Dans "#DRCL : Midnight Children", Shin'ichi Sakamoto s'attaque "aux clichés et aux idées reçues", notamment sur les femmes
Avec #DRCL : Midnight Children, publié chez Ki-oon, le mangaka propose une relecture du Dracula de Bram Stoker. "L'histoire se passe à Londres, au XIXe siècle, en pleine pandémie de peste. J'ai trouvé que cela ressemblait beaucoup à notre situation avec le Covid. J'ai ressenti ça comme un signe du destin et c'est ce qui m'a poussé à écrire ce manga, explique Shin'ichi Sakamoto. À l'époque, Londres est aussi en pleine révolution industrielle, et il y a le concept de 'new woman'. Les nouvelles idées de l'époque m'ont paru actuelles, un monde où les valeurs changent."
À sa lecture de nombreuses choses sautent aux yeux. L’ambiance à la fois magique et menaçante. Les dessins extraordinaires de l’artiste. Cette relecture de Dracula est respectueuse du mythe mais Shin'ichi Sakamoto transcende aussi l'œuvre en matière d’approche narrative et thématique.
"J'essaie toujours à travers mes mangas de m'attaquer aux clichés et aux idées reçues pour les remettre en question." En lieu et place des adultes du roman de Bram Stoker, des adolescents dans le manga : "Ils ne sont ni adultes, ni enfants, et donc n'ont pas encore une vision très calée du monde. Cela m'a permis de lancer des questions à mes lecteurs à travers mes personnages qui sont en pleine exploration. Il y a par exemple le thème de la place de la femme dans la société, thème auquel je m'étais déjà attaqué dans Innocent (son précédent manga) et que je continue à présenter aux lecteurs du monde contemporain. Dans Dracula, je le fais avec le personnage de Mina qui vit dans l'Angleterre du XIXe, où les changements de la vie quotidienne sont importants. Elle va se battre avec ses connaissances plutôt qu'avec une violence pure et dure", explique Shin'ichi Sakamoto.
"Les monstres, comme Dracula ou King Kong, n'ont pas à s'intéresser qu'aux femmes !"
Shin'ichi Sakamoto
Dans son manga, Shin'ichi Sakamoto a créé le personnage de Luke qui n'existe pas dans le roman de Bram Stoker, contrairement à Lucy. Dans le manga, "Le personnage de Luke/Lucy n'est ni un homme, ni une femme", explique l'auteur qui justifie son choix par une envie de changement. "Jusqu'à présent, dans les œuvres de vampires, les victimes sont toujours de belles femmes, mais aujourd'hui je pense qu'on peut changer cette vision des choses. C'est pour ça que j'ai choisi d'introduire ce personnage de Luke/Lucy. Si on fait un parallèle avec le Covid, on voit bien qu'il s'attaque à n'importe qui. Je pense que c'est la même chose pour le personnage de Dracula, il peut toucher tout le monde, sans aucun rapport de genre ou de race. J'aspire à une nouvelle représentation des monstres comme King Kong - ils n'ont pas à s'intéresser qu'aux femmes."
Une expérience immersive et "émouvante"
L’exposition “Dracula, immersion dans les ténèbres” est une projection en mapping sur la surface intérieure de la chapelle Guez de Balzac d'Angoulême. Le mapping vidéo est une technique qui permet de projeter des vidéos sur des volumes en jouant avec leur relief. Un morceau de musique a été composé spécialement pour la projection pour le duo de compositeurs, Fred Avril et Philippe Monthaye, qui ont travaillé sur la musique de Last Man et de Mars Express.
"Avec Dracula, je m'attaque à quelque chose de très incertain, dont on ne connaît pas l'identité et l'apparence. Donc, j'ai introduit beaucoup de ténèbres dans mes planches pour cette nouvelle œuvre.
D'habitude je dessine sur des planches petit format. Voir mes dessins projetés sur des murs, avec beaucoup d'animation, c'est très émouvant. Avec cette projection, j'ai vu à quel point on pouvait agrandir mes planches et tout ça c'est grâce au travail très précis de mes assistants et je leur en suis reconnaissant quand je vois le résultat."
Les yeux de Tom Cruise mais pas ses lèvres
On pense souvent que les yeux sont le plus important sur un visage, mais Shin'ichi Sakamoto ne partage pas cet avis, même si à ses débuts on lui a demandé de beaucoup s'entraîner dessus.
"Au Shonen Jump, on me disait de faire des yeux expressifs. On m'a dit de prendre Tom Cruise comme modèle, puis je me suis rendu compte que je n'étais pas le seul à avoir reçu ce conseil (rires). On a tendance à penser que dans l'expression des personnages ce qui attire le plus l'œil ce sont les yeux, et c'est vrai, mais dans une certaine mesure. Mais pour moi, ce qui est le symbole de la vie dans un visage ce sont les lèvres. Donc j'essaie de transmettre le côté vivant des personnages avec un aspect charnu des lèvres."
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