Il y a une chose que je sais mal faire, c'est mentir, et surtout mentir à moi-même." Sur le plateau de BFMTV, mercredi 16 mai, Nicolas Hulot affiche une honnêteté déconcertante qui sonne presque comme une démission avant l’heure. Face à Jean-Jacques Bourdin, il assume avoir des doutes sur son action au gouvernement. "Cet été, on aura avec le Premier ministre un moment de vérité, on tracera des perspectives, et on prendra ensemble des décisions sur l'avenir", prévient-il.
C’est la première fois, après un an aux responsabilités, qu’il menace publiquement de claquer la porte. Mais au sein du gouvernement, voilà plusieurs mois qu’il laisse planer cette éventualité. "Dès le début, dès la première rencontre avec lui, il semblait considérer ça comme un job d’été, on sentait qu’il avait dit oui mais que cela n’allait pas durer longtemps", confie Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace.
"La question avec lui, ce n'est pas de savoir s'il va démissionner, mais quand il va démissionner !" confiait un cadre important de LREM à Marianne dès octobre 2017. A chaque dossier épineux, la question de son départ revient sur la table. "Ce n'étaient pas des chantages à la démission, mais pour que sa présence au gouvernement ait du sens, il fallait bien que ça avance", explique Matthieu Orphelin.
Contrairement à la majorité de ses collègues au gouvernement, Nicolas Hulot sait que sa carrière ne dépend d’aucun parti et qu’il n’est pas suspendu aux bonnes grâces du chef de l’Etat. "Ce qui me donne de la force, c'est que je n'attends rien après. Je ne cherche pas à être Premier ministre, ni président", affirmait-il au Parisien en septembre 2017.
Face aux demandes de son ministre, Emmanuel Macron manie perpétuellement l’art du compromis et ne ménage pas ses efforts pour le conserver. "Le président sait qu'il faut le gérer un peu comme une star à certains moments", résume un poids lourd du gouvernement dans Les Echos. Il y a un an, Edouard Philippe s’était même déplacé à Saint-Lunaire, au domicile de Nicolas Hulot, "pour faire de la câlinothérapie avec son ministre qui montrait déjà des signes de fragilité", raconte un ministre au Parisien.
Mais le mal-être du leader écologiste semble irrémédiable. De studios de radio en plateaux télé, Nicolas Hulot le répète : être ministre, il n’aime pas ça. "Aucun plaisir d'être au pouvoir", lance-t-il sur RTL fin octobre. "C'est chiant du matin au soir", renchérit-il sur France Inter. "Heureux ? Ce n'est pas le sentiment qui domine", ajoute-t-il sur franceinfo. "Je le sentais un peu déprimé. Depuis le début, il disait 'c'est dur, c'est dur'", confie son ami Gérard Feldzer, spécialiste des questions aéronautiques.
Nicolas Hulot a pourtant touché du doigt le sentiment de réussite lorsque le projet de Notre-Dame-des-Landes a été officiellement enterré, le 17 janvier. Un succès politique que certains ne lui attribuent pourtant pas directement. "Ce n’est pas une victoire de Hulot, c’est une victoire des zadistes", affirme Guillaume Garot, député PS de la Mayenne et ancien ministre délégué à l’Agroalimentaire. "C’était avant tout une question d’ordre public : le gouvernement pensait ne pas pouvoir faire face s’il avait maintenu le projet."
Mais une chose est sûre pour Gérard Feldzer, membre de la mission de médiation sur l'aéroport, cette décision a évité au ministre de subir un revers : "Je sais juste que si ça s'était passé autrement pour Notre-Dame-des-Landes, il aurait démissionné en janvier."