"Splendeurs et misères" à Orsay : de la fièvre des bordels aux froufrous des salons
Cette exposition vous ne la verrez pas à la lumière du jour, sous l’immense verrière du musée d’Orsay. C’est dans un coin du musée que cela se passe. Dans des salons aux murs rouges, à la lumière tamisée. Ambiance maison close pour découvrir ou redécouvrir de nombreux chefs-d’œuvre. Tous signés par des hommes. Autant de représentations de la prostitution de l’époque.
Il y a d’abord les "pierreuses" qui racolent dans les terrains-vague. Celles qui préfèrent les cafés – comme cette femme à chapeau le regard dans le vide devant son verre dans L’Absinthe d’Edgard Degas, les brasseries ou le Moulin Rouge. Les ouvrières au salaire trop mince. Les filles de bordel aussi d’Henri de Toulouse-Lautrec, peintre largement représenté dans cette exposition. L’une est écroulée sur un lit, les jambes pendantes, l’autre tire sur son bas. Une autre encore relève sa jupe avant l’inspection médicale. Dans la pièce d’à côté, le visiteur tombe, photos à l’appui, sur les ravages de la syphilis. Et s’il a plus de 18 ans il peut passer derrière un lourd rideau – rouge comme les murs – et regarder un bout de film en noir et blanc, muet et X.
De l'empathie à l'obscénité
Mais il y a aussi les "grandes horizontales", ces demi-mondaines, ces cocottes qui posent. Grands portraits, fiers, de peintres officiels. Le visiteur repère alors une canne de flagellation à la poignée d’argent et reste scotché devant la fameuse "chaise de volupté" du Prince de Galles, futur Edouard VII, au socle de bois doré.
Jusqu’à la magnifique Olympia, d’Edouard Manet, courtisane allongée nue sur un lit, la main sur le sexe, le regard franc. Ainsi, on passe du trottoir à l’aristocratie du vice. De l’intime au spectacle de la prostitution. De l’empathie à l’obscénité. Du vrai au fantasme. De l’impressionnisme, à l’expressionisme…
Le 1er juin 1853, Gustave Flaubert écrit : "Il se trouve, en cette idée de la prostitution, un point d’intersection si complexe, luxure, amertume, néant des rapports humains, frénésie du muscle et sonnement d’or, qu’en y regardant au fond le vertige vient, et on apprend là tant de choses ! Et on est si triste ! Et on rêve si bien d’amour ! " (lettre à Louise Collet).
Splendeurs et misères, jusqu’au 17 janvier 2016, au musée d’Orsay, à Paris
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