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L'authenticité du premier monochrome, peint au XIXe siècle, est remise en question

Début 2021, le galeriste Johann Naldi a dévoilé à la presse le premier monochrome jamais peint. Plusieurs mois après, l'authenticité de cette oeuvre, de l'artiste Paul Bilhaud, continue à faire débat auprès des spécialistes. 

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Tableau du premier monochrome noir peint par Paul Bilhaud, en 1882. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Un tableau entièrement noir de 1882 serait le premier monochrome jamais peint. Cette oeuvre attribuée aux Incohérents, un mouvement d'avant-garde oublié, réapparaît dans un climat de soupçon quant à son authenticité entretenu par des historiens de l'art.

Disparu pendant 138 ans

Le tableau intitulé Combat de nègres, pendant la nuit est l'oeuvre de Paul Bilhaud (1854-1933), écrivain qui explora tous les genres mais connut surtout le succès dans le théâtre de boulevard, et qui s'essaya brièvement à la peinture. Révélé le 1er octobre 1882 lors d'une Exposition des arts incohérents, le courant auquel se rattache Bilhaud, ce tableau a ensuite disparu pendant 138 ans.

Cette huile sur toile de 49 cm sur 43,5 cm a été redécouverte avec 18 autres oeuvres par un galeriste autodidacte, spécialiste du XIXe siècle, Johann Naldi, qui l'a montrée à la presse début 2021.

Vrai ou faux ?

 Elles étaient à l'abri dans une malle chez des particuliers en région parisienne. Le monochrome "est dans cette famille depuis une cinquantaine d'années. Comment il atterrit là ? Le grand-père était collectionneur, mais on ne sait pas comment il a acheté cette oeuvre. L'histoire de ce tableau va être impossible à retracer", affirme-t-il.

Ce vendredi, Libération a publié une longue enquête mettant en doute l'authenticité du monochrome. "Au fil des mois, le doute s'est installé chez les experts, troublés par l'histoire trop belle et l'opacité qui entoure cette trouvaille", a souligné le quotidien. Il en cite plusieurs qui soulèvent l'éventualité d'un faux, sans conclusion définitive : une historienne et un écrivain spécialistes de ce mouvement artistique, Corinne Taunay et Frédéric Roux, et des historiens de l'art, Denys Riout, Didier Semin, Jean-Hubert Martin.

Johann Naldi, pour sa part, a publié jeudi aux éditions Liénart Arts incohérents: découvertes et nouvelles perspectives. Il y détaille les "aspects techniques et analyses scientifiques" qui montrent que le tableau est bien de l'époque à laquelle il est censé avoir été peint.

Défense de Michel Onfray

Il a enrôlé, après l'avoir abordé dans la rue parce qu'il le savait amateur des Incohérents, le philosophe Michel Onfray. Celui-ci a publié, jeudi également, un essai, Les Anartistes (éditions Albin Michel), où il défend avec vigueur l'importance de ces trublions, précurseurs oubliés des dadaïstes, des surréalistes et de Marcel Duchamp, entre autres. "La fausse avant-garde du XXe siècle pille les Incohérents sans jamais les citer, bien sûr ! Duchamp, Satie, Tzara, Malevitch, Klein, Breton, Cage, et tous leurs suivants", écrit Michel Onfray, convaincu de l'antériorité de Bilhaud sur tous ces artistes.

Johann Naldi ne se cache pas de son objectif : faire acheter par l'État les 19 oeuvres des Incohérents qu'il a découvertes. Elles pourraient alors finir au musée d'Orsay, le panthéon de l'art français au XIXe. D'après les informations de Libération, il vise un prix de 10 millions d'euros, qu'Orsay trouve deux fois trop élevé.

Exposition éphémère à l'Olympia

Donner une valeur marchande au monochrome est, d'après l'expert, "impossible. Avec les critères habituels d'estimation, c'est un objet inestimable". Le ministère de la Culture, en mai 2021, a classé toutes ces oeuvres "trésor national". Cela garantit qu'elles resteront en France, et ouvre la voie à un mécénat d'entreprise avec réduction fiscale.

Le tableau sera visible mardi 19 avril lors d'une exposition éphémère de quatre heures sur invitation, comme en 1882, à l'Olympia à Paris. Cela donnera une idée de son attrait pour un public de connaisseurs. Les organisateurs ont invité 2000 personnes, en journée, sans leur demander de confirmer leur présence.

L'aplat de peinture noire, le cadre et le châssis, le titre, la solennité de l'exposition à l'époque : tout concourt à en faire une oeuvre très sérieuse, longtemps avant le Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch en 1918. Selon Johann Naldi, "c'est déroutant pour les historiens de l'art qui s'imaginaient un papier noir punaisé au mur, à l'arrache", après avoir lu des descriptions très vagues de ce tableau que personne n'avait vu.

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