Cannes 2019 : "Perdrix" d'Erwann Le Duc, une comédie amoureuse dynamitée par un humour décapant
Perdrix, le premier long métrage d'Erwann Le Duc, était projeté ce dimanche 19 mai à la Quinzaine des Réalisateurs. Fantaisie, nonsense, humour, nostalgie, amour et réflexion philosophique, ce premier film parfaitement maîtrisé jongle joliment avec les sentiments. Avec Fanny Ardant, Maud Wyler et Swann Arlaud.
Un village dans les Vosges, une famille dépareillée qui n'est pas la somme de ses composantes, une gendarmerie déroutante, une bande de nudistes extrêmistes qui détroussent les voyageurs, des cinglés branchés militaria égarés aux commandes de leur tank, et surgissant au milieu de tout ça, une voyageuse venue d'on ne sait où et qui s'apprête à repartir vers une destination inconnue.
Décalés
Les personnages d'Erwann Le Duc paraissent toujours posés à quelques pas d'eux-mêmes. Le premier plan sur Thérèse Perdrix, la mère de famille interprétée par Fanny Ardant, illustre bien ce porte-à-faux qui déséquilbre tout le film, le faisant pencher parfois vers l'humour anglais, limite nonsense, et parfois vers les frontières du tragique : la voix reconnaissable entre toutes de la comédienne française parle d'amour. Thérèse est de dos, elle fait face à un micro. Avatar de Macha Béranger, elle discute avec un auditeur, quelque part. On comprendra que celle que l'on vient de prendre pour une star de la radio émet en fait depuis son garage, pour un auditoire quasi inexistant. Et que derrière le gag et le ridicule apparent de la situation se cache un vrai drame.
L'irruption de Juliette Webb (Maud Wyler) dans cette famille où rien ne va vraiment droit mais où tout tient debout comme par miracle va faire exploser l'équilibre précaire. On ne sait rien de son histoire, elle ne respecte rien, se moque des conséquences de ses actes et refuse surtout de susciter le moindre attachement chez quiconque. Sauf que !
Chacun vit sa vie
Elle va pourtant se lier avec le capitaine des gendarmes, Pierre Perdrix (Swann Artaud, vu dans Petit Paysan), le fils de Thérèse, qui sacrifie tout à son devoir dans un coin des Vosges où jamais rien ne se passe. Ou presque. Chez les Perdrix, chacun vit sa vie, l'un se passionne pour les vers de terre, l'autre ne pense qu'à devenir championne de tennis de table, la mère collectionne les amants depuis la mort de son mari, et le fils gendarme... est gendarme !
L'apparente désinvolture de la jeune femme débordante de charme, s'immisçant dans la vie de cette apparence de famille va libérer chacun de ses membres, mais parviendra-t-elle à rester insensible ?
Comédie amoureuse mais pas seulement
Le pitch est un peu long et sa lecture donnerait-elle l'impression de tout dévoiler ? Eh bien non, car dans ce film, autant que l'histoire, elle-même très attachante, c'est la manière de mener le récit qui importe. Les dialogues, aussi bien que les situations conduisent à des émotions parfois contradictoires, du rire le plus franc à la mélancolie. Le rythme toujours bien mené ne laisse pas le spectateur mariner dans l'un ou l'autre de ces sentiments : à peine attendri, il éclate de rire, juste remis de son hilarité, il est touché au coeur.
Tous les comédiens participent de ce voyage au pays des émotions, sans jamais en faire trop, trouvant toujours le ton juste. Et ce n'est pas toujours facile quand, par exemple, un gendarme, pris de passion pour le chanteur, interprète "Entrez dans le rêve" de Gérard Manset devant l'auditoire perplexe d'un café à moitié vide. Cherchant une définition pour son film, Erwann Le Duc le qualifie de "comédie amoureuse", il manque quand même dans ces deux mots la dimension de l'éclat de rire, toujours en embuscade au tournant de chaque scène.
Perdrix
Comédie amoureuse d'Erwann Le Duc
avec Fanny Ardant, Maud Wyler, Swann Arlaud, Nicolas Maury, Alexandre Steiger, Patience Munchenbach...
Durée : 1h42
Sortie française le 14 août 2019
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