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Luigi Ghirri au Jeu de Paume : un grand photographe italien de la couleur exposé à Paris

Banlieues ordinaires des années 1970, murs envahis par la publicité, immenses ciels clairs, le grand photographe italien Luigi Ghirri voulait montrer un monde gagné par l'image et décrire la réalité banale sous un autre jour. Ses photographies en couleur sont à découvrir au Jeu de Paume. Jusqu'au 2 juin 2019.
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Luigi Ghirri : à gauche, Modena 1972, CSAC, Università di Parma - à droite, Modena 1973, eredi di Luigi Ghirri
 (Succession Luigi Ghirri)

La première grande exposition de Luigi Ghirri en dehors de son pays s'arrête à Paris pour quatre mois, après avoir séjourné à Essen et à Madrid. Elle se concentre sur les années 1970, quand le photographe italien a débuté son projet.
 
Luigi Ghirri a commencé par saisir la poésie discrète des coins de banlieue du nord de l'Italie, effectuant selon ses mots des "voyages minimes" de quelques heures dans Modène, la ville du nord de l'Italie où il habitait.

Luigi Ghirri, Bologna 1973, CSAC, Università di Parma
 (Succession Luigi Ghirri)

La couleur parce que le monde n'est pas en noir et blanc

Il a travaillé en couleur, capturant les teintes douces de son Emilie-Romagne natale, à une époque où le noir et blanc était encore privilégié dans la photographie artistique. Mais le monde n'est pas en noir et blanc, disait-il.
 
Et puis la couleur était le médium de la photo amateur et de la publicité. Or Luigi Ghirri "parlait avec chaleur" de la pratique du photographe du dimanche, souligne le commissaire de l'exposition, James Lingwood. Il travaillait avec un appareil assez ordinaire et faisait réaliser ses tirages, aux couleurs un peu passées aujourd'hui, dans un laboratoire quelconque, dans des formats assez modestes.
 
Par ailleurs il voulait décrire un monde gagné par l'image, notamment publicitaire, un monde où la photographie s'est complètement banalisée. Un monde que, pensait-il, on ne voyait plus de façon directe mais à travers les images.
Luigi Ghirri, Marina di Ravenna, 1972, Bibliothèque nationale de France
 (Succession Luigi Ghirri)

Une cartographie du monde moderne

Luigi Ghirri est géomètre quand il commence à se promener avec un appareil. Un métier qui marque sa pratique même s'il l'abandonne dès 1973 pour se consacrer entièrement à la photographie, "une autre forme de mesure", note James Lingwood : "Il veut faire une cartographie de la vie moderne du monde provincial qui est un monde de l'image."
 
Dans sa série "Paesaggi di cartone" (paysages de carton), Ghirri cadre serré sur les affiches et les pubs, les rendant étranges ou incongrues : quand un couple s'affiche au lit sur un mur de la ville, on a l'impression d'être à son chevet. Un autre couple attablé au restaurant semble menacé par une vague qui déferle sur le mur derrière. La végétation grimpe le long des jambes d'une femme sur une affiche.
 
Les photographies de Luigi Ghirri "sont sophistiquées mais pas compliquées", dit James Lingwood. Il ne cherche pas à faire de belles photographies, même si ses cadrages sont très étudiés, souligne le commissaire. Ghirri réfléchit constamment à sa pratique, échange beaucoup avec les artistes de son temps, notamment les artistes conceptuels, et écrit des ouvrages théoriques.
Luigi Ghirri, Modena 1973
 (Succession Luigi Ghirri)

Des espaces souvent déserts

Son souci du cadrage est aigu : on a deux éléments ou trois, pas plus. Il ne se passe pas grand-chose. Des espaces horizontaux se succèdent. A travers un terrain de tennis, on voit deux personnages sur un chemin de bord de mer, devant les flots. Ou bien un banc et deux palmiers sont plantés sur une bande de terre, avant la mer, puis le ciel.
 
Le ciel d'un bleu doux est central dans ses images, gagnant parfois presque tout le cadre pour ne laisser apparaitre qu'un bout de toit d'immeuble dans un coin, ou le haut d'un panneau tout en bas. Il l'a photographié chaque jour pendant une année pour composer une mosaïque d'infinités de formes de nuages et de nuances de couleurs ("Infinito", 1974).
 
Luigi Ghirri s'interroge sur le monde de son temps, et sur comment on le regarde "un monde construit par l'homme mais marqué par l'absence", remarque James Lingwood : les espaces qu'il fixe sur la pellicule sont souvent déserts. Sauf quand il s'intéresse aux gens qui photographient et à ceux qui se font tirer le portrait.
 
"Je pense avoir appris de l'art conceptuel la possibilité de partir des choses les plus simples, de ce qui est évident, pour le revoir sous une autre lumière", disait Luigi Ghirri, qui est mort prématurément d'une crise cardiaque en 1992, à l'âge de 49 ans.

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