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De Millet à Redon et Mondrian, le musée d'Orsay nous offre les couleurs de ses précieux pastels

Danseuses et nus de Degas, scènes oniriques de Redon, portraits de Manet, ciels de Boudin, le musée d'Orsay expose ses pastels, rarement montrés (jusqu'au 2 juillet)
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
André Devambez, "Procession au crépuscule", dessin, pastel sur toile avec cadre (© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy)

De Jean-François Millet à Piet Mondrian en passant par Edouard Manet, Mary Cassatt, Gustave Caillebotte, Eugène Boudin, et surtout Odilon Redon et Edgar Degas, le musée d'Orsay sort de ses réserves une centaine de fragiles pastels de sa collection de 500 œuvres. Pour notre plus grand bonheur.

Le XVIIIe siècle est considéré comme l'âge d'or du pastel, déjà connu de Léonard de Vinci. Entre dessin et peinture, ses bâtonnets de pigments sont utilisés essentiellement pour les portraits aristocratiques. Il est apprécié pour ses couleurs et son rendu des matières, puis il tombe en désuétude au moment de la Révolution française.

Le pastel connaît un retour dans la deuxième moitié du XIXe et au début du XXe siècle, époque où il sera utilisé aussi bien pour des paysages, des portraits, des scènes de genre. Le musée d'Orsay, qui s'occupe précisément de cette période, en possède une riche collection rarement sortie des réserves car ces œuvres fragiles craignent la lumière, sont sensibles à la poussière et aux vibrations. Il nous offre une occasion rare de les voir, qu'il ne faut pas rater.

"Le Bouquet de marguerites", Jean-François Millet (vers 1871)

Jean-François Millet, "Le Bouquet de marguerites", vers 1871, pastel sur papier beige et châssis entoilé, Musée d’Orsay (© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Jean-Gilles Berizzi)

Jean-François Millet (1814-1875) est un des grands acteurs du renouveau du pastel, qu'il emploie de manière graphique, sans l'estomper. Il part généralement d'un dessin au crayon noir qu'il rehausse au pastel. Ici, il représente sa fille Marguerite, cachée derrière un bouquet de marguerites. Il a aussi abondamment représenté le monde paysan, dans une palette réduite de tons chauds.

"Portrait de Marie de Heredia", Emile Lévy (1887)

Emile Lévy, "Portrait de Marie de Heredia", en 1887, Musée d'Orsay (© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski)

Au XIXe siècle les artistes perpétuent l'art du portrait au pastel, prisé par la bourgeoisie comme par les aristocrates au XVIIIe. Dans de grands formats, ils mettent l'accent sur la richesse des décors et des tissus.

Emile Lévy (1826-1890), grand pastelliste des années 1880, représente ici en jeune fille sage la fille du poète José-Maria de Heredia.

"Le Pont de Waterloo à Londres", Claude Monet (1899)

Claude Monet, "Le pont de Waterloo à Londres", vers 1899, pastel sur papier beige rosé, Musée d'Orsay, Legs de baronne Eva Gebhard-Gourgaud, 1965
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Gérard Blot (© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Gérard Blot)

Claude Monet (1840-1926) a fait très peu de pastels. Ici, à Londres, il s'y met parce qu'il attend l'arrivée de son matériel de peinture. Avec très peu de moyens, dans une gamme restreinte de blancs et de bleus sur fond de papier beige, il traduit l'effet de brouillard sur la Tamise. On peut voir aussi dans l'exposition trois très beaux petits pastels de son maître Eugène Boudin (1824-1898) qui de quelques traits capture les ciels et l'ambiance des bords de mer.

"Mère et enfant sur fond vert ou Maternité", Mary Cassatt (1897)

Mary Cassatt, "Mère et enfant sur fond vert ou Maternité" (1897), pastel sur papier beige collé sur châssis entoilé, Musée d'Orsay, don de Mary Cassatt, 1897 (© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski)

Les femmes artistes sont nombreuses à pratiquer le pastel, considéré comme une technique "propre". Comme les peintres impressionnistes Berthe Morisot ou Mary Cassatt, elles représentent souvent la sphère intime, la vie quotidienne, les enfants, la famille. Les portraits se font moins formels, plus vivants.

"La Matinée rose", Eva Gonzalès, en 1874

Eva Gonzalès, "La Matinée rose", en 1874, pastel sur papier et châssis entoilé, musée d'Orsay (© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski)

Le pastel est une des techniques de prédilection d'Eva Gonzalès, seule élève de Manet, décédée prématurément à 36 ans. Comme elle, quand il adoptera le pastel au tournant des années 1880, il utilisera une gamme subtile de gris perle, rose pâle et blanc pour ses portraits de femmes ou ses nus en buste.

"Danseuses", Edgar Degas (1884-1885)

Edgar Degas (1834-1917), "Danseuses", entre 1884 et 1885, pastel sur papier (© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt)

Edgar Degas (1834-1917) est le maître incontesté du pastel qui lui permet de fusionner ligne et couleur. Le pastel devient sa technique presque exclusive à partir de 1888-1890, utilisée sur des supports variés pour représenter des danseuses, son sujet de prédilection, des femmes du peuple et des nus qui n'idéalisent pas ses modèles, saisis dans des poses triviales.

"La Table servie", Edouard Vuillard (vers 1915)

Edouard Vuillard, "La Table servie", vers 1915, pastel sur papier beige (© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt)

Le peintre nabi Edouard Vuillard (1868-1940) utilise le pastel pour évoquer de façon très subtile de
belles scènes d'intérieur, un bouquet sur une cheminée, une table dressée, avec juste quelques petites touches colorées sur fond de papier beige.

"Le Bouddha", Odilon Redon (entre 1906 et 1907)

Odilon Redon, "Le Bouddha", entre 1906 et 1907, pastel sur papier beige, musée d’Orsay 1971, achat (© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski)

Avant 1890, l'univers onirique d'Odilon Redon (1840-1916) est noir, il travaille au fusain ou à la gravure. Et puis il se met à la couleur, mêlant teintes chaudes et or. Autre virtuose du pastel, dans des œuvres pleines de lumière, il représente des créatures marines, un char d'Apollon, une coquille rose qui est comparée avec l'Origine du monde de Courbet. Et ce Bouddha extraordinaire dans un paysage imaginaire vibrant.

Pastels du musée d'Orsay, de Millet à Redon
Musée d'Orsay
Esplanade Valéry Giscard d'Estaing, 75007 Paris
Tarifs : 16 € / 13 €
Tous les jours sauf le lundi, 9h30-18h, le jeudi jusqu'à 21h45
Du 14 mars au 2 juillet 2023

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