sur une réalité peu montrée au cinéma jusqu’alors et à laquelle le public ne peut que s’identifier. Mardi 6 septembre, les deux films en compétition évoqueront le thème du passage de l’enfance à l’adulte, une thématique très présente cette année à Deauville.

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