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Un Christ sur la croix de Rembrandt retrouve sa place à l'église du village du Mas-d'Agenais, dans le Lot-et-Garonne

Authentifié comme un Rembrandt en 1959, ce tableau est devenu le trésor d'un village du Lot-et-Garonne. Après quelques années passées à Bordeaux, il est revenu au Mas-d'Agenais.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Un restaurateur examine le "Christ sur la croix" avant de fermer la vitrine blindée dans laquelle le tableau de Rembrandt est installé à l'église Saint-Vincent du Mas-d'Agenais, dans le Lot-et-Garonne (24 mai 2022) (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Le village du Mas-d'Agenais, dans le Lot-et-Garonne, vient de récupérer son trésor municipal, un tableau "inestimable" de Rembrandt, un Christ en croix dont il est l'heureux propriétaire et qui était à Bordeaux. Alarmes, vidéosurveillance, vitrine blindée, sa sécurité est désormais assurée.

Depuis son salon de thé, Béatrice Touton a "tout de suite compris" en apercevant la camionnette de location devant l'église : "Je me suis dit 'cette fois, il revient', tout le monde le réclamait !" Lui, c'est la star du village : vieux de 391 ans, le Christ sur la croix de Rembrandt (1606-1669) est de retour depuis mardi, six ans après son exil à Bordeaux à cause d'une vitrine défaillante.

L'histoire a fait que ce bourg de 1 500 âmes, situé dans le pays maraîcher et fruitier du Lot-et-Garonne, est l'improbable propriétaire d'un tableau peint par le maître hollandais en 1631, quand il avait 25 ans.

Un Christ chétif et misérable

Une œuvre de 100 x 73 cm "exceptionnelle", puisque à travers elle "Rembrandt renouvelle les codes de la représentation du Christ, en montrant un être à l'agonie, chétif et misérable", commente Aude Claret, conservatrice des Monuments historiques à la Drac Nouvelle-Aquitaine.

Tout commence en 1804 quand un capitaine des armées napoléoniennes natif du village, Xavier Duffour, acquiert le tableau, sans signature apparente, dans une vente aux enchères à Dunkerque, avant d'en faire don à la paroisse l'année suivante.

Un siècle plus tard, l'œuvre devient la propriété de la commune lors de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Il est classé monument historique en 1918 mais ne sera authentifié qu'en 1959 lorsqu'une restauration au Louvre exhume l'illustre signature : RHL, pour Rembrandt Harmenszoon de Leyde. En 2011, il est prêté au Louvre pour l'exposition "Rembrandt et la figure du Christ".

Pendant des décennies, il est exposé aux yeux de visiteurs parfois lointains, tantôt dans une simple armoire en bois, puis dans une vitrine, mais "sans aucune espèce de haute sécurité". "N'importe qui aurait pu le piquer", résume le maire Claude Lagarde.

Le tableau a voyagé incognito

Un Rembrandt ni dans un musée, ni chez un collectionneur mais dans une commune, "c'est très rare", assure Aude Claret. L'oeuvre "est associée au village, donc il est très important qu'elle revienne là où elle est depuis le XIXe siècle".
Voilà des mois que l'Etat et le village préparaient discrètement le transfert du Rembrandt depuis sa vitrine provisoire de la cathédrale Saint-André de Bordeaux jusqu'à son nouvel écrin du Mas-d'Agenais dans la collégiale romane.

Emballé avec un luxe de précautions dans une boîte en bois, entre plusieurs couches de mousse pour éviter les chocs thermiques, le tableau a fait le voyage incognito à bord d'une camionnette escortée par une voiture banalisée de gendarmes. La mairie et la Drac ont "mis le paquet" pour lui offrir une nouvelle vitrine ultra-sécurisée reproduisant la ventilation naturelle à laquelle il a toujours été habitué.

Il est "remarquablement solide, c'est étonnant", constate Christian Morin qui surveille avec sa femme Françoise, restauratrice comme lui, la "matière" du tableau depuis 20 ans et lui rendra encore visite régulièrement dans son écrin blindé.

Une œuvre qui n'a pas vocation à être vendue

La mise au point du système de sécurité comprenant des caméras "partout", des capteurs et des alarmes, devrait ainsi "rassurer un peu" le maire, encore impressionné par la valeur potentielle de l'actif municipal. En 2021, une maison de vente interrogée par le journal Sud-Ouest l'avait estimé à 90 millions d'euros, l'équivalent de 70 années de budget au Mas-d'Agenais. "On est la commune la plus riche de France, sauf qu'on n'en n'a pas les moyens", s'amuse l'édile.

"C'est un tableau religieux important, une fourchette de plusieurs dizaines de millions d'euros ne me paraît pas anormale", confirme à l'AFP Olivier Lefeuvre, directeur du département tableaux anciens et du XIXe siècle chez Sotheby's. Un tel objet classé monument historique est d'"une valeur inestimable" et n'a de fait "pas vocation à être vendu", insiste Aude Claret. La commune n'y pense même pas. La mise en valeur du tableau dans une église fraîchement rénovée va "renforcer son attractivité touristique", souligne Arnaud Petit, élu aux finances et au patrimoine.

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