franceinfo en campagne. À Béziers, les candidats au chevet de la colère des viticulteurs
Jusqu’aux législatives des 11 et 18 juin prochain, franceinfo zoome chaque jour sur une circonscription. À Béziers dans l’Hérault, après les explications d’Emmanuel Macron sur les bienfaits de l’Europe, les candidats sont aux petits soins avec les viticulteurs.
Franceinfo poursuit son tour de France des circonscriptions qui valent le détour avant les législatives des 11 et 18 juin. Après les Yvelines, la Sarthe, l'Aisne et la Seine-Saint-Denis, Chantenay-Villedieu, direction Béziers, dans l’Hérault. Le deuxième département viticole de France voit arriver une nouvelle crise des prix et les agriculteurs attendent des actes après les explications d’Emmanuel Macron sur les bienfaits de l’Europe pendant la campagne.
Le soleil donne, ce matin-là, sur les vignes autour de Béziers et sur les grappes à peine naissantes. La floraison commence sous la surveillance de Jean-Pascal Pélagatti, le vigneron, qui fait le tour de ses 24 hectares de terres. "Le grenache commence à fleurir, observe l'homme. Dans un mois, on saura comment sera la récolte"
Le vin espagnol laisse un goût amer
Pas d’orage annoncé ce jour-là par la météo, mais à Béziers et dans tout le vignoble autour du golfe du Lion, il y en a un, d’un autre genre, qui gronde : celui du vin espagnol. Nectar pour les négociants, potion amère pour les viticulteurs occitans : "Il y a toujours eu des importations de vins espagnols, italiens ou autres, explique Jean-pascal Pélagatti. Elles représentaient, il y a cinq ou six ans, quatre à cinq millions d'hectolitres par an. Mais on s'est aperçu que depuis quatre ou cinq ans, elles avaient augmenté d'un million d'hectolitres par an. Vu que les grandes surfaces achètent des prix, elles se tournent davantage vers les vins espagnols, vendus à des prix parfois deux fois inférieurs aux nôtres."
Ces importations maintiennent les prix bas, même en cas de sécheresse, comme l’an dernier où Jean-Pascal Pélagatti a perdu 40% de sa récolte et où les ventes des viticulteurs héraultais ont chuté. "Il y a de grosses coopératives qui sont pleines, qui n'ont pas vendu en début de saison, déplore-t-il. Certains accomptes ne sont plus payés aux coopérateurs. Quand le coopérateur n'est plus payé, il se rend bien compte que c'est la crise, et je crains que dans les semaines ou les mois à venir, cela bouge vraiment..."
"Nous n'avons rien vu venir"
Dans le quartier du gasquinois à Béziers, le député sortant Les Républicains, Elie Aboud, est en pleine campagne. Élu à Béziers depuis 22 ans, il brigue un troisième mandat à l’Assemblée. Pour lui, les occasions manquées ont été trop nombreuses. "Nous n'avons rien vu venir. Mais nous imposons des règles en France de plus en plus strictes que nos voisins européens n'ont pas. Le problème le plus aggravant est l'arrivée massive de vins venus d'Amérique du Sud du fait des liens particuliers entre l'Espagne et l'Argentine et le Chili. Ce vin se retrouve chez nous et nos viticulteurs vont en crever", prédit Elie Aboud.
À côté de l’immense plage, au bord de la Méditerranée, s'étale le marché de Valras. Ici, la principale concurrente d’Elie Aboud porte un nom connu et cherche à se faire un prénom : Emmanuelle Ménard est l’épouse de Robert Ménard, le maire de Béziers, apparenté Front national. Elle espère surfer sur la vague Le Pen qui a submergé la circonscription à la présidentielle, sauf à Béziers même.
Opposée à la sortie de l’euro, "épouvantail qui effraie les gens", elle estime tout de même que le problème des viticulteurs est avant tout européen. "Nous voudrions être le relais de ces revendications. Nous voulons signaler ces abus, et agir dessus. Le député vote des lois mais peut faire plein d'autre chose, comme être une sorte de lobby", assure-t-elle.
Le sang de la vigne pourrait encore couler
À quelques pas, sur le marché, une autre candidate cherche à se faire connaître. Isabelle Voyer, ingénieur en environnement, chef d’entreprise, fait ses premiers pas en politique pour La République en marche. Pour elle, les viticulteurs ne doivent pas se contenter de demander une harmonisation des règlementations européennes "Cette ville s'est bâtie sur le sang de la vigne, rappelle Isabelle Voyer. Nous avons une formidable histoire, avec des viticulteurs qui se sont défendus dès 1907. Ce territoire mérite d'être guidé vers une transition écologique avec une valorisation sur le bio, où ils ont tout à gagner. On a rendu les viticulteurs dépendus de la chimie : comment fera-t-on pour dépolluer cela ? Nous risquons d'esquinter définitivement ce territoire..."
L’humeur des vignerons de la région est à peine meilleure que lors de la révolte de 1907. Certains ont même ressuscité le Comité régional d’action viticole, qui a mené plusieurs attentats depuis 1976. En mars dernier, le local d’un courtier en vins a été incendié à Béziers. Les viticulteurs préviennent : si le gouvernement ne s’occupe pas du problème avant les vendanges, les actions se multiplieront…
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