"L'Illusion magnifique" d'Alessandro Tota, subtil récit romanesque en BD de l'âge d'or des comics

C'est une bande dessinée sur les débuts des comic books aux États-Unis : une industrie en devenir qui va produire en masse des super-héros et oublier, oups, d'enrichir ses auteurs.
Article rédigé par Francis Forget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
"L'Illusion magnifique", une bande dessinée d'Alessandro Tota sur l'âge d'or des comics. (ALESSANDRO TOTA / GALLIMARD)

L'héroïne est une "plouc" du Kansas qui va "monter" sans le sou à New York. Roberta Miller est jeune, elle veut réussir sa vie. Elle aime les histoires et va se trouver des qualités pour en raconter. Elle devient scénariste de petits polars dessinés et surtout de récits de super-héros.

Le succès pointe alors son nez. Mais Alessandro Tota, l'auteur italien de cette formidable BD, ne nous emmène pas sur les chemins trop lus d'une "success story" à l'américaine. Il fait un pas de côté.

Alessandro Tota, dessinateur et scénariste de "L'Illusion magnifique" aux éditions Gallimard. (CHLOE VOLLMER / GALLIMARD)

L'action se situe à la fin des années 1930, juste avant la Grande Dépression. Roberta fréquente des communistes et des syndicalistes. Elle est une femme, homosexuelle, dans un milieu d'hommes plus ou moins fiables ou honnêtes. La vie est dure, fantasque et joyeuse aussi dans cette ville, New York, qui fascine autant qu'elle effraie.

L'héroïne croise la route de nombreux immigrés, d'artistes, de vrais auteurs de BD comme Bob Kane, le créateur de Batman, de mafieux, de flics et de danseuses de cabaret dans des décors qui nous rappellent ceux d'Edward Hopper.

New York City, la ville dans laquelle vont naître les comics et leurs super-héros. (ALESSANDRO TOTA / GALLIMARD)

Et si l'illusion est magnifique, la réalité est bien vilaine. "Bienvenue dans le monde le plus tordu et le plus impitoyable qui soit : celui des comic books", fait dire Alessandro Tota à l'un de ses personnages.

L'auteur est allé plus loin que l'épopée romanesque. Le succès grandissant des super-héros fait miroiter de superprofits à des éditeurs peu scrupuleux. Il faut produire vite et beaucoup. Les auteurs sont mal considérés et les contrats les privent souvent des droits sur leurs personnages.

Dogman et son ami Sniffy, ces super-héros canins feront-ils la fortune de leur créatrice ? (ALESSANDRO TOTA / GALLIMARD)

Avant d'écrire ce récit, Alessandro Tota s'est documenté sur la genèse de la bande dessinée aux États-Unis. "Sur l'industrie du comic book, tout est vrai dans mon récit. J'ai juste inventé les personnages principaux et changé quelques noms", explique le dessinateur. "Les auteurs de BD formaient le prolétariat de l'art. Ils travaillaient sans compter les heures pour presque rien", poursuit-il.

Alessandro Tota a utilisé les codes graphiques des comics pour dessiner son héroïne, une scénariste de BD. (ALESSANDRO TOTA / GALLIMARD)

L'Illusion magnifique n'est pas pour autant une bande dessinée historique. Le récit est romanesque, le scénario bien mené. Les personnages sont attachants, agissant parfois avec panache ou médiocrité. C'est souvent très drôle. Au dessin, Alessandro Tota nous régale, jouant avec les cases, les trames et les couleurs comme autant de clins d'œil aux comics de l'époque. Le récit est prévu en deux tomes. Le premier est déjà un incontournable pour tout amateur de BD.

"L'Illusion magnifique. Livre 1 - New York, 1938". Alessandro Tota / Éditions Gallimard. 30 euros.

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