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Street-art : des visites guidées à Paris pour mettre à l'honneur les femmes artistes

L'agence "Feminists in the city", spécialisée dans les visites guidées féministes, propose un parcours de street-art dans le quartier de la Butte-aux-Cailles à Paris. L'occasion de mettre en lumière le travail des femmes, souvent très peu représentées dans les musées.
Article rédigé par Marianne Leroux
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Visite guidée du parcours "Street-art et féminisme" à la Butte aux cailles, à Paris (13e), le 12 mars 2023. (MARIANNE LEROUX)

Le manque d'occupation de l'espace public par les femmes en France est flagrant : seulement 2% des noms de rues portent un nom de femme. 76% des femmes se sentent en insécurité dans la rue le soir selon une étude YouGov de 2022. Il n'est donc pas étonnant que peu d'entre elles se sentent prêtes à se lancer dans le street-art, un art clandestin réalisé dans la rue le soir ou la nuit.

Feminists in the city, agence spécialisée dans les visites guidées féministes créée en 2018,  propose d'en finir avec cette image très masculine et viriliste de cet art de rue en proposant une visite guidée de ce street-art féminin et féministe. 

Liberté, égalité, puissance

14h30, dimanche 12 mars. Sonia, guide touristique pour l'agence Feminists in the city depuis 2019, accueille les visiteurs dans le passage du Moulin-des-Prés. Ils s'émerveillent déjà devant les nombreuses fresques qui les entourent. Il y a là quatre femmes et un couple. 

La visite commence par l'histoire de la Butte-aux-Cailles : au XVIe siècle, ce quartier était un village champêtre aux portes de Paris mais il n'en faisait pas encore partie. C'est en 1860 que la Butte-aux-Cailles est rattachée au 13e arrondissement de la capitale. Cet endroit, chargé d'histoire, a gardé son charme d'antan qui le rend convivial, intimiste et à hauteur d'homme, loin des grands immeubles haussmanniens. Sonia pose alors une première question à l'ensemble des visiteurs : "Si vous deviez définir le féminisme en un mot, ce serait lequel ?". Les réponses sont diverses : liberté, égalité ou encore puissance. Mais il est déjà l'heure de déambuler dans les rues du quartier pour admirer les murs couverts d'œuvres de street-art. A droite, à gauche, en hauteur ou même sur le sol, elles sont partout, les passants ne savent plus où regarder. 

Ecologie, pop culture et féminisme 

Un pan de mur a été coloré par la street-artiste Show Show Art. Son œuvre Réchauffer les cœurs, pas la planète est un engagement pour l'écologie et la préservation de la biodiversité : "L'amour est toujours le moteur de tout graffiti. Réchauffer les cœurs nous renvoie au sens et à l'impact de nos actions au quotidien. Chacune de nos actions a une répercussion sur la planète. Nous sommes tous responsables de notre environnement. L'amour est la clé pour cette prise de conscience et ce changement profond de nos actions par le biais de notre société de consommation", raconte par ailleurs l'artiste. Show Show Art qui ne se considère pas forcément comme féministe.  

Oeuvre de la street-artiste ShowShowArt. (MARIANNE LEROUX)

En continuant, quelques rues plus loin, les visiteurs découvrent le travail d'OJA, graphiste, qui rend hommage aux figures de la pop culture comme Andy Warhol ou Mylène Farmer. Un décor qui évoque un lieu sacré,  avecune citation toujours bien choisie, un graphisme soigné et des couleurs pop, le parfait cocktail pour intriguer les passants. "Je ne voulais pas juste coller des visages dans la rue mais y mettre du sens, avec une suite de signes, personnels et culturels, qui me concernent ou concernent celles qui sont représentées. J'aime aussi appliquer les initiales de la personnalité, c'est comme un jeu, le public doit deviner l'identité de celle qu'il regarde. Même si dans la plupart des cas, elles sont très directement identifiables" confiait la street-artiste. 

Œuvre de la street-artiste OJA représentant Andy Warhol. (MARIANNE LEROUX)

Au coin du passage Barrault, le visage de l'avocate féministe Gisèle Halimi apparait sur un grand timbre rouge avec la devise française remixée : "Liberté, Légalité, Féminité". Le travail de CaroleBCollage met en avant des personnalités qui ont eu un impact historique sur les droits des femmes en France, comme la célèbre magistrate et femme d'Etat Simone Veil, panthéonisée en 2018. Sonia, la guide, raconte : "ici l'œuvre a été dégradée mais lorsqu'on fait du street art, il faut accepter que certains ne soient pas d'accord avec le message véhiculé". 

Œuvre de CaroleBCollage. (MARIANNE LEROUX)

Des techniques et messages divers

Les yeux des visiteurs semblent attirés par une œuvre en noir et blanc, réalisée en pointillés. Passionnée par l'Afrique, la street-artiste Lady Bug est fascinée par les visages africains. Pour peindre des personnages noirs, elle utilise la technique du pointillisme avec l'aide de pochoirs découpés à la main. Un procédé qui permet de jouer sur le contraste du noir et blanc. Pour les plus petits formats, elle utilise de la peinture traditionnelle au pinceau et à l'acrylique. 

Œuvre de la street-artiste Lady Bug. (MARIANNE LEROUX)

Entre les deux façades d'un bar se trouve une femme vêtue de noir et portant des talons aiguilles accompagnée d'un message : "Le temps est un sérial qui leurre". Disparue en mai dernier, Miss.Tic, artiste reconnue depuis les années 1980, a laissé derrière elle de nombreuses œuvres dans la capitale. La Butte-aux-cailles était son principal terrain de jeux. Sa spécificité : de grandes femmes brunes réalisées avec des pochoirs et des slogans percutants et poétiques. Elle s'est fait une place très rapidement dans ce monde masculin de l'art urbain. 

Œuvre de la street-artiste Miss Tic. (MARIANNE LEROUX)

Une autre rue, un autre univers. Celui de Louyz est coloré et animal. En s'intéressant au côté sauvage et mystérieux des animaux, elle découvre mille possibilités pour s'exprimer et un choix infini de textures, de pelages, d'écailles, de couleurs...  Elle a choisi le lézard car "il est là, sur nos murs, sans un bruit, mais avec toujours un œil qui nous observe". La street-artiste aime aussi l’idée de surdimensionner les petits animaux pour qu'ils aient des airs de dinosaures venus d'un autre temps.  

Œuvre de la street-artiste Louyz. (MARIANNE LEROUX)

Un miroir sur les grilles de l'entrée d'une maison. Etonnant. L'initiative "Mais oui tu es belle" consiste à installer des miroirs un peu partout dans les rues parisiennes avec cette phrase inscrite en blanc : "Mais oui tu es belle". Une référence à l'histoire de Blanche Neige lorsque que la reine interroge au miroir : "Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle du royaume ?". C'est aussi un message de "body positivité" envers les femmes qui vivent mal les diktats de la société sur l'apparence physique.  

Œuvre de "Mais oui t'es belle". (MARIANNE LEROUX)

Deux heures et plusieurs milliers de pas plus tard, les visiteurs semblent enchantés de leur excursion dans les rues de ce quartier vivant et inspirant. Tous l'assurent : "On reviendra pour une autre visite thématique".  

Feminists in the city propose aujourd'hui 13 visites différentes : la libération sexuelle contée par des hystériques, la terreur féministe au Père Lachaise, les femmes puissantes ou révoltées de Paris ou encore les femmes au Musée d'Orsay, au Louvre et au château de Versailles. Elles sont une manière de rendre hommage à ces femmes artistes souvent oubliées. Pour fêter les cinq ans d'existence de l'agence, l'équipe propose une toute nouvelle visite thématique disponible à partir du 29 mars 2023: La France, les femmes et l'égalité des droits. 

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