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"Fumée sur les toits" : une toile inconnue de Fernand Léger découverte au dos d'un autre tableau de l'artiste aux Pays-Bas

Des experts en art aux Pays-Bas ont annoncé jeudi 6 octobre 2022 avoir découvert une importante oeuvre du peintre cubiste français Fernand Léger (1881-1955) cachée depuis plus d'un siècle au dos d'une de ses autres toiles.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
"Fumée sur les toits" de Fernand Léger. Selon les experts dévrait dater selon les experts de 1911-1912, a été peinte au dos du tableau "Le 14 juillet" réalisé un an plus tard (RAMON VAN FLYMEN / ANP MAG / ANP VIA AFP)

C'est une véritable découverte que les experts néerlandais viennent de faire ce jeudi 6 octobre La Haye (Pays-Bas). Une œuvre jusqu'ici inconnue du peintre français Fernand Léger (1881-1955). Intitulée Fumée sur les toits, cette peinture, qui devrait dater selon les experts de 1911-1912, a été peinte au dos du tableau Le 14 juillet réalisé un an plus tard, selon les spécialistes de conservation d'art du Studio Redivivus.

Les deux tableaux de Fernand Léger. A gauche "Le 14 juillet" peint sur le recto de la toile et à droite le tableau caché "Fumée sur les toits" peint au verso de la toile  (RAMON VAN FLYMEN / ANP MAG / ANP VIA AFP)

Un nouveau tableau du peintre cubiste

Minutieusement restaurée depuis, la toile a été retrouvée partiellement abîmée et recouverte d'une couche de ce qui ressemble à de la colle dure. "C'est vraiment une découverte", a déclaré à l'AFP Gwendolyn Boeve-Jones, directrice du Studio Redivivus, situé à La Haye. 

Les experts pensent que l'oeuvre fait partie d'une série dans laquelle Léger a peint la vue de son atelier sur les toits de Paris vers Notre-Dame, en se concentrant sur la fumée des cheminées. Selon l'historien de l'art néerlandais Sjraar van Heugten, il ne restait que sept tableaux de cette série, et la nouvelle peinture montre des avancées "extrêmement importantes" dans l'utilisation de la couleur et de l'abstrait par Léger. Fumée sur les toits révèle donc selon les experts un "tournant" dans l'oeuvre du peintre contemporain de Picasso. 

Un mystère

L'histoire de l'oeuvre commence il y a environ 110 ans lorsque l'artiste offre le tableau Le 14 juillet à son ami Marc Duchêne en cadeau de mariage en 1912 ou 1913. Mais Marc Duchêne est tué pendant la Première Guerre mondiale, et bien que le tableau soit resté dans sa famille, les "tristes souvenirs" qu'il évoque font qu'il n'avait jamais été exposé et était "resté inconnu pendant des années", explique Sjraar van Heugten.

Le 14 juillet est ensuite acheté aux héritiers de Duchêne en 1999 par la Triton Collection, une fondation d'art privée qui détient toujours le tableau. Cette fondation découvre des traces de restauration sur le dos de celui-ci, probablement effectuée dans les années 1990, mais l'on ignore par qui. Le mystère de ce qu'il y avait exactement au dos du tableau est resté intact, même si Le 14 juillet a par la suite été exposé dans plusieurs galeries.

Enquête chez Fernand Léger

Le verso de l'oeuvre "était recouvert en grande partie d'un matériau blanc-gris et les collectionneurs avaient été informés qu'il n'y avait pas vraiment lieu de s'inquiéter, que ce n'était pas important", raconte Gwendolyn Boeve-Jones. Mais cette-dernière, partie des États-Unis vers les Pays-Bas pour travailler au Rijksmuseum d'Amsterdam avant de créer son propre studio, reste intriguée par l'énigme.

En 2016, les propriétaires lui demandent de mener l'enquête. Gwendolyn Boeve-Jones, qui dit avoir "vécu avec Léger" toute sa vie, se mue alors en détective. Elle épluche les publications d'art et surfe sur internet. Parallèlement, les experts découvrent sous la couche de colle des formes et des couleurs, et notamment la fumée qui s'échappe des cheminées. "Ce n'était pas si difficile de voir qu'il (le tableau) appartenait en quelque sorte à la série 'Fumees Sur Les Toits'", affirme Gwendolyn Boeve-Jones.

La fondatrice et directrice du Studio Redivivus, Gwendolyn Boeve-Jones à La Haye (Pays-Bas) (FRANÇOIS WALSCHAERTS / AFP)

Un "véritable Fernand Léger"

Des techniques d'imagerie de haute technologie examinant les couches de peinture et les dommages ont ensuite permis à son équipe de redonner à la peinture son lustre d'antan. Rapidement, les experts se rendent compte de l'importance de l'oeuvre, qui représente selon eux une grande avancée entre les travaux antérieurs plus sombres de Léger et le style plus abstrait et coloré que la série a lancé. "Ce n'est pas seulement que le tableau est resté caché. C'est intéressant dans une certaine mesure. Mais ce que nous avons découvert, c'est le rôle qu'il a dû jouer dans son parcours", observe Gwendolyn Boeve-Jones. 

Les experts sont certains qu'il s'agit d'un véritable Léger en raison de la provenance, du coup de pinceau et même du châssis de la toile qui porte sa signature. "Cela respire le Léger à plein nez", explique Gwendolyn Boeve-Jones. Sjraar van Heugten, auparavant responsable des collections du musée Van Gogh d'Amsterdam, se dit "très surpris par la qualité" de l'oeuvre. "C'est une peinture magnifique et je suis très heureux que la restauration ait été aussi réussie", déclare-t-il.

Le tableau sera exposé du 19 novembre 2022 au 2 avril 2023 au musée Kroller-Muller dans le centre des Pays-Bas, dans le cadre d'une exposition sur la série sur les toits de Léger. Il sera placé dans une vitrine qui permettra aux visiteurs de voir les deux côtés.

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