"Soutien au bijoutier niçois" : la polémique sur les "likes" en quatre actes
Plus de 1,5 million de personnes ont "aimé" ou "liké" la page créée sur Facebook pour soutenir le commerçant qui a abattu un braqueur. Des internautes ont mis en doute la véracité de ces chiffres. Retour sur une polémique.
Un million, puis 1,2 million, puis 1,5 million, etc. La page "Soutien au bijoutier de Nice", créée sur Facebook au lendemain de ce faits divers, continue de battre des records de popularité. A tel point que des internautes ont mis en doute samedi 14 septembre la véracité de ces chiffres. Dimanche, les administrateurs de la page ont démenti toute falsification.
Retour sur une polémique en trois actes.
Acte 1 : des données géographiques sèment le doute
L'élément qui fait douter les internautes a été fourni par le site Social Bakers. Ce dernier analyse la fréquentation des réseaux sociaux. Or, il indique que près de 80% des personnes qui ont aimé la page "soutien au bijoutier de Nice" sont enregistrés sur le réseau social comme résidents dans un autre pays que la France.
Samedi, des internautes soupçonnent les administrateurs de la page d'avoir "acheté" ces "likes" à l'étranger, comme le permettent de nombreuses entreprises spécialisées dans le marketing en ligne.
Acte 2 : des "twittos" nuancent ces accusations
Sauf qu'"au prix du marché noir, 950 000 'likes' coûteraient 15 000 dollars. Un tel investissement est peu probable", a rapidement noté Guilhem Fouetillou, professeur associé à Sciences Po et fondateur d'un institut d'analyse des conversations sur le web. Avec d'autres internautes, plus nuancés, il appelle alors à se méfier des chiffres du site Social Bakers, considérés comme incomplets, voire inexacts.
La société, contactée par Rue 89, concède pour sa part qu’"il n’y a pas moyen sûr à 100% de savoir s’il y a eu achat de fans". Dimanche, le site se fait plus précis et pointe un possible "bug" du côté du réseau social : "Le plus probable, c’est qu’il y a un bug côté Facebook, qui ne nous envoie pas des données correctes."
Acte 3 : les administrateurs de la page démentent
"Pour faire taire les rumeurs", un administrateur de la page polémique décide de jouer la transparence. Dimanche, il poste une capture d'écran présentée comme étant "une partie des statistiques que [qu'il] possède au sujet de la page". "Elles ne concernent que l’activité du 11 au 13 septembre, il faut encore attendre pour la suite", précise-t-il.
Enfin, une agence française de webmarketing publie dimanche son raisonnement permettant de conclure à la véracité des "likes" : "Aucune analyse des chiffres de Facebook ne peut conclure à un achat de likes pour cette Page", écrit KRDS.
Pour expliquer la bizarrerie géographique, pointée par Social Bakers, elle livre une explication assez technique : "SocialBakers ajoute dans la catégorie 'Minor countries' la différence entre le nombre en temps réel de likes (...) et le nombre total de 'likes' récupérés via la répartition par pays (...). Or, cette différence (...) aurait du être listé dans une catégorie “Inconnus” et non pas ajouté à 'Minor countries'", explique l'agence. "C’est une petite erreur de SocialBakers qui rend fausse l’analyse de la répartition par pays quand le nombre de likes décolle très vite." Et suffit à faire exploser la polémique, alors que le fait divers alimente désormais le débat politique, comme le montre Rue 89, dans un reportage avec les militants du Front national, très actifs lorsqu'il s'agit de défendre le bijoutier.
Acte 4 : un développeur identifie des membres du FN parmi les "likes"
Le journaliste Guy Birenbaum a demandé à Vincent Denise, développeur, entrepreneur et co-fondateur du site Kanard.fr, de se pencher sur l'identité des personnes qui ont liké la page Facebook. Ce dernier s'est penché sur les "likes" postés sous la première publication de la page en question, à savoir un article de Nice Matin sur l'affaire. Cette première publication de la page Facebook de soutien au bijoutier avait suscité plus de 1 500 "likes".
La liste complète des profils, révélée par une application développeur, révèle la présence de plusieurs membres ou proches du Front national français et belge parmi les premiers "likes" de cette page Facebook.
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