"Insert Coin" : quand la Monnaie de Paris invite à une instructive partie de flipper

À visiter idéalement à plusieurs, l'exposition "Insert Coin" est un moment de convivialité et de nostalgie auquel convie la Monnaie de Paris en racontant, des fifties aux années 2000, l'épopée des machines de divertissement à pièces. L'expérience est fort ludique et riche en informations.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
À la Monnaie de Paris, l'escalier menant à l'exposition "Insert Coin", qui se tient jusqu'au 30 juin 2024. (FG / FRANCEINFO)

C'est à une vaste partie de jeux que la Monnaie de Paris invite les visiteurs jusqu'au 30 juin 2024 dans le cadre de l'exposition Insert Coin ("Insérez une pièce"), évocation d'un aspect "quelque peu oublié de l'histoire de la monnaie". À savoir, son usage dans les machines de divertissement à pièces que sont les juke-box, baby-foot, flippers et autres bornes de jeu vidéo.

Grâce à une plongée dans les lieux de sociabilisation, notamment des jeunes, de la fin du XXe siècle à aujourd'hui, ces objets se font (re)découvrir dans une mise en scène qui s'apparente à une machine à remonter le temps. Les pochettes des disques de Claude François, plus largement des idoles yéyé, ainsi que le design des années 1970-1980 aux couleurs pétaradantes sont au rendez-vous. Sans compter les inimitables petits bips de ces machines, bande originale d'une téléportation immédiate.

Un flipper à découvrir dans l'exposition "Insert Coin". (FG / FRANCEINFO)

"Nous voulions mettre en avant des machines de divertissement qui ont été un petit peu les pierres angulaires de toute une culture jeune de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 1990-2000, et c'était évident pour nous de les remettre en contexte", rappelle Nicolas Galiffi, co-commissaire de l'exposition Insert Coin.

Bistrots, bars et cafés ainsi que les salles de jeux telles les salles d'arcade constituent les écrins de ces machines. "Le fait d'avoir essayé de retrouver les traceurs de ces lieux et de les avoir mis en scène est une façon de recréer une ambiance qui est tout de suite identifiable pour les visiteurs"

Voyage dans le temps

Le "voyage dans le temps" commence par la découverte de ces machines, "mises sur un piédestal" – normal, elles sont devenues iconiques – avant de se transformer en un monde d'interactivité.

Insert Coin permet à "chaque visiteur, qui connaissait ces machines dans leurs lieux d'époque, de se retrouver tout de suite plongé dans cet univers. Et ceux qui ne connaissent pas ces machines ou qui les ont connues à travers des films ou des séries, mais pas forcément en y jouant, retrouvent le contexte dans lequel on les utilisait".

Décor d'un bar dans l'exposition "Insert Coin". (FG / FRANCEINFO)

Dans la première salle consacrée à l'exposition, le visiteur découvre ainsi l'ancêtre des flippers, le Baffle Ball de David Gottlieb. "C'est une sorte de jeu de bagatelle, un jeu français du XVIIIe siècle réadapté par les Américains dans les années 1930, avec un monnayeur. C'est la première fois qu'un jeu de divertissement dispose d'un monnayeur dans lequel on met des sous pour pouvoir jouer", explique Nicolas Galiffi. C'est aussi dans cet espace que trône "l'une des toutes premières bornes d'arcade, qui est un Computer Space des années 1970, la première à visée commerciale".

À ses côtés, le baby-foot français, "quelque chose de très européen dans la pratique évidemment parce que le football est un sport européen", y compris dans sa production. Le tableau se complète par un juke-box, "l'une des machines qui a su concentrer l'intérêt à partir des années 1950".

Façade d'un juke-box exposé à "Insert Coin". (FG / FRANCEINFO)

Autour de ces objets ont été développés des imaginaires relatifs à la musique, à l'automobile et à la mobylette – véhicule de déplacement personnel, "grand symbole de liberté dans la période des Trente Glorieuses" –, de la technologie, de la science-fiction (conquête spatiale) et du sport (Tour de France entre autres). "Toutes ces grandes thématiques ont inspiré les jeux et ont su cristalliser l'intérêt des jeunes au cours des trente années suivantes. Les flippers reprennent, au fur et à mesure, ces thématiques qui intéressent les jeunes", explique Nicolas Galiffi.

"Quand on est face à un jeu type Space Invaders, l'une des premières bornes à grand succès datant de 1978, on est physiquement face à des pixels qui ne ressemblent pas à pas grand-chose. Par contre, dans la tête d'un adolescent de l'époque, qui a été nourri avec les magazines, les bandes dessinées, les romans, un peu de télévision, la musique... ça résonne comme des petits vaisseaux tuant les petits aliens qui viennent envahir la Terre".

Expérience intergénérationnelle

"L'expérience de jeu complète" offerte par l'exposition se fait intergénérationnelle. Les grands-parents, les parents et leurs enfants ont les yeux qui pétillent autour de ces machines. Elles rappellent des souvenirs aux plus vieux et émerveillent les plus jeunes. Au terme de la visite, ce sont d'ailleurs souvent eux les experts.

En famille ou entre amis, Insert Coin provoque fréquemment un sourire, une joie enfantine ou encore une exclamation pleine de nostalgie. "Incroyable, c'est un Street Fighter ! Ah non, c'est un Killer Instinct en fait, mais c'est le même genre", s'exclame, émerveillé, un visiteur au moment où il pénètre dans la reconstitution d'une salle d'arcade, baptisée "Argentic City" où l'on retrouve, entre autres, l'inoubliable Pac-Man.

Des visiteurs à "Argentic City", l'un des espaces de l'exposition "Insert Coin" à la Monnaie de Paris, le 12 avril 2024. (FG / FRANCEINFO)

"On sait que ces machines ont du pouvoir sur beaucoup de monde", constate Nicolas Galiffi. L'exposition devient ainsi un condensé de convivialité. Mieux, "la convivialité renaît". "Les gens n'ont pas vraiment changé, analyse le co-commissaire d'Insert Coin, c'est juste que la société, pour mille raisons, ne leur propose plus des lieux de convivialité comme on les connaissait, il y a encore une vingtaine d'années".

Ainsi, avec cette exposition ouverte en mars, se réjouit Nicolas Galiffi, "nous avons réussi à recréer une sorte de souvenir inconscient de cette convivialité créée en partie par les machines". Les queues aperçues autour des machines en attestent.

Une affaire de technologie

L'exposition, chronologique, raconte aussi une évolution technique qui, au fil des décennies, s'accompagne d'une évolution du marché. "Tout ce qui est à l'ordre de l'automatique est une vraie industrie, qui était très à l'écoute de son public. Par exemple, dans les années 1950-1960, les flippers émergent et prennent une part de marché importante dans les cafés, les bistrots et une partie des salles de jeux. Les premiers jeux vidéo qui ont connu un succès commercial important, type Space Invaders, ont fait beaucoup de mal à cette industrie de l'automatique. Cette dernière s'est alors réapproprié ces jeux vidéo. Elle a ainsi essayé de développer cette nouvelle part de marché et d'adapter ce qui existe", souligne le co-commissaire.

Les flippers, qui étaient électromécaniques, vont peu à peu muter grâce, entre autres, à l'électronique. "Les jeux vont être de plus en plus perfectionnés jusqu'à des immersions totales que l'on retrouve dans les années 1980-1990 : les flippers ont des sons qui sont enregistrés, des missions qui sont dictées par les petits écrans... Tout cela étant vraiment très inspiré du jeu vidéo." Les industriels font converger évolution technique et intérêt des joueurs.

Des objets d'espace privé

Cependant, quand les cafés et bistrots commencent à décliner dans les eighties, et de façon plus marquée dans les années 2000, l'accès aux flippers dans l'espace public se réduit. Les machines de divertissement à pièces changent de statut : d'objet, "disposé dans un espace public", elles deviennent des "objets d'espace privé".

Les collectionneurs se les arrachent et elles font plus tard, sans le monnayeur retiré à la fin des années 1990, leur apparition dans les lieux de convivialité des startups. Les modèles, que l'on y retrouve, sont contemporains, mais imitent à l'envi ce qui a existé. Le baby-foot, qui n'a pas pris une ride depuis sa création dans les années 30 par la marque Bonzini et son design de 1959, s'est aussi bien installé dans les entreprises. À l'instar de ses collègues machines de jeux, le flipper – mot français emprunté au terme en anglais signifiant "batteur" et désignant la petite spatule qui renvoie la bille –, a pris progressivement ses quartiers dans "nos foyers et nos entreprises", tout en s'imposant définitivement dans nos mémoires. En famille ou en groupe, Insert Coin est une belle occasion d'investir une petite pièce dans une bonne dose de convivialité.

L'exposition "Insert Coin" est à découvrir jusqu'au 30 juin à la Monnaie de Paris. (MONNAIE DE PARIS)

À partir de 7 ans, jusqu'au 30 juin 2024
Du mardi au dimanche, de 11h à 18h, nocturnes les mercredis jusqu'à 21h
Le billet d'entrée donne accès au musée, aux salles d'exposition et inclut des pièces de jeu : tarif plein 12 euros (incluant 10 pièces de jeu), tarif réduit 6 euros (incluant 10 pièces de jeu), gratuité (incluant uniquement 2 pièces de jeu)

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